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Gabon : l’appel de la forêt à 30 minutes de Libreville

Dans les environs de Libreville se niche un parc spectaculaire, véritable emblème de la politique environnementale du pays. Bienvenue à l’arboretum Raponda-Walker.

On y cherche le silence. Loin du tintamarre de la capitale. Loin des cris de la foule agglutinée sur les plages du rivage librevillois. Ici, la nature n’a pas encore totalement cédé ses droits. Le chant des oiseaux n’a pas été remplacé par le concert des klaxons, et les sifflements ne sont pas ceux de policiers en uniforme.

Nous ne sommes pourtant qu’à une trentaine de minutes de voiture du centre de Libreville et de ses 850 000 habitants. En bordure de la route nationale s’étend l’arboretum Raponda-Walker, un espace forestier protégé où l’Agence nationale de la préservation de la nature a choisi de tracer plusieurs sentiers de découverte de la faune locale, dans le bien nommé Bois des géants.

« C’est un lieu idéal pour développer des activités de sensibilisation et d’éducation environnementale sur le thème de la forêt tropicale humide », explique la Fondation Nicolas Hulot, du nom du désormais ministre français de la Transition écologique et ancien représentant spécial de la présidence pour la protection de la nature.

Des espèces naturelles rares

Créé en octobre 2011 sur décision du Conseil des ministres dans le cadre du projet « Arc émeraude » de Libreville, ayant pour objet la conservation et la valorisation à long terme des parcs nationaux et des écosystèmes forestiers qui ceinturent la capitale, le Raponda-Walker est un symbole de la biodiversité gabonaise : exceptionnelle mais menacée.

Sous la pression humaine matérialisée par l’extraction du sable, de la latérite, l’exploitation du bois, l’occupation illégale des parcelles et la chasse, la forêt de la Mondah, où se trouve aujourd’hui le parc, a en effet progressivement disparu. Sa superficie ne serait aujourd’hui plus que de 2 000 ha, quand elle en comptait 50 000 voici soixante ans.

Quelque 39 espèces endémiques, dont des épiphytes, qui poussent en se servant d’autres plantes comme support, y subsistent pourtant. Elles résistent encore et toujours à l’envahisseur, tout comme ce fromager de 60 m de hauteur, véritable roi de ce monde vert placé sous le patronage d’André Raponda-Walker, grand humaniste et écrivain, premier Gabonais à avoir été ordonné prêtre et qui, jusqu’à son décès en 1968 à l’âge de 97 ans, étudia la flore de son pays.

Trois parcours possibles

On pénètre dans l’aire protégée comme dans une cathédrale, sur la pointe des pieds, en retenant quelque peu son souffle. Laissant le bruit, la lumière aveuglante et la chaleur d’un soleil de milieu de matinée derrière soi, on franchit alors les quelques mètres qui nous séparent d’une majestueuse nef au vert flamboyant, avec l’ambition de s’y fondre.

À mesure que les souvenirs des quelques voitures s’estompent, ce sont les piliers de la terre, les ozigos, les okoumés, dont les troncs peuvent faire plusieurs mètres de diamètre, qui reprennent leurs droits. On s’attend à croiser une famille de chimpanzés y cassant paisiblement la croûte et on prête l’oreille, ravi, à l’accueil des oiseaux forestiers, tout en choisissant son parcours : bleu, rouge ou vert. Étrangement, ce dernier, le plus long, qui s’étend sur un peu moins de 5 km, est le plus difficile.

Souvent escarpé, parfois glissant et boueux, il s’enfonce au cœur de la forêt équatoriale côtière tout en essayant d’en respecter l’intégrité grâce à quelques poubelles disséminées sur le parcours. À l’entrée des lieux, trois écogardes installés dans une cabane en bois au bord de la route d’accès y veillent également. Ce sont eux qui balisent les sentiers et s’assurent qu’ils sont praticables et préservés. Ils accompagnent parfois même des groupes, comme cette famille venue de Libreville en ce samedi matin.

À l’instar de ce groupe d’amis expatriés, dont un couple et sa petite fille, elle souhaite découvrir quelques secrets relatifs aux multiples espèces végétales et animales, et ne goûte que peu les plages bondées de la capitale. La chaleur peut-être. Le bruit et la foule sans doute. Le besoin de s’évader assurément.

La piste verte est donc plus ardue qu’on ne l’imagine. Cours d’eau, troncs renversés à escalader, mieux vaut être ingambe si l’on veut pouvoir admirer la canopée, où s’étendra bientôt le Sentier des géants. Prévu en 2018, celui-ci a été imaginé par une société française, Biotope, qui dispose déjà de nombreux bureaux en Afrique.

Sensibiliser les visiteurs de manière ludique

Avec une piste construite sur caillebotis et un chemin aérien suspendu dans la canopée, il « constituera un remarquable support pédagogique pour communiquer, notamment auprès des enfants, sur la politique actuelle de protection et de conservation du pays, sur la richesse du patrimoine qu’abrite cette forêt et sur les menaces qui pèsent sur elle », explique Julien Cordier, directeur Afrique de la société Biotope.

Serpentant sous et dans ces arbres, dont certains font une quarantaine de mètres de hauteur, tout en instruisant les promeneurs, il « permettra au visiteur de percevoir la forêt du point de vue d’un oiseau […] à travers une approche multisensorielle », ajoute-t‑il. Les panneaux explicatifs et les douze stations d’interprétation sur la faune et la flore sont d’ailleurs déjà en partie en cours de réalisation.

« L’idée est de proposer quelque chose de ludique aux visiteurs, facile d’accès, notamment pour les familles », explique l’un des concepteurs du projet. En effet, les sentiers existants ne regorgent pas d’informations, hormis quelques écriteaux indiquant l’espèce de tel ou tel arbre.

Le visiteur est davantage un randonneur qu’un simple curieux avide de parfaire ses connaissances sur la canopée.Au pas de charge et avec un bon équilibre, le chemin vert se laisse finalement avaler en un peu moins d’une heure, sans profiter des sentiers descendant vers les plages désertes.

Certains préféreront toutefois prendre leur temps, flâner, observer, écouter, voire se prélasser sur les quelques plages accessibles par layons, là où le bleu de l’Atlantique rejoint l’émeraude de la forêt. Il leur faudra ensuite reprendre la route de Libreville, sans nul doute apaisés mais surtout plus riches et conscients des trésors infinis que recèle la nature gabonaise.

Par Mathieu Olivier

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