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Angola : l’après-dos Santos divise

Au pouvoir depuis 1979, le chef de l’État a désigné son dauphin. Mais le choix de João Lourenço, ministre de la Défense, pour mener la liste des législatives du MPLA en août inquiète. A-t-il été imposé par le parti au pouvoir ou par le président lui-même ?

Il y a un mystère dos Santos. Comment cet homme peut-il abdiquer, après trente-huit années de règne sans partage sur la deuxième puissance pétrolière du continent ? Certes, à 74 ans, le chef de l’État angolais connaît des problèmes de santé. Depuis le début de cette année, il multiplie les séjours dans un hôpital de Barcelone, en Espagne. Mais l’un de ses proches confie : « Je l’ai vu il y a trois semaines à Luanda. Il n’est pas à l’article de la mort. Il travaille. » Alors pourquoi s’en va-t-il ? « Il y a peut-être de la lassitude… »

João Lourenço

De fait, à la différence de l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema ou du Zimbabwéen Robert Mugabe, José Eduardo dos Santos ne semble pas décidé à mourir au pouvoir et se prépare une retraite confortable. Le 28 juin, le Parlement angolais a voté une loi qui accorde aux anciens chefs d’État du pays, « jusqu’à leur décès », des gardes du corps, un chauffeur et une pension équivalant à 90 % de leur salaire, qui est officiellement de 1 million de kwanzas – environ 5 300 euros par mois.

Surtout, cette loi stipule que les ex-présidents ne peuvent être poursuivis en justice que pour des actes étrangers à l’exercice de leurs fonctions. Le président sortant se protège, car il sait que l’opinion angolaise pourrait un jour lui demander des comptes. Pour éviter tout aléa judiciaire, dos Santos a aussi tenté de verrouiller sa succession.

Un outsider vierge de tout scandale

L’a-t-il imaginée dynastique au profit de sa fille Isabel, la femme la plus riche d’Afrique, ou de son fils José Filomeno, qui dirige le fonds souverain du pays ? « C’est peu probable, analyse Siona Casimiro, journaliste à Radio Ecclesia, le grand média catholique de Luanda. Ici, tout passe par le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), le parti-État. Or les enfants du président n’y occupent pas de position clé. »

Ici, tout passe par le MPLA. Or les enfants du président n’y occupent pas de position clé

En revanche, beaucoup pensent que dos Santos a essayé d’imposer le vice-président Manuel Vicente, qui a longtemps dirigé la très puissante Sonangol, la compagnie pétrolière nationale. Problème : Vicente est dans le collimateur d’Isabel, qui lui a succédé à la tête de la société. Surtout, l’ex-patron de la Sonangol est poursuivi pour corruption. La justice portugaise le soupçonne d’avoir versé des pots-de-vin à un procureur de Lisbonne actuellement en prison.

En décembre 2016, le chef de l’État a donc choisi comme dauphin un outsider, le ministre de la Défense, João Lourenço, 63 ans. Il est certes moins connu que d’autres mais n’est entravé par aucune affaire de corruption.

L’aboutissement d’un long processus

Ce qui apparaît au grand jour, c’est que le MPLA, ce vieux parti marxiste, est divisé sur l’après-dos Santos. Contre l’accaparement des richesses du pays par un seul clan, deux « frondeurs » : la députée Irene Neto, fille d’Agostinho Neto, le père de l’indépendance angolaise, et l’ambassadeur Ambrosio Lukoki, ex-idéologue du régime de Neto. Au sein du MPLA, ils relaient habilement la colère de l’opinion publique contre l’accumulation de biens au profit de la famille dos Santos.

D’où cette question : le dauphin Lourenço a-t-il été imposé par dos Santos au MPLA ou par le MPLA à dos Santos ? Pas simple. Depuis quelques mois, dos Santos se fait représenter par Lourenço un peu partout. Le 17 mai, à Washington, le ministre de la Défense a signé avec le secrétaire d’État américain à la Défense un accord de partenariat stratégique sans précédent entre les deux pays. Le 3 juillet, il assistait au sommet de l’Union africaine. Le 10, il était reçu à l’Élysée par le Français Emmanuel Macron, à qui il a remis un message personnel de dos Santos.

Cela fait longtemps que je me prépare à cette fonction et que l’on m’y prépare

Apparemment, tout va pour le mieux entre le président angolais et son dauphin. Mais, dans ses prises de parole, Lourenço tient à montrer qu’il n’est pas le « petit Chose » de dos Santos. « Cela fait longtemps que je me prépare à cette fonction et que l’on m’y prépare, a-t-il déclaré, dès février dernier, à Luanda. Ce qui arrive aujourd’hui n’est que la confirmation de quelque chose qui, en interne et au niveau de la direction du parti, était déjà acquis. » Visiblement, l’ancien secrétaire général du MPLA (1998-2003) tient à montrer qu’il tire sa légitimité du parti, pas de dos Santos.

Dos Santos sur la banquette arrière ?

Pour le journaliste angolais Rafael Marques, qui résiste farouchement aux pressions du régime depuis plusieurs années, João Lourenço reste avant tout un « général dur du MPLA », dont la promotion ne représente qu’un simple « changement de visage » à la tête du parti-État. L’opposition va plus loin. Pour l’Unita, si jamais le MPLA gagne les législatives en août, le leader désigné par le parti succédera au président, comme le prévoit la Constitution, mais « dos Santos continuera de diriger depuis la banquette arrière, même s’il a engagé un nouveau chauffeur ».

Réplique du proche de dos Santos cité plus haut : « Pas si simple. En tant que conducteur, c’est Lourenço qui choisira d’appuyer sur le frein ou sur l’accélérateur. » En fait, beaucoup d’Angolais se demandent si, une fois parti du palais rose et blanc qui domine la magnifique rade de Luanda, José Eduardo dos Santos va tenter de se maintenir à la présidence du MPLA. Si oui, la théorie de la « banquette arrière » sera de plus en plus partagée. Et, dans cette hypothèse, « le pouvoir deviendra bicéphale, ce qui ne sera pas une bonne chose », prévient l’ancien Premier ministre Lopo do Nascimento, l’un des rares cadres du MPLA qui ose parler ouvertement dans les médias.

Si Lourenço accède au pouvoir, il devra sans doute composer avec le père mais aussi avec la fille

Bref, si Lourenço accède au pouvoir, il devra sans doute composer non seulement avec le père mais aussi avec la fille, qui tient le pétrole – l’un des deux piliers du régime. « La Sonangol représente un énorme potentiel de friction », analyse Siona Casimiro.

Un proche des généraux

L’autre pilier, c’est l’armée. A priori, même s’il n’a rejoint le maquis qu’après la défaite des Portugais, en 1974, João Lourenço bénéficie de l’estime des généraux. De 1978 à 1982, il a suivi une formation militaire en Union soviétique. Puis, de 1990 à 1992, il a dirigé le département politique des forces armées angolaises. Ministre de la Défense depuis 2014, il a l’oreille de l’état-major et soigne la carrière des officiers des trois armes.

Il reste que, la semaine dernière, dos Santos a tenté de faire passer au Parlement une loi qui aurait rendu inamovibles les actuels numéros un de l’armée, de la police et des services de renseignements… pendant huit ans ! La manœuvre a échoué, mais elle prouve qu’entre dos Santos et Lourenço la confiance n’est pas totale. Et en cas de conflit, tous deux savent que l’armée ne restera pas inerte.

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