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Maîtrise de la masse salariale : La vision de Jean-Marie Ogandaga

Lors du séminaire gouvernemental du 14 au 15 septembre au Cap Estérias, le ministre du Budget a présenté la réduction de la masse salariale comme l’un des préalables au succès du Plan de relance économique (PRE). Dans cette interview accordée à Gabonreview, Jean-Marie Ogandaga revient sur les contours de ce chantier axé autour de la mise en place de nouveaux mécanismes de gestion.

Gabonreview : Vous avez présenté une communication sur la taille des effectifs et, surtout, la question de la masse salariale. Pourquoi cette préoccupation ?

Jean-Marie Ogandaga : Comme vous pouvez le constatez, la masse salariale de l’administration publique gabonaise est devenue une préoccupation de l’ensemble du gouvernement. Et pour cause, elle a dépassé les proportions édictées par les normes de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Et en tant que membre du gouvernement responsable de l’agent public, nous ne pouvions rester insensibles et subir indéfiniment cette hausse. Il était de notre devoir de donner des explications structurelles d’une part. Et, d’autre part, des explications à l’ensemble du gouvernement sur les mesures à prendre pour faire en sorte que cette masse salariale soit contenue sur les plans juridique, organisationnel et financier.

La masse salariale est une résultante de l’ensemble des dépenses liées aux agents de l’Etat et payées par l’ensemble des administrations. Cette masse salariale est structurelle ou occasionnelle. Dans le premier cas, nous savons les points à toucher. Dans le second, par contre, il va de soi qu’il faut limiter les occasions provoquant l’accroissement de la masse salariale. C’est la raison pour laquelle nous avons constaté que pour agir de façon durable sur la maitrise de la masse salariale, il faut connaître de façon exacte les éléments produisant cette hausse. Ensuite, il faut que sur le plan organisationnel, nous ayons des outils faisant que nous restaurions dans l’administration gabonaise, le principe de «l’écrivain unique, lecteurs multiples».

Cela revient à dire que il faudrait qu’il y ait une seule entrée au niveau de l’Etat en matière de recrutement et de production des éléments relatifs aux salaires de l’Etat. De telle sorte que tous les agents qui rentrent par la porte de la Fonction publique, soient utilisés par les départements ministériels dont la mission est de mettre en œuvre le Plan de relance économique (PRE). A partir de ce moment, nous saurons exactement combien nous avons provisionné en matière de salaires et de combien d’agents nous avons besoin. C’est dans ce sens que dans ma communication, j’ai souligné que nous devons mettre en place des cadres organiques : l’environnement permettant de connaître la taille de chaque programme. Dans ce sens, la Budgétisation par objectif de programme (Bop) doit s’arrimer de façon étroite au programme de mise en place des Directions centrales des ressources humaines (DCRH).

Quelles sont les données en termes statistiques pour mieux comprendre ce phénomène d’accroissement de la masse salariale ?

Sur 10 ans, nous nous sommes rendu compte que la masse salariale a bondi de 300 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, elle est de 710 milliards de francs CFA, avec un pic de 732 milliards il y a deux ans. Nous avons eu une décrue de -20 milliards depuis 2015, mais ces efforts sont insuffisants. Les capacités de financement ne doivent pas être absorbées par la masse salariale. Nous avons besoin d’investir, de construire des infrastructures…Si la masse salariale devient un problème, cela sous-entend que les acteurs chargés d’animer les politiques publiques deviendraient eux-mêmes un problème. Nous devons donc tout faire pour contenir la masse salariale dans des proportions permettant à l’Etat de fonctionner de façon efficiente.

Concrètement, qu’allez-vous faire pour contenir cette masse salariale ?

De manière concrète, il faut mettre en place des mécanismes de gestion. Et c’est pour cette raison que nous avons mis en place des DCRH. Nous étions dans une logique de concentration de toute la gestion au niveau de la direction générale de la Fonction publique, qui devait gérer plus de 80 000 agents. Nous avons éclaté cette direction en mettant auprès de chaque ministère et institution, une DCRH. Nous devons ensuite mettre en place un système intégré de gestion des ressources humaines : c’est-à-dire, avoir la même information peu importe l’administration dans laquelle on se trouve. Et chaque responsable de programme va avoir des habilitations pour ne voir que des agents de son département.

Et à partir de ce moment, la masse salariale affectée à chaque administration doit être en adéquation avec les effectifs. Sinon l’on court le risque d’avoir une masse salariale inférieure ou largement supérieure aux effectifs en place. Nous devons également mettre en place un outil correctif faisant qu’il y ait une communication entre les différentes structures gérant les ressources humaines de l’Etat. De telle sorte qu’en cas de ressources financières excessives dans un département, avant de procéder à de nouveaux recrutements, il faudrait simplement redéployer les effectifs pléthoriques identifiés dans d’autres départements. Cela permettrait d’avoir une cartographie des emplois et des fiches de poste correspondant à des emplois budgétairement créés. Faute de quoi, nous risquons d’avoir des doublons ou des dépenses créées ne correspondant pas au niveau d’activités des administrations.

La suspension sur 12 mois des recrutements à la Fonction publique est-elle le début de l’application de cette nouvelle orientation ?

Lorsque vous mettez en place les besoins réels de votre administration, vous êtes à même de réguler les entrées et les sorties. Or, à ce jour, aucune administration n’est à mesure de me dire combien d’agents il lui faut pour optimiser son fonctionnement. Et c’est ce travail que nous avons demandé à tous les secrétaires généraux, à toutes les directions générales des ressources humaines : nous dresser une cartographie des emplois, des besoins réels en emplois. Afin que nous constations si oui ou non les besoins en recrutement sont avérés.

Au département des Mines que je connais très bien, par exemple, nous avons plus de 300 agents. Et il y a moins de 20% d’agents susceptibles de faire le travail correctement. Il y a donc plus de 80% des effectifs posant un réel problème. Qu’allons-nous donc faire de ces effectifs problématiques ? Une chose est sûre, nous ne pouvons les mettre dehors. Par contre, nous pouvons les redéployer dans des administrations où ils donneraient la pleine mesure de leurs capacités. A défaut, nous pourrions également les reconvertir. Sur ce dernier plan, c’est la raison pour laquelle nous avons stoppé les envois en stage. Car les stages doivent répondre à des objectifs bien déterminés par le gouvernement : les agents doivent aller en stage pour acquérir de nouvelles connaissances leur permettant de s’insérer dans les métiers nouveaux de l’administration ; ou dans les départements en manque de compétences humaines.

Par ailleurs, le gel des recrutements concerne moins de 26% des effectifs de la Fonction publique. Les secteurs de la santé, l’éducation, la défense et la sécurité, constituant 74% des effectifs des agents permanents de l’Etat, ne sont pas concernés par cette mesure.

Dans cette logique, il faudrait également réguler les départs à la retraite pour libérer des postes…

Il n’y a aucun problème au niveau de la régulation des retraites. Le problème est que nous n’appliquons pas les textes mis à notre disposition. Au niveau de la Fonction publique, nous connaissons depuis l’année dernière, toutes les personnes admises à faire valoir leur droit à la retraite. Nous connaissons également ceux de l’année prochaine. Le problème se situe simplement au niveau du circuit de l’application.

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