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Gabon – Crise politique : l’impasse

La crise politique qui secoue le Gabon depuis la proclamation de l’élection présidentielle d’août 2016 se poursuit. Un an après l’élection contestée d’Ali Bongo Ondimba, le pays est toujours divisé en deux entre les partisans du pouvoir et ceux de l’opposant Jean Ping. Les premiers considèrent que le match est joué et qu’Ali Bongo, qui gouverne le pays, est durablement installé au sommet de l’Etat. Les autres, qui continuent de nier toute légitimité à Ali Bongo, se disent confortés par les prises de position du parlement européen et s’illustrent par des actions de défiance contre le régime. La perspective d’une sortie de crise entre ces 2 camps irréconciliables n’a jamais été aussi hypothétique.

Depuis septembre 2016, les positions d’Ali Bongo et de Jean Ping n’ont pas évolué.

Ali Bongo est ses soutiens n’ont cessé d’afficher un déni systématique du poids des partisans de Jean Ping dans l’opinion. Sans réserve, ils balaient les questionnements sur la réalité des scores obtenus par leur mentor dans la province du Haut-Ogooué lesquels ont fait basculer l’élection (plus de 90% des suffrages avec un taux de participation de 99 ,9%). Déni aussi, quand il faut reconnaitre que la crise politique a aggravé la crise économique latente.

Statu quo

Au sein du pouvoir, on essaie sans cesse de faire passer Jean Ping pour un va-t-en-guerre, oubliant volontiers ses nombreux appels au calme, et parfois pour un marginal délaissé par ses soutiens. Certains opposants se sont certes rapprochés d’Ali Bongo, mais plusieurs poids lourds de la politique gabonaise comme Guy Nzouba Ndama, Casimir Oyé Mba, Zacharie Myboto, Leon Paul Ngoulakia ou encore Jean Eyeghé Ndong sont restés fidèles à Jean Ping malgré les appels du pied du pouvoir. Les soutiens d’Ali Bongo continuent de se convaincre que le dialogue national qu’ils ont organisé au 2e trimestre 2017 a suffi à régler la crise politique, minimisant l’absence de Jean Ping qui a pourtant recueilli 47% des suffrages selon les résultats officiels lors de la dernière présidentielle.

Jean Ping quant à lui est constant dans sa contestation énergique et sa délégitimation d’Ali Bongo qu’il a prévu de combattre, s’il le faut jusqu’à en perdre la vie. Convaincu de s’être fait volé sa victoire en aout 2016, il a multiplié les voyages à l’étranger pour plaider sa cause, demandé que les auteurs de crimes pendant la crise post-électorale soit jugée et pour des sanctions internationales contre le régime. S’il est incontestable que Jean Ping a mené le combat de l’opposition gabonaise à un niveau jamais atteint par le passé, il n’en demeure pas moins que l’intervention souhaitée de la communauté internationale a été inférieure à celle qui était espérée.

En outre la procédure préliminaire conduite par la Cour pénale internationale (CPI) sur d’éventuels crimes contre l’humanité et sur laquelle l’opposition fonde beaucoup d’espoir, va s’inscrire dans le temps. Elle pourrait même durer plusieurs années dans l’hypothèse où les investigations préliminaires de la CPI débouchaient sur un procès.

Nouveau cycle d’arrestations d’opposants

Pour ramener de la sérénité dans le débat politique national et réduire les contestations contre son régime, Ali Bongo a cru bon de faire quelques concessions lors du dialogue national auquel a pris part une frange minoritaire de l’opposition. Aussi a-t-il endossé les propositions sur le retour des scrutins uninominaux à 2 tours, une refonte de la CENAP, l’organe en charge d’organiser les élections et distribué des strapontins à des membres de l’opposition. Il est cependant resté hermétique à la limitation des mandats présidentiels, crédibilisant les propos de ceux qui le soupçonnent de vouloir d’une présidence à vie et peut-être de nourrir les desseins d’une dévolution monarchique du pouvoir.

De son côté, Jean Ping a été conforté dans l’idée que le dialogue national n’avait pour but que de légitimer le pouvoir d’Ali Bongo par le biais d’une distribution de poste à certains opposants dans l’appareil de l’Etat. Après sa dernière tournée en Europe, il avait envoyé plusieurs signaux laissant croire qu’il attendait une action décisive d’Ali Bongo, notamment lors de son adresse à la nation du 16 aout au soir. Peu avant, il s’était adressé à ses partisans en leur indiquait qu’était venu l’heure de la reconstruction. Cependant, la nature quelconque du discours à la nation prononcé par Ali Bongo à l’occasion de la fête de l’indépendance du Gabon a semblé radicaliser encore plus Jean Ping.

Le 18 aout, dans un discours singulier, Jean Ping appelé ses partisans à descendre dans les rues pour chasser Ali Bongo et l’installer au pouvoir. Les quelques manifestations qui ont suivi ce discours ont été l’occasion pour le pouvoir d’ouvrir un nouveau cycle d’arrestation. Des leaders de l’opposition (Frédéric Massavala et Pascal Oyougou) et de nombreux militants ont été arrêtés, grossissant le nombre d’opposants incarcérés.

Des propositions pour sortir de l’impasse par une médiation ou un 2e dialogue

Dans l’opposition, comme dans la majorité on est conscient que la situation actuelle n’est pas tenable dans la durée et qu’il faut sortir de cette impasse d’une façon ou d’une autre pour débloquer le pays et relancer la machine économique. Les premiers à s’être signalés furent Casimir Oyé Mba, Guy Nzouba Ndama et Jean-de-Dieu Moukagni Iwangou qui ont appelé dès le 2e trimestre 2017, à un dialogue entre le camp Bongo et le camp Ping. Pendant cette période, l’éphémère perspective d’une médiation du président guinéen Alpha Condé fut bien accueillie par l’opposition réunie autour de Jean Ping mais pas par le régime d’Ali Bongo qui la jugeait inopportune.

Paul Marie Gondjout, l’un des leaders du parti Union nationale (UN) avait envisagé une solution de sortie de crise excluant les deux principaux protagonistes, Ali Bongo et Jean Ping, la mise en place d’une transition avant l’organisation de nouvelles élections.

Jean Ping s’était lui-même prononcé en faveur d’une médiation, à condition que son objet porte sur le départ d’Ali Bongo du pouvoir. Une perspective peu réaliste en l’état actuelle. Cependant, la volonté de Jean Ping de voir intervenir un médiateur international est bien réelle.

Plus récemment, l’ancien premier ministre Raymond Ndong Sima, candidat indépendant à la dernière présidentielle, a appelé à un 2e « vrai dialogue » avec un médiateur et des règles acceptés par tous. Son appel fait fi de la position du gouvernement qui avait affirmé qu’il n’y aurait pas de 2e dialogue. Raymond Ndong Sima pense au contraire que les pays occidentaux vont contraindre le gouvernement à en organiser un.

Au sein du pouvoir, certains responsables déplorent la situation. L’ancien secrétaire général du parti démocratique gabonais (PDG – au pouvoir), Faustin Boukoubi, avait lui-aussi proposé que des discussions soient ouvertes entre le pouvoir et les opposants proches de Jean Ping. Le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilié-By-Nze, s’était empressé de le contredire publiquement. Faustin Boukoubi avait fini par démissionner. Il ne s’est plus exprimé publiquement depuis.

MAYS MOUISSI

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