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Gnassingbé, Bongo et Kabila : ces « héritiers » présidents contestés dans leurs pays

En Afrique, Faure Essozimna Gnassingé, Ali Bongo Ondimba et Joseph Kabila Kabange, respectivement présidents du Togo, du Gabon et de la RDC sont le symbole de la dévolution monarchique du pouvoir dans des pays présentés comme démocratiques. Ces 3 chefs d’Etats qui ont en commun d’avoir accédé à la magistrature suprême à la suite de leurs pères dans des conditions souvent troubles et contestées, font face à un vent de contestation dans leurs pays. Plus que par le passé, au Togo, au Gabon et en RDC, les populations n’hésitent plus à afficher leur défiance envers ces « héritiers semi-monarques ».

Au cours des dernières semaines, Lomé, la capitale du Togo, a vibré aux bruits des slogans anti-Faure. Semaine après semaine, l’opposition emmenée par Tikpi Atchadam, le leader du (Parti national panafricain) et par Jean-Pierre Fabre a mobilisé des centaines de milliers de personnes dans la ville. Les manifestations qui avaient pour but de réclamer des réformes constitutionnelles, notamment un retour à la Constitution consensuelle de 1992, se sont vite muées en immense rassemblement anti-Faure Gnassingbé. Dans les cortèges, les opposants appelaient à son départ.

« Dictature héréditaire »

Réélu en 2015, au cours d’un scrutin contesté comme tous les scrutins où il a été désigné vainqueur, le fils de l’ancien président Gnassingbé Eyadema, a semblé être surpris par la capacité de mobilisation de son opposition. La veille d’un grand rassemblement de ses adversaires, il a fait annoncer dans la précipitation, la mise en œuvre à venir de réformes démocratiques. Selon certains observateurs, cette annonce avait vocation à démobiliser les partisans de l’opposition. Cependant, elle a produit l’effet inverse. Le lendemain, des centaines de milliers de Togolais étaient dans les rues à Lomé et ailleurs dans le pays pour demander son départ.

Habitué à faire usage de répression, le régime de Faure Gnassingbé n’a pas tardé à déployer son arsenal sécuritaire. Des manifestants ont été réprimés, plusieurs ont été arrêtés, des journalistes occidentaux ont été expulsés et internet a été coupé comme ce fut le cas au Gabon, en septembre 2016, au plus fort de la contestation du régime d’Ali Bongo. Etrangement, ce qui par le passé aurait pu casser le mouvement anti-Faure a produit un effet contraire. Des jeunes, exaspérés par la censure d’internet et le recours systématique à la force ont rejoint les manifestants, l’opposition a bénéficié d’un plus grand relais de ses actions dans les médias internationaux qui n’hésite plus à qualifier le régime de Faure Gnassingbé de « dictature héréditaire ». Quant à la contestation contre Faure Gnassingbé, elle se poursuit. Les coalitions d’opposition Combat pour l’alternance politique (CAP 2015), Parti national panafricain (PNP) et G6 ont déclaré la journée de vendredi 29 septembre « journée morte ».

Le régime d’Ali Bongo n’a eu son salut que grâce à la manipulation des résultats

Comme Faure Gnassingbé, Ali Bongo n’hésite pas à recourir à la force contre ses opposants. Son accession à la magistrature suprême en 2009 s’est faite sur les blessures de ces deux principaux opposants d’alors, l’un et l’autre sont aujourd’hui décédés. En effet, le 3 septembre 2009, quelques minutes avant l’annonce par le ministre gabonais de l’intérieur des premiers résultats du scrutin, l’armée a violemment réprimé un rassemblement de l’opposition qui demandait la proclamation des « vrais résultats ». Ce jour-là, André Mba Obame et Pierre Mamboundou avaient été blessés, le second grièvement … Et Ali Bongo a succédé à son père Omar Bongo qui a dirigé le Gabon pendant 38 ans.

En août 2016, à la surprise générale, les principaux adversaires d’Ali Bongo sont parvenus à mettre place une candidature unique pour le défaire. Jean Ping a été choisi pour être le « candidat unique » de cette opposition. Désorganisé, divisé, surpris par le soutien populaire en faveur de Jean Ping, le régime d’Ali Bongo n’a eu son salut que grâce à la manipulation des résultats du Haut-Ogooué, la province d’origine des Bongo, où Ali Bongo s’est vu attribué 95% des suffrages pour un taux de participation exceptionnel de 99,9%.

Les soupçons de fraude, corroborés par les témoignages de représentants de l’opposition au sein de la Commission électorale provinciale qui ont avoué devant huissier avoir été payés 50 millions FCFA pour fermer les yeux sur la manipulation des résultats, ont jeté le discrédit sur le régime Bongo. Par milliers, les gabonais sont descendu dans les rues pour demander le départ d’Ali Bongo. Violemment réprimés, des milliers d’opposants ont été arrêtés d’autres ont été tués. Pour le pouvoir ne s’agissait que de « délinquants et pillards ».

Le 1er septembre 2016, la violence a atteint son paroxysme avec l’attaque nocturne du quartier général de Jean Ping. Murs maculés de sang, impacts de balles, mort à même le sol, cette attaque a traumatisé de nombreux gabonais. Libre de manifester, la diaspora gabonaise en France se rassemble depuis ce jour chaque semaine à Paris pour appeler au départ d’Ali Bongo. A Libreville comme à Port-Gentil, Jean Ping et ses soutiens multiplient les manifestations en même temps que le pouvoir multiplie les arrestations. Le conflit politique gabonais a été transporté en Europe : dernière victoire symbolique de l’opposition, la résolution du parlement européen contre le régime d’Ali Bongo, vite minimisée par son entourage.

Principaux opposants tenus éloignés du pays

Si au Togo et au Gabon, les dirigeants organisent des scrutins, bien que contestés, dans les délais constitutionnels, leur homologue congolais Joseph Kabila, a choisi de retarder le plus possible l’organisation des élections. Ne pouvant se représenter après deux mandats consécutifs à la tête de la RDC, Joseph Kabila se maintient au pouvoir depuis 10 mois alors que son mandat a officiellement pris fin en décembre 2016.

Malgré diverses médiations et dialogues politiques, Joseph Kabila et ses proches parviennent toujours à imposer le statu quo. Les manifestations contre son régime sont systématiquement réprimées. Moïse Katumbi, l’un de ses principaux opposants, est tenu éloigné du pays et Sindika Dokolo, le richissime collectionneur d’arts qui a affiché son opposition au régime, est sous la menace de la justice.

Frileux, le régime de Joseph Kabila a craint que le retour de la dépouille de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, décédé en Belgique le 1er février 2017, offre à l’opposition l’occasion d’un grand rassemblement. Plus de 7 mois après son décès, Étienne Tshisekedi n’a toujours pas été inhumé.

Dans cette situation, les opposants qui soupçonnent Joseph Kabila de vouloir se maintenir au pouvoir par tous les moyens affirment qu’ils n’hésiteront pas à faire appel à la rue. Ainsi, au Togo, au Gabon comme en RDC, la rue semble être le dernier recours contre les régimes des « héritiers » présidents.

MAYS MOUISSI

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