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Pourquoi Planète+ a-t-elle déprogrammé un documentaire sur la mère d’Ali Bongo ?

Planète+ a décidé de déprogrammer un volet de sa série “Despot Housewives”, sur les femmes de dictateurs, consacré à Patience Dabany, la mère du président gabonais Ali Bongo. Mais promis, Vincent Bolloré n’y est pour rien.

Despot Housewives n’a jamais aussi bien porté son nom. La série documentaire consacrée aux femmes de dictateurs, diffusée par Planète+, vient en effet de connaître un épisode aussi curieux qu’inattendu. Le dernier opus de la deuxième saison n’a tout simplement pas été diffusé. La chaîne du groupe Canal+ l’a déprogrammé au dernier moment après le dépôt d’une plainte de Patience Dabany, plus connue sous le nom de Joséphine Patience Bongo, ex-femme d’Omar et mère d’Ali, présidents de père en fils de la République du Gabon.

« J’ai appris sa déprogrammation deux jours avant sa diffusion (le 28 septembre NDLR) », explique à Télérama Joël Soler, l’auteur du documentaire actuellement en tournage à l’étranger. « L’avocat de Patience Dabany a saisi la chaîne, qui veut prendre le temps de la réflexion avant sa reprogrammation que j’espère », ajoute-t-il. « C’est quelque chose de banal, nous avons reçu une mise en demeure et le service juridique a estimé qu’il était nécessaire d’en étudier le fond », confirme Christine Cauquelin, directrice des chaînes thématiques Découverte du groupe Canal+ (Planète+, Planète+ A&E, Planète+ CI, Planète+ Thalassa, Seasons).

Que révèle cet épisode qui gêne à ce point l’ex-femme de l’autocrate gabonais? Rien sur le fond même si le réalisateur n’élude pas les questions qui fâchent. « C’est du décryptage historique, pas de l’investigation », explique-t-il. Patience Dabany, surnommée « Maman Gabon », y relate les 20 années passées auprès de son mari (de 1967 à 1987) avant son divorce et les liens qui l’unissent à son fils. Elle n’a de cesse de souligner l’importance de son rôle : « Tout le monde m’appelle maman car je m’occupais de tout le monde, des femmes, des hommes, des vieux, des jeunes… » ; « C’est moi qui ai amené les femmes dans la politique ».

Lorsque le film aborde les questions plus délicates sur la dictature, le meurtre de son amant ou les allégations des opposants, Patience Dabany botte en touche (« Qui ne répond pas aux intérêts de l’Occident devient un dictateur ») ou s’interrompt carrément, encouragée par son « manager », présent tout au long de l’entretien. « Je refuse de répondre à cette question ».

« Comme pour l’ensemble des autres intervenants, elle connaissait le sujet du doc, les aspects politiques. Et nous lui avions envoyé toutes les questions au préalable », souligne Joël Soler. Insuffisant manifestement pour celle qui, à 73 ans, est officiellement chanteuse, mais se définit comme « star et protectrice du peuple ». Et on ajouterait volontiers de son fils. Les témoignages du film mettent en effet en lumière le pouvoir d’influence et de nuisance que « Maman Gabon » conserve auprès de l’actuel président. Sans équivoque, elle lâche d’ailleurs dans le documentaire : « Je n’ai jamais cessé de protéger mon fils : celui qui le touchera devra d’abord passer sur mon cadavre ».

Cet épisode intitulé Les matriarches évoque également, mais moins longuement, les épouses des dynasties nord-coréennes et Magda Goebbels. « Étant donné qu’elle n’a pas vu le film, elle a peut-être eu peur du casting, que son nom soit notamment associé à l’épouse d’un nazi », avance Joël Soler, qui insiste sur le fait « qu’elle était au courant de tout et que toutes les explications lui avaient été données. »
Aucune pression
Reste que cette déprogrammation tardive demeure surprenante et plutôt gênante en terme d’image. Lors de la diffusion des deux premiers épisodes le 21 septembre, la direction s’était félicitée du partenariat noué avec l’ONG Human Rights Watch autour de la série. Du coup, être contraint de différer la diffusion du troisième volet sur l’injonction d’une femme dont il décrit justement le pouvoir de censure, n’est pas du meilleur effet. Sans compter que l’avocat de Patience Dabany est aussi celui du gouvernement gabonais. Le président Ali Bongo est donc concerné à double titre.

Venant d’une chaîne du groupe Canal+, ce genre de péripétie prête à toutes les supputations. Vincent Bolloré, qui a pris la tête de Canal + il y a deux ans, était déjà intervenu pour empêcher la diffusion d’un documentaire sur le Crédit Mutuel qui avait finalement trouvé refuge sur France 3. Son groupe dispose par ailleurs d’importants intérêts économiques en Afrique qui ne cessent de s’étendre d’année en année. De là à imaginer une intervention de droit divin… « Je n’ai reçu aucune pression et il faut vraiment se calmer, il y a beaucoup de fantasmes autour de tout ça », tranche Christine Cauquelin. « Arrêtons d’extrapoler », glisse pour sa part Joël Soler, qui a déjà vécu la déprogrammation de son film Bin Laden, Dynasty of terror en 2002 par une chaîne canadienne « de peur des représailles ». « Une reprogrammation est tout a fait envisageable », conclut Christine Cauquelin.

A suivre donc.

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