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Gabon : un Samu social pour prendre en charge « la grande précarité »

À Kolo Ngoum, faubourg abandonné et crasseux de la périphérie de Libreville, les médecins sont très rares. Cinq mois après sa création, le Samu social gabonais trouve peu à peu sa place.

Alors quand les équipes du Samu social gabonais débarquent avec leur ambulance, les habitants se disent d’abord « un peu surpris ». Mais très vite, à la vue des stéthoscopes et tensiomètres, un sourire éclaircit les visages. « C’est une bonne initiative », s’étonne Natanaël, trentenaire aux dreadlocks en bataille. « On pensait que tout ça était réservé à d’autres… »

Cinq mois après sa création, le Samu social gabonais trouve peu à peu sa place. Il offre gratuitement soins, médicaments, hébergements et accompagnement psycho-social « aux plus pauvres des plus pauvres », selon son fondateur et coordonnateur général, le très dynamique Dr Wenceslas Yaba.

Monter les malades à dos d’homme jusqu’à la route est un calvaire

Ce jour-là, une équipe est en « visite de proximité » à Kolo Ngoum – des grappes d’habitations de fortune accrochées à un flanc de colline -, les pieds dans la boue, la broussaille et les immondices. « Chez nous tout le monde habite dans des bas-fonds, monter les malades à dos d’homme jusqu’à la route est un calvaire », témoigne Natanaël.

Rendez-vous à domicile

Les infirmiers s’enfoncent dans les sentiers tortueux et les maisonnettes au toit de tôle pour venir voir les malades, trop miséreux pour se payer l’hôpital ou le taxi vers le centre-ville. « Bonjour, c’est le Samu social. Il y a des malades ici ? », interroge doucement une infirmière. Là, c’est une vieillarde « qui a dépassé le cinquième âge et ne bouge plus de son lit depuis des semaines », dit son voisin. Obèse, elle « souffre d’hypertension et menace de faire des escarres », constate l’infirmière, qui veut « impliquer la famille pour faire bouger la malade » de sa couche.

300 000 personnes n’ont accès à aucun soin

Un peu plus bas, un garçonnet fiévreux dort au pied de son père attablé devant sa bière. Sa tête présente une évidente mycose du cuir chevelu. « C’est la teigne ». Peut-être aussi le paludisme. Le rendez-vous est pris pour la « consultation collective » du lendemain chez le chef de quartier.

7 000 interventions en cinq mois

« Près de 38% de la population gabonaise vit en dessous du seuil de pauvreté, 300 000 de ces exclus n’ont accès à aucun soin », s’indigne le patron du Samu social gabonais. Avec 115 employés, l’organisme compte à Libreville un centre médico-psychologique, trois sites d’hébergement, une douzaine d’ambulances et dispose d’un stock de médicaments conséquent. En cinq mois, 7 000 interventions ont été menées. « Le Samu social fait de l’urgence sociale de proximité », explique le Dr Yaba, et prend en charge « les personnes en grande précarité ».

Le projet est construit autour de « trois modules ». Comme en France, il y a d’abord un numéro vert, le 1488, joignable 24h/24. « Les gens appellent, on leur propose de passer chez nous, on va chercher avec l’ambulance ceux qui ne peuvent pas venir ».

Deuxième action, le « centre médico-psychologique (CMP), un dispensaire avec une prise en charge assurée par des médecins généralistes et des spécialistes », une denrée rare au Gabon. Les soins y sont gratuits. Les patients sont ensuite orientés, si nécessaire, vers l’hôpital ou les centres d’hébergement.

« Au CMP, nous offrons des soins de premier niveau, mais on ne fait pas le travail de l’hôpital », remarque le Dr Sonia Nkiet. « Ici, c’est une médecine ambulatoire, où les pathologies les plus courantes sont les infections cutanées, respiratoires, beaucoup d’hypertension… » Troisième volet : les urgences « de proximité », ou des maraudes et consultations dans les zones défavorisées de Libreville.

Un projet « soutenu » par le président

L’irruption du Samu social dans le paysage gabonais a fait grincer quelques dents, alors que le système de santé « est à bien des égards défaillant », reconnaît M. Yaba. « Mais nous ne sommes pas un système de santé parallèle : nous facilitons les accès aux soins », justifie-t-il. « Et ici, aucun détournement ! »

L’idée était que l’État se rapproche au maximum des populations dans la précarité

L’État assure entièrement le financement, 587 millions CFA à ce jour (900 000 euros). Une convention a été signée fin novembre avec la sécurité sociale locale (CNAMGS). Le Samu social va également se déployer en province, à Port-Gentil et Franceville fin décembre, puis dans deux autres villes fin janvier.

Le projet est « soutenu » par le président Ali Bongo Ondimba, reconnaît volontiers le Dr Yaba. « L’idée était que l’État se rapproche au maximum des populations dans la précarité », explique à l’AFP Paul Biyoghe Mba, le ministre de la Solidarité nationale, qui juge « le bilan très positif », à mesure que « les Gabonais découvrent ce nouvel instrument ». « C’est un vrai travail de fond, on ne fait pas ça pour des retombées politiques », assure le Dr Yaba.

Une démarche critiquée

« Créer un Samu social dans un pays où près de 80 % de la population pourrait avoir besoin de ce même Samu, la démarche est plutôt problématique et opportuniste », dénonce un responsable de l’opposition. « Il faudrait d’abord tout simplement que nos hôpitaux fonctionnent… ».

C’est une action qui va vers les pauvres et les exclus et pour le moment, ça marche

« On sort d’une période complexe, avec une présidentielle mouvementée » en août 2016, euphémise un employé du Samu. « Si au début, il y a eu des réticences, les gens commencent à s’ouvrir, ils voient des choses qui fonctionnent. » Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social en France et patron du Samu social international, juge « crédible » le projet gabonais qu’il parraine. « Le Dr Yaba a adapté l’idée à la problématique gabonaise, en allant jusque dans les maisons, en lui donnant une extension de médecine générale », observe M. Emmanuelli.

« Ça va un peu plus loin que le Samu social traditionnel, il faut voir si ça tient la route sur le long terme. Mais c’est une action qui va vers les pauvres et les exclus et pour le moment, ça marche », précise-t-il.

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