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100ème marche de la “diaspora”, austérité et Dynamique unitaire

Ils clament toujours qu’on « ne lâche rien » et attendent « aller jusqu’au bout ». Plus de deux ans après la dramatique et chaotique élection d’août 2016, les « Résistants de la Diaspora Gabonaise » sont toujours mobilisés, continuent de battre le pavé sur les rues parisiennes, alors que beaucoup évoquent un essoufflement du mouvement ou d’un refroidissement des ardeurs. Miné en effet par des querelles de leadership et des soupçons de corruption, le mouvement, tout comme la frénésie l’ayant longtemps porté, ne sont plus les mêmes en tout état de cause. Alors, après « 100 semaines » de marche, où en est réellement la « Résistance » ? Reportage.

Comme de tradition, c’est l’esplanade des Droits de l’Homme, au Trocadéro, qui sert de point de rassemblement : « On est là comme chaque samedi pour dénoncer. C’est tout ce qu’on a comme arme pour lutter pour l’instant », indique Claudia Mickomba déclarant ne venir à présent aux manifestations que selon ses disponibilités, les thèmes ou les objets de la marche du jour.

Ainsi, dès 14h, ce sont plusieurs drapeaux aux couleurs du pays qui flottent avec, en arrière-plan, la Tour Effel. Ici et là des pancartes dénonçant la « Françafrique », « la dictature », les mesures d’austérité, « les détentions arbitraires », etc. Ce jour, en soutien à la centrale syndicale nommée Dynamique Unitaire et opposée aux mesures d’austérité prises par le gouvernement, est organisée une « marche exceptionnelle » en direction du Jardin du Ranelagh, non loin de l’ambassade du Gabon en France, située à l’avenue Raphael, donc à quelques kilomètres du Trocadéro. En effet, selon les responsables du mouvement, c’est en accord avec les autorités françaises que désormais les marches sont organisées uniquement chaque premier samedi du mois. Le reste du temps le mouvement se limite à un sit-in animé au Trocadéro.

Un rythme moins soutenu

« C’est une marche par mois normalement. Mais nos bons rapports avec la police font qu’on peut obtenir plusieurs marches pour soutenir des événements particuliers », explique Hervé Moutsinga des Associations Réagir et Mouvement du Ranelahg, organisatrices principales de ces marches. Même s’il réfute l’idée d’une restriction de leurs mouvements, il reconnait néanmoins qu’ils coûtent cher à l’Etat français qui bien est obligé de déployer chaque fois un dispositif de sécurité pour encadrer ces marches. En somme, les marches se sont désormais à un rythme moins soutenu.

Ce n’est pas seulement le nombre mensuel des marches qui a baissé, mais également celui des participants aux dites marches. Selon les autorités diplomatiques du Gabon en France, seuls quelques individus estimés à une dizaine constituant le « noyau dur » mouvement continuent « l’agitation ». Effectivement pour la marche du 28 juillet dernier, environ une soixantaine de participants seulement ont été dénombrés. Un chiffre bien loin des milliers des personnes qui y prenaient part aux lendemains de la proclamation des résultats de la présidentielle d’août 2016. Sur les lieux ce qui reste de manifestants explique cette baisse par le fait qu’au lendemain de la proclamation des résultats de ladite présidentielle et l’arrivée de leur favori, Jean Ping, sur le sol français, ce sont tous les « résistants de la diaspora » en Europe et même hors Europe qui faisaient le déplacement sous « l’effet d’un engouement populaire et naturel ».

Vers un essoufflement du mouvement ?

L’effet de cet « engouement populaire et naturel » semble plutôt faire place à un effet d’essoufflement. Sur ce point, maître Méré estimait lors d’une des précédentes marches que « L’interprétation que certains peuvent donner est celle d’un essoufflement du mouvement. Mais, pour ma part, je pense que la notion d’essoufflement se comprendrait dans une guérilla où on comptabiliserait par exemple le manque de munitions, le nombre de morts enregistrés et autres. Quand on se bat pour des idées, quand on se bat pour un idéal, je dirais, même quand vous êtes seuls, continuez à vous battre. Rien ne dit que vous n’y arriverez pas, que vous n’ébranlerez pas les esprits, que vous n’arriverez pas à convaincre ceux qui sont en même de prendre des décisions pour faire aboutir l’idéal pour lequel vous vous battez. Donc le nombre importe peu. ».

Une position, semble-t-il, partagée par Hérvé Moutsinga pour qui « la mobilisation ne faiblit pas. Parce qu’il faut être présent pour comprendre cela. Nous sommes en été… les gens aussi. Quand on a “résisté” pendant cent semaines, il y a des gens… on se relaie. Il y a des gens qui viennent souvent de loin. Mercredi par exemple, il y a des gens qui étaient devant l’ambassade qui ne sont pas là aujourd’hui, mais qui seront là à la marche de samedi prochain. Celle d’aujourd’hui c’est en soutien à Dynamique Unitaire. Ce qui est important, ce qu’il y ait du monde, que ça continue et que ça ne s’arrête pas. Le nombre ne fait pas la raison ».

Querelles de leadership, soupçons de corruption

Même si personne n’ose le reconnaître ouvertement ou de manière assumée, les querelles de leadership et les soupçons de corruption sur certains acteurs ou anciens acteurs, participent à l’affaiblissement du mouvement : « Les querelles de leadership ne datent pas d’aujourd’hui, mais plutôt dès le début du mouvement. Beaucoup voulaient souvent se mettre à la tête du mouvement. Même pour la prise de parole en public, certains se disputaient le micro. Tout cela créait déjà des frictions », confie au téléphone un membre actif de l’association Conscience Gabonaise.

D’ailleurs, la marche a débuté avec quelques minutes de retard du fait que l’un des activistes soupçonné à tort ou à raison de « porter les mallettes », tenait à se mettre à la tête du cortège. Ce que lui refusaient ceux qui se considèrent comme intègres et revendiquant être les principaux organisateurs de la marche, car ayant entrepris toutes les démarches administratives nécessaires. « Nous avons tous un parent au PDG. S’il fallait exclure les gens juste parce qu’ils vont rencontrer leurs parents, nous allons nous disputer tous les jours. Arrêtez de créer des divisions entre nous », murmure un autre participant.

Les raisons de la colère

Pendant que les différents leaders se relaient au micro pour attirer l’attention de l’opinion et sensibiliser les passants et autres touristes qui ne manquent de s’arrêter pour écouter ou filmer le mouvement, voire prendre même des photos au côté des « résistants », certains membres actifs distribuent des prospectus rappelant « pourquoi la diaspora gabonaise manifeste ».

A la lecture de ces prospectus, on retient que ces manifestations ont pour objectifs de dénoncer, entre autres : « le pouvoir dictatorial de la famille Bongo et leurs alliés, qui sévissent au Gabon depuis 49 ans sans aucun développement malgré les richesses qu’elle possède » ; « les massacres perpétrés et l’oppression continuelle contre les populations qui tentent de résister pacifiquement » ; « la prise en otage des institutions de la République gabonaise par le clan Bongo et ses alliés, pour leur maintien à vie au pouvoir » ; « la confiscation des libertés individuelles et politiques, corollaire du déni des droits fondamentaux au peuple gabonais», etc.

Des mots qui collent, à une différence près, à ceux relayés au micro par les différents intervenants. Ces derniers insistent particulièrement sur le rôle de la France.

La manifestation a pris fin aux environs de 18h heures locales, avec pour rendez-vous le samedi prochain, à la même heure, au même endroit et avec le même objectif : « la restauration de la vérité des urnes », à laquelle tous ou presque croient toujours : « On est là chaque samedi pour se faire entendre et on espère qu’on se fera entendre. (…) le combat qu’on mène, ce n’est pas un sprint, c’est un marathon. Chacun avec sa force et ses moyens, on se relaie. Mais on ne lâchera rien, que ce soit au Gabon ou ici », ajoute Claudia Mickomba.

Quant aux moyens et stratégies déployées pour y parvenir, rien n’est dit, du moins ouvertement. Les mouvements, eux, selon les concernés, vont continuer. Sur les rives de la lagune Ebrié, en Côte d’Ivoire, c’est en chanson qu’on dit que « lorsqu’il pleut à Paris, c’est Abidjan qui est inondé ». Pour le cas du Gabon, qui semble désormais faire école, on dira que quand Libreville saigne, c’est à Paris qu’on pleure et tente de panser les blessures.

Auteur : Orphé Boutet

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