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Gabon : « Le “kevazingogate” s’est fait ressentir sur tout le secteur bois, déjà impacté par la chute de la demande chinoise »

Opportunités de la filière bois au Gabon, baisse de la demande asiatique, impact du « kevazingogate »… À l’occasion du Gabon Wood Show, le salon international du bois à Libreville, Jeune Afrique a rencontré l’un des exposants, Eric Van Mierlo, directeur d’une société présente depuis plus de vingt ans au Gabon, qui a vu les évolutions du secteur.

Libreville accueille du 24 au 26 juin son deuxième salon international du bois, le Gabon Wood Show, avec plus de 40 exposants du secteur forestier. Le pays pétrolier entend ainsi développer son secteur bois, malgré la forte baisse de la demande chinoise de bois depuis deux ans et l’affaire du trafic de kevazingo, ce bois précieux interdit d’export, qui a entre autres valu le limogeage le 21 mai dernier du ministre des Eaux et Forêts et du vice-président de la République.

Parmi les sociétés présentes, la compagnie malaisienne Bois et Scieries du Gabon (BSG) / Gabon Wood Industries (GWI), qui possède des concessions, des scieries et même des usines de fabrication de meubles depuis plus de vingt ans au Gabon. L’entreprise a vu évoluer le secteur forestier par étapes, dans un pays qui a décidé de miser sur la transformation des grumes, a créé une zone économique spéciale pour les produits forestiers, et souhaite d’ici 2022 faire certifier toutes ses forêts sous des labels éco-responsables. Le directeur de la société, Eric Van Mierlo, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Quelles sont les opportunités offertes par le Gabon et les obstacles rencontrés dans le pays ?

Eric Van Mierlo : Le Gabon est un pays de bois rares, comme l’andoung ou le gheombi entre autres. En cela, c’est un territoire très intéressant. Notre entreprise mise ainsi sur la qualité et la spécificité, avec des produits en bois massifs.

La création de la zone économique spéciale de Nkok, en 2010, a également été un avantage pour faciliter l’arrivée d’entreprises liées à la transformation du bois grâce à des exonérations de taxes sur les compagnies. Mais aujourd’hui, de nombreuses entreprises de transformation ont même du mal à s’approvisionner en grumes. Il est également dommage que les meubles que l’on fabrique à Nkok fassent l’objet d’une taxe de 57% s’ils sortent de la zone économique pour le marché gabonais. De même, dans la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), la taxe est de 35%. Au port aussi, pour exporter le bois, les charges restent assez lourdes…

LE PROBLÈME NUMÉRO UN AU GABON RESTE L’ÉTAT DES INFRASTRUCTURES, DES ROUTES

Le problème numéro un au Gabon reste l’état des infrastructures, des routes. Il y a aussi la « parafiscalité » comme les contrôles intempestifs sur les routes, ou encore certaines lenteurs administratives. Enfin, il est difficile d’avoir le soutien des banques nationales, qui ont des taux d’intérêts forts qui peuvent aller jusqu’à 15%.

Comment avez-vous vécu, il y a dix ans, la fin de l’autorisation d’exportation des grumes, et comment vous préparez-vous à la loi sur la certification éco-responsable ?

Au moment de la fin de l’export des grumes décidé par la loi en 2010, nous étions déjà préparés, nous avions déjà des usines de transformation. Je pense que la fin de l’exportation des grumes a été une bonne chose. Par exemple, cela nous permet ne pas être dépendant d’un client transformant des grumes à l’étranger.

Pour la certification éco-responsable, nous sommes déjà en train de viser la meilleure, le Forest Stewardship Council (FSC). Nous avons 400 000 hectares avec GWI et plus de 200 000 hectares avec BSG.

Je pense que les plus petites structures ne vont pas résister à cette nouvelle certification, car le coût de l’adaptation est fort. Cela avait déjà été le cas pour beaucoup de petits exploitants en 2010, qui n’ont pas pu supporter les changements du passage au bois 100% transformé avant export.

Quels ont été au Gabon les impacts de la baisse de la demande chinoise en bois, et plus récemment de l’affaire du trafic de kevazingo, ce bois précieux interdit d’export ?

Depuis deux ans, la demande chinoise est en berne. Notre chiffre d’affaire a baissé de 30%. En 2016 il était de 5 milliards de francs CFA (environ 7,6 millions d’euros), il est de 3,5 milliards de F CFA en 2018…

LE « KEVAZINGOGATE » A EU UN FORT IMPACT SUR LE SECTEUR

Avec la chute de la demande asiatique, nos principaux clients sont désormais les pays du Moyen-Orient. Pour les meubles, nous visons l’Europe et l’Afrique du Sud, les États-Unis… mais nous n’avons pas encore vraiment fait notre place.

Le « kevazingogate », comme on l’a appelé au Gabon [la disparition en mai de 353 containers mis sous scellés judiciaires au port car contenant du kevazingo, ndlr], a eu un fort impact sur le secteur. Toutes les compagnies forestières ont été touchées, y compris la nôtre, mais nous n’avons pas chiffré les pertes liées à cette affaire. Les exportations de bois au port viennent juste de reprendre, sur décision gouvernementale, après deux mois d’arrêt.

La législation a beaucoup changé ces dernières années sur le kevazingo, et nous-mêmes nous avons encore des stock de ce bois qui datent de deux ans environ. Il était prêt à être transformé avant que la législation n’interdise son export.

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