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Gabon : comment passer de l’exploitation du pétrole au travail de la terre ?

Le pays tente de diversifier son économie pour sortir du tout-pétrole. L’agriculture pourrait être une solution, mais ce secteur a été délaissé pendant des années.

« Le Gabon est le huitième producteur africain (de pétrole), les hydrocarbures représentent 80% de ses exportations, 45% de son PIB et 60% de ses recettes budgétaires », rapportait franceinfo Afrique en mars 2019 à l’occasion d’un colloque au Sénat français sur le thème de la diversification de l’économie du pays. Problème : la rente pétrolière a tendance à baisser. Dans ce contexte, les autorités gabonaises entendent faire passer le message d’une « transformation de l’économie ». En l’occurrence la transformation d’une économie de rente, qui a abandonné l’agriculture et doit importer plus de la moitié de l’alimentation de ses habitants. Le secteur a été délaissé dès la période coloniale au profit du bois.

Résultat : cette situation a fait germer l’idée dans l’esprit de nombreux Gabonais que « le travail de la terre était un sous-métier », affirme à l’AFP Bollah Muslim, un maraîcher de 33 ans. « Ici, les agriculteurs sont vus comme des analphabètes, un métier pour les plus démunis qui ne savent faire que cela », se désole cet ancien technicien pétrolier reconverti dans… l’agriculture. Tout un symbole.

« Jetez une graine, le lendemain vous aurez un fruit »

Pourtant, les conditions climatiques sont très favorables au développement de l’activité agricole. Pour nombre d’experts cités par l’AFP, le climat chaud et humide où alternent saisons sèches et saisons des pluies (avec une pluviométrie annuelle de 1450 à 4000 mm) offre au Gabon un fort potentiel agricole. « Tout pousse », confirme Bollah Muslim. « Jetez une graine, le lendemain vous aurez un fruit », explique même un proverbe local…

« Avec une réserve importante de terres arables (5,2 millions d’hectares) (…), le Gabon présente d’importants atouts naturels pour le développement de la production agricole. Pour l’heure, celle-ci ne contribue que marginalement à la croissance (3,8% du PIB) », explique un document du ministère français de l’Economie. Alors qu’en 1960, au moment de l’indépendance, les agriculteurs représentaient 82,60% de la population, ceux-ci ne sont plus aujourd’hui que 11,02% (14% dixit d’autres sources), selon les données de la Banque mondiale. La découverte et l’exploitation des hydrocarbures sont passées par là. Aujourd’hui, neuf habitants sur dix vivent en ville.

Autres freins au développement de l’agriculture, selon le document de Bercy : « Un système foncier défavorable à un accès sécurisé à la terre, le coût de la main d’œuvre (et le manque d’attractivité des jeunes pour la profession), un manque d’infrastructures de commercialisation et de transformation, et de financements. »

Des importations avant toute chose

Résultat : aujourd’hui, sur les étals des commerçants, les fruits et légumes sont pour la plupart importés de l’étranger. Ceux produits au Gabon sont l’exception. « Le manioc et la banane viennent d’ici, parfois les avocats, tout le reste arrive directement du Cameroun par camion », détaille une détaillante de Libreville. Plus de la moitié des aliments sont produits à l’étranger, explique à l’AFP Huguette Biloho Essono, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur est très préoccupante. Imaginez une seconde les conséquences pour ce pays si la frontière avec le Cameroun venait à fermer », observe-t-elle.

Le faible poids de l’agriculture est devenu encore plus inquiétant depuis la crise qui a poussé le gouvernement à y investir plus fortement ces dernières années. Mais cinq ans plus tard, les progrès sont encore peu visibles, selon la plupart des professionnels interrogés par l’AFP. En raison notamment du manque de main-d’œuvre agricole formée et disponible dans un pays très urbanisé.

« Convaincre (les) Gabonais urbanisés de retourner vivre dans les terres n’est pas chose simple », reconnaît le ministre de l’Agriculture Biendi Maganga-Moussavou. « Notre ambition est d’attirer de plus en plus d’étudiants vers les formations agricoles, notamment en suscitant des vocations chez les plus jeunes », ajoute-t-il. De son côté, Bollah Muslim n’a pas besoin d’être convaincu : « Au lycée, un professeur passionné m’a transmis l’amour du travail de la terre. Alors quand je me suis retrouvé au chômage, cela a été plus facile pour moi de me tourner vers l’agriculture », raconte-t-il.

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