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Opération Scorpion : Une menace pour l’Etat de droit

Cumulé au non-respect du Code de procédure pénale, l’immixtion de la direction générale de la Contre-ingérence et de la sécurité militaire (DGCISM) signale des pratiques incompatibles avec les principes démocratiques et fondamentaux de la justice.

La déconstruction de l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) se poursuit. Après l’administration et la baronnie politique léguées par Omar Bongo Ondimba en 2009, après les réseaux hérités du défunt Mouvement commun pour le développement (MCD) en 2010, après les proches de Maixent Accrombessi en 2017, une purge est en cours au sein de l’appareil d’Etat. Touchant essentiellement les proches de Brice Laccruche-Alihanga, elle a déjà fait de nombreuses victimes. Parmi les plus emblématiques, on compte Renaud Allogho Akoué, Ismaël Ondias Souna, Herman Nzoundou Bignoumba, Christian Patrichi Tanasa Mbadinga, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi et Arsène Edouard Nkoghé. Il y a un peu plus de deux ans, l’opération Mamba avait mis en lumière de nombreuses curiosités : sans transition et souvent à l’issue d’expéditives auditions, de nombreuses personnalités étaient passées du gouvernement à Sans famille, le tristement célèbre pénitencier de Libreville.

Justice ou vengeance ?

Depuis quelques jours, des interpellations, gardes à vue ou auditions confirment la particularité du régime : un goût immodéré pour des pratiques peu orthodoxes, à mille lieues des principes démocratiques et mettant en scène la direction générale des Recherches (DGR) ou la direction générale de la Contre-ingérence et de la sécurité militaire (DGCISM). Loin de favoriser la moralisation de la vie publique, ces méthodes ouvrent plutôt la voie à l’opacité et à l’arbitraire. Loin de contribuer à la manifestation de la vérité, elles tendent à gêner le travail de la justice. Entre vices de forme, dénis de droit et abus de pouvoir, les procédures en cours pourraient très vite se retourner contre l’accusation. Autrement dit, en raison du non-respect des règles, les juges pourraient être contraints de tout invalider voire de prononcer des relaxes.

Sauf à accréditer l’idée d’un règlement de comptes aux relents politiciens, certains agissements se justifient difficilement. Certes, en république comme en démocratie, chacun doit répondre de ses actes. Certes, l’opération Scorpion est réputée avoir été ouverte par le procureur de la République. Certes, les agents de la DGR jouissent du statut d’officier de police judiciaire. N’empêche, il y aura toujours un océan entre justice et vengeance. Ne tolérant ni démonstrations de force, ni chasses à courre, la justice n’a pas seulement pour objectif de sanctionner les comportements interdits. Elle a aussi pour but de garantir la protection des citoyens et de leurs droits. Mais, cette fonction ne peut être effective quand des personnels non habilités, des militaires en l’occurrence, sont chargés de conduire les procédures. Même si la DGCISM a aussi une mission d’ordre économique, son action s’applique essentiellement à la défense nationale ou aux secteurs connexes. Quand bien même ses cadres peuvent avoir le statut d’officier de police judiciaire militaire, leur immixtion dans les procédures en cours n’est ni légale ni légitime. Elle contrevient aux principes démocratiques et aux fondamentaux de la justice.

Au mépris de l’immunité parlementaire

Pour le triomphe de la justice, deux préalables s’imposent : la mise à l’écart de la DGCISM et le respect du Code de procédure pénale. Comme le laisse entendre le Collectif des avocats des anciens responsables de l’administration publique et parapublique, les droits des prévenus n’ont pas toujours été respectés. Pêle-mêle, on parle de perquisitions ou auditions nocturnes et autres pratiques incompatibles avec l’Etat de droit. Ancien porte-parole du président de la République, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi aurait eu droit à un traitement particulier, pas très éloigné du supplice de la goutte. Député siégeant, Arsène Edouard Nkoghé a été convoqué. Au mépris de son immunité parlementaire, il a été auditionné. Or, de par son statut, il jouit de protections spécifiques, consacrées par les textes. Dès lors, on peut se demander quelle idée les donneurs d’ordre se font-ils des institutions de la République. Quel respect accordent-ils aux élus du peuple, dépositaires du suffrage universel et délégataires de la souveraineté populaire ?

Pourtant, convoqué à la DGR en octobre 2017, le 6è vice-président du Sénat ne s’y était pas rendu. Jean-Christophe Owono-Nguéma s’était alors abrité derrière son statut, obligeant la gendarmerie à faire machine arrière et à laisser un peu de sa crédibilité. Arsène Edouard Nkoghé aurait-il dû s’en inspirer ? Aurait-il gagné à s’y rendre accompagné de l’ensemble de son groupe parlementaire ? Aurait-il mieux fait de s’en ouvrir au président de l’Assemblée nationale ? En tout cas, son audition constitue une grave atteinte à l’honorabilité de notre Parlement, une entorse à la séparation des pouvoirs, une menace de plus pour l’Etat de droit.

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