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Après le Covid-19, deux amendements pour faciliter les transferts d’argent vers l’Afrique

La députée Sira Sylla voudrait aussi présenter un projet de défiscalisation des envois de fonds effectués par les diasporas africaines.

Encourager les transferts d’argents effectués par les diasporas africaines au bénéfice de leurs familles restées sur le continent : c’est l’objectif de deux amendements au Code monétaire et financier portés par les députés Sira Sylla (LReM) et Vincent Ledoux (Agir). Actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, ceux-ci visent à assouplir les modalités de commercialisation des services bancaires étrangers et à élargir la gamme des services commercialisables.

Plus symbolique encore, un projet de défiscalisation des envois de fonds vers l’Afrique doit également être présenté. « Nous avons besoin d’une réponse à très court terme contre les conséquences économiques du Covid-19 et la baisse des transferts d’argent vers l’Afrique que la pandémie a entraîné », explique Sira Sylla, députée de Seine-Maritime et présidente à l’Assemblée du groupe France-Rwanda-Burundi.

Pour la parlementaire, il y a urgence. La Banque mondiale a annoncé fin avril une chute de 23 % des envois de fonds à destination de l’Afrique pour 2020, dans le sillage de la crise due au coronavirus. Or les flux financiers issus de la diaspora représentent des sommes colossales et essentielles à la consommation des ménages africains. En 2018, les transferts d’argent vers le Sénégal représentaient 9,1 % du PIB, soit deux fois le montant de l’aide publique au développement reçu la même année par le pays.

« Bibancarisation »

L’objectif serait d’alléger les frais de transferts pour les diasporas installées en France. Les envois d’argent vers l’Afrique sont les plus onéreux au monde, avec 9 % à 10 % de commissions prélevées par transaction et jusqu’à 20 % pour l’Afrique australe alors qu’en moyenne elles se situent entre 5 % à 7 % pour les autres continents. Afin de contourner ces frais, de nombreux foyers utilisent des circuits parallèles d’envoi, reposant sur le transport d’argent liquide ou les tontines, un système traditionnel d’épargne collective.

Le dispositif exceptionnel permettrait de déduire le montant des commissions du revenu brut de ces ménages qui font parvenir, chaque semaine ou chaque mois, une partie de leur argent dans leur pays d’origine. Il constituerait ainsi, selon la députée, un témoignage de reconnaissance à l’égard des diasporas africaines, ces « invisibles » (personnel soignant, caissières, éboueurs, petits commerçants…) qui ont été en première ligne pendant l’épidémie de Covid-19. Reste à savoir si un avantage fiscal serait l’instrument le plus judicieux pour ces travailleurs souvent non assujettis à l’impôt sur le revenu. « J’ai bien conscience que cette mesure ne touchera pas tous les foyers, mais ça reste un symbole très important. Peut-être que cette démarche pourra permettre de faire pression sur les opérateurs des transferts d’argent pour qu’ils diminuent leurs commissions », défend Sira Sylla.

L’assouplissement du système de « bibancarisation » pourrait correspondre davantage aux besoins. Celle-ci vise à donner aux banques africaines le droit de proposer leurs services sur le territoire français. « Cet instrument est vertueux à plusieurs égards, estime Alain Gauvin, avocat en droit bancaire et financier et associé chez Asafo and Co, premier cabinet panafricain. En contribuant à l’accroissement du volume des transferts d’argent, il favorise d’abord le financement de l’économie des pays d’origine et peut aussi alléger le poids de l’aide fournie par les pays donateurs. La “bibancarisation” est également un instrument efficace pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme puisqu’elle assure la traçabilité des virements. »

« Passer à la vitesse supérieure »

En 2014, la France a adopté une loi inscrite au Code monétaire et financier, ainsi qu’un arrêté, pour permettre aux banques étrangères de proposer leurs services dans l’Hexagone, à condition d’obtenir l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APTR). Mais cette loi n’a pas permis d’élargir l’accès des banques africaines au marché français. A l’heure actuelle, seuls deux établissements marocains, la BCP et Attijariwafa Bank, ont obtenu cet agrément. « En six ans, c’est trop peu. Les conditions de délivrance de cette autorisation restent trop restrictives », juge Sira Sylla. Le Maroc est justement le pays d’Afrique vers lequel les virements bancaires sont les plus importants puisqu’ils atteignaient 7 milliards de dollars (6,21 milliards d’euros) en 2019 devant la Tunisie (2) et l’Algérie (1,8).

Au niveau européen, il n’existe encore aucune législation sur la « bibancarisation » avec le continent africain. « L’offre de services bancaires, lorsqu’elle n’est pas autorisée, tombe sous l’emprise de nombreuses lois dont la violation est pénalement sanctionnée, explique Alain Gauvin. En 2014, la France a adopté un dispositif qui pourrait très bien, après quelques amendements, inspirer l’Union européenne. »

Pour Sira Sylla, ce projet viendrait aussi appuyer la vision d’un renouvellement des relations franco-africaines porté par le président de la République, Emmanuel Macron, depuis son discours de Ouagadougou en novembre 2017. « On a fait des choses pour l’Afrique depuis l’arrivée du président, mais il faut passer à la vitesse supérieure », estime la députée.

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