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Gabon : Sept raisons de passer au déconfinement

Inspiré par un éditorial du journal Le Mbandja dont les trois arguments sont d’ailleurs repris ici, Gabonreview liste sept (7) bonnes raisons de revenir à la normale, en sortant des mesures restrictives inhérentes à la lutte contre le Covid-19. La crédibilité de l’État, la stabilité sociale et économique du pays et la relance urgente de son économie en dépendent.

1 – «L’effet pangolin» plane toujours

La crainte instillée, début avril, par la note titrée «L’effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique ?», n’est pas à considérer comme une vue de l’esprit dont les prédictions ne se sont pas matérialisées. Les analystes du Quai d’Orsay annonçaient pour l’Afrique, dans le contexte du Covid-19, la crise des sociétés, l’effondrement des États et l’émergence de nouveaux rapports de force politique dans les régimes fragiles du Sahel ou en bout de course d’Afrique centrale. Ces perspectives non encore écartées pourraient encore se réaliser. Ils pourront découler d’une prolongation, injustifiée pour les populations, du confinement et de l’état d’urgence.

Si le chômage était déjà un problème avant la pandémie, il risque de devenir plus prononcé avec les licenciements consécutifs au confinement dans les entreprises mises en difficulté par le travail partiel ou la fermeture totale. Les secteurs de l’aviation, de l’hôtellerie, de la restauration, du night-clubbing, du tourisme et des loisirs notamment en courent le danger. Déjà, dans le chaudron Port-gentillais, le chômage est à nouveau en hausse, selon des observations empiriques. Il faut donc se garder des émeutes de la faim et de la montée de l’insécurité consécutive au chômage.

2 – Le confinement est un copié-collé infécond

Automatiquement copié de la Chine par l’Europe puis de l’Europe par l’Afrique, le confinement, stratégie mise au point au XIVème et au XVème siècle contre les maladies infectieuses, a causé beaucoup de dommages dans les sociétés modernes, très interconnectées avec une économie basée sur les échanges entre individus. Du Pr Raoult, révélation et star scientifique de la période, aux universitaires de renom tel que Normand Mousseau de l’Université de Montréal, de nombreuses autorités scientifiques ont démontré l’inefficacité de ce dogme. Une étude espagnole a démontré que les travailleurs essentiels ayant continué à sortir de chez eux durant le confinement ont été moins contaminés par le Covid-19 que ceux restés à domicile.

Selon un décompte de l’AFP, seulement 50 pays sur les 192 ayant enregistré des victimes de la pandémie s’étaient mis en confinement “total”. Le cas du Bénin en Afrique devrait amener à plus de lucidité. Ce pays de 11 millions d’habitants n’a pas confiné et on n’y enregistre pas une hécatombe : 9 décès selon les chiffres officiels au 16 juin. En Europe où la confiance dans les données est grande, Jean-François Toussaint, directeur d’un institut d’épidémiologie à l’Irmes, affirme que les pays n’ayant pas confiné «ont le même résultat» que les autres, concluant littéralement : le confinement n’a pas été très utile pour enrayer l’épidémie. Inutile donc de persévérer dans une stratégie copiée-collée dont l’efficacité est controversée.

3 – Le paludisme tue plus que le Covid-19

Selon l’un des meilleurs spécialistes gabonais du paludisme, le Docteur Roméo Karl Imboumy-Limoukou, chercheur au Centre international de recherche médical contre le paludisme, interviewé fin avril par Lalibreville, le paludisme a causé 467 décès l’année dernière, et encore, précise le médecin, «ce chiffre est largement sous-estimé». En trois mois de Covid-19, le Gabon en est à moins de 30 morts. Un seul mort est toujours un mort de trop mais la comparaison en vaut la peine. Si selon la déclaration du Copil, le 15 juin, «le rapport des 3 mois de riposte a montré une tendance à la baisse de la courbe évolutive de l’épidémie», l’extrapolation sur cette base, pour les deux trimestres restants de l’année, ne devrait pas dépasser les 100 morts… bien loin des chiffres du paludisme, maladie n’amenant pas l’État à s’ébranler. Pourquoi donc, pour une maladie pas aussi mortelle que le paludisme, mettre le pays en mode ralenti ? Les sempiternels et vrais problèmes de santé publique étant habituellement délaissés.

4 – Sauver l’économie

En vue de définir sa stratégie de réadaptation économique post-Covid-19, le gouvernement entendait lancer, de mai à décembre 2020, une enquête nationale concernant l’impact de la pandémie sur les ménages et les entreprises. Si à la mi-juin rien n’a filtré sur le lancement de cette enquête indispensable, on sait, par le ministère de l’Economie et des Finances, que 2020 sera marquée par la chute de 33% des recettes totales par rapport aux objectifs initiaux de l’année tandis que la chute des recettes du pays sera de l’ordre de 700 milliards de francs CFA, soit une baisse de 33% par rapport à 2019. Gravissime.

Mi-avril, l’ancien ministre de l’Économie, Régis Immongault, a livré ses suggestions quant à la crise économique post-Covid-19. Craignant notamment la destruction des emplois, il a indiqué la perte de revenus pour les ménages et les petits opérateurs, la fermeture de certaines activités du fait du confinement, notamment le secteur des services, les petits commerçants mais aussi le secteur informel totalement privés des revenus. Il faut donc écourter la traversée du désert de l’économie du pays.

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Le 5 juin dernier, l’hebdomadaire Le Mbandja indiquait les bonnes «raisons d’un déconfinement». Triviales et pertinentes à bien d’égards, elles méritent d’être ajoutées ici.

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5 – Le manque de transparence épidémiologique

La première raison invoquée par l’hebdomadaire est le manque de transparence épidémiologique. «Pour le Copil aujourd’hui, la situation exploserait parce que les Gabonais sont «indisciplinés». Ils ne respectent pas les mesures barrières. Mais a-t-on comparé l’évolution des chiffres du Gabon avec ceux des autres pays comme le Cameroun, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, Madagascar ?» s’interroge le journal.

Le Gabon peut en effet faire le choix de l’audace et d’une stratégie endogène comme le Ghana, déconfiné depuis le 20 avril ; le Nigeria où Lagos a repris une vie normale depuis le 4 mai ; la Tunisie qui a levé son confinement le 4 mai ; la Côte d’Ivoire qui, avec 24 décès, a levé les mesures de restriction, rouvrant les « maquis » ces bars-restaurants populaires emblématiques d’Abidjan ; ou le Cameroun dont les débits de boisson, les restaurants et les lieux de loisirs sont de nouveaux accessibles, de même que la mesure réduisant le nombre de passagers dans les transports en commun a été levée. Il n’y a pas d’hécatombes dans ces pays africains et leurs économies repartiront certainement plus vite que celle du Gabon.

6 – Coût financier intenable pour l’Etat

Rappelant un plan de sauvegarde ayant pour plancher 650 milliards de francs CFA et pour plafond 1000 milliards, Le Mbandja demande si l’État gabonais dispose de tels moyens. Et d’interroger davantage : «Peut-il nourrir une population de 700 000 habitants (Grand Libreville), payer des loyers, subventionner les salaires, payer l’eau, l’électricité jusqu’en juillet, septembre, décembre et en 2021 ?». L’hebdomadaire fait remarquer «que l’État est obligé de battre en retraite avec la seconde phase d’aide à l’eau et à l’électricité en réduisant le nombre de familles gabonaises économiquement faibles (GEF) faute de moyens pour tenir une enveloppe qui a explosé par rapport aux prévisions initiales». Idem pour le soutient au loyer. Le journal juge inadapté «aux conditions de vie des populations de Libreville et du reste du pays» le déconfinement partiel en cours. «C’est une situation sociale explosive à court terme», estime Guy Pierre Biteghe, l’éditorialiste du titre.

Il faut éviter que le gouvernement ne soit à nouveau taxé de champion des effets de manche. Par la voix du président de la République, l’État ne s’est-il pas engagé à décaisser 250 milliards de francs CFA pour la prise en charge des factures d’électricité et d’eau, la suspension des prélèvements de loyers pour les personnes sans activités, l’allocation de chômage technique pour les travailleurs, l’aide alimentaire aux GEF ? Il faut travailler de sorte que soit préservées la crédibilité de l’État et la parole du président de la République.

7 – Vivre avec le nouveau Coronavirus

Dans un contexte où l’Afrique s’est accoutumée au paludisme, serial killer dans le continent, mais aussi à d’autres épidémies très dangereuses, l’éditorialiste du Mbandja rappelle que la pandémie du Covid-19 ne sera pas vaincue durant l’année tant qu’un vaccin ne sera pas trouvé. Il va donc falloir vivre avec le Covid-19. Les pays occidentaux dotés pourtant de tout l’arsenal sanitaire mais «plus touchés comme la France, l’Italie, l’Angleterre, les États-Unis…» l’ont compris et ont mis en place un déconfinement progressif. «La vie normale doit nécessairement reprendre pour que les activités, sans exclusion, puissent être relancées dans l’intérêt de tous. La sauvegarde de l’économie, des emplois et la lutte contre la pauvreté extrême et dangereuse. La stabilité sociale et politique est à ce prix», clame Guy Pierre Biteghe, le directeur de Le Mbandja.

Mike Ryan, spécialiste des urgences sanitaires à l’OMS, n’a-t-il pas déclaré, le 13 mai dernier, qu’«il est important de mettre cela sur la table : ce virus pourrait bien s’ajouter à la liste des virus endémiques circulant dans nos communautés, et pourrait bien ne jamais disparaître». En trois mois, les Gabonais semblent s’y être habitués, comme ils s’étaient faits au terrible Ébola, au honteux Sida et comme ils se sont faits au si meurtrier paludisme

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