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Composition du Bureau du Sénat : Surréalisme, approximations et fait du prince

Sur onze membres, quatre n’avaient pas jugé utile de solliciter les suffrages de leurs compatriotes durant les élections couplées d’octobre 2018. Tout ceci heurte deux principes fondamentaux de la démocratie : la légitimité démocratique et la souveraineté populaire.

Désormais il ne sera plus nécessaire de s’en remettre au peuple pour devenir parlementaire et bénéficier des protections attachées à ce statut. Pour devenir «élu national» ou membre du triumvirat censé assurer un éventuel intérim du président de la République, il suffira d’être introduit dans les sphères décisionnelles. © Facebook

En privé, certains s’en sont offusqués. D’autres ont préféré se taire. Mais personne n’est resté insensible. Mis en place lundi dernier, le bureau du Sénat présente un tableau d’ensemble digne des peintures inspirées du surréalisme, ce courant artistique du siècle dernier, défini comme une «dictée de la pensée (…) en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.» Caractérisée par la multiplicité des sources du pouvoir de ses membres, cette équipe ravale le suffrage universel au rang de formalité administrative ou, pire, de péripétie politicienne. On y trouve des personnalités nommées, jamais choisies par le peuple souverain. D’autres, élues à des positions diverses, parfois en milieu ou en queue de liste, mais bénéficiant quand même de l’onction populaire.

Simplisme mystificateur

Traduction concrète de la dernière révision constitutionnelle, ce bureau met en lumière les effets pervers des fréquentes manipulations de la loi. Révélatrice d’un manque de considération pour les parcours politiques, elle procède d’une banalisation du vote populaire. On y trouve, cinq anciennes têtes de liste PDG (commune de Fougamou, département de la Sébé-Brikolo, commune d’Owendo, département du Haut-Ntem et département de la Mpassa), une personnalité classée en 6é position sur une liste ayant obtenu huit conseillers (1er arrondissement de la commune de Tchibanga). On y croise aussi quatre personnalités n’ayant pas jugé utile de solliciter les suffrages de leurs compatriotes durant les élections couplées d’octobre 2018. Désormais, il ne sera plus nécessaire de s’en remettre au peuple pour devenir parlementaire et bénéficier des protections attachées à ce statut. Il ne sera plus utile de se démener pour prétendre diriger une chambre du Parlement. Pour devenir «élu national» ou membre du triumvirat censé assurer un éventuel intérim du président de la République, il suffira d’être introduit dans les sphères décisionnelles.

Comme s’en étrangle l’ancien directeur adjoint de cabinet d’Ali Bongo, Jean-Valentin Léyama, «des battus aux primaires ou des sénateurs nommés, sans légitimité démocratique, ont été promus, au détriment de ceux et celles qui ont affronté le terrain.» Comme il le rappelle, tout ceci «donne le sentiment d’une distribution de postes entre copains et coquins, entre proches de…» Les bien-pensants plaideront-ils la conformité à la lettre de la Constitution ? Cela ne fera jamais sens au regard de l’esprit de nos institutions. Les zélateurs argueront-ils de la volonté de ne pas créer un Sénat à deux vitesses ? Cette argutie se heurtera aux fondamentaux de la démocratie. Les adeptes du simplisme mystificateur se risqueront-ils à des parallèles hasardeux avec le Canada ? Cela n’abolira pas la spécificité du Parlement de ce pays. Le système institutionnel canadien étant éloigné du nôtre, le Sénat y jouera toujours un tout autre rôle, essentiellement consultatif.

Valeur du vote

Personne ne gagne à laisser prospérer des approximations fondées sur l’homonymie. Chacun doit prendre la mesure de la situation. Sur les onze membres composant le bureau du Sénat, quatre tirent leur pouvoir du fait du prince. Parmi eux, trois secrétaires et un vice-président. Autrement dit, des tâches comme le contrôle des présences, l’organisation et le dépouillement des scrutins internes, la rédaction des procès-verbaux de la conférence des présidents ou de la réunion du bureau seront sous la responsabilité de personnalités sans légitimité démocratique. Pis, une personnalité ayant bénéficié d’un acte arbitraire pourra assurer l’intérim d’une autre, issue du suffrage universel. Certes, ce Sénat, où des personnalités nommées pourront décider au nom d’élus du peuple, est recouvert d’un vernis de légalité. Mais sa composition heurte deux principes fondamentaux de la démocratie : le sens du vote et le respect de la souveraineté populaire. Quelle compréhension les actuels dirigeants s’en font-ils ? Quelle valeur leur accordent-ils ? Quel lien établissent-ils avec la viabilité et la crédibilité d’un Etat ?

Malgré les explications fournies par le porte-parole de la présidence de la République, le débat de fond reste posé. Même en tenant compte «des équilibres partisans issus du scrutin de fin janvier-début février derniers», ces nominations ont nécessairement eu un effet non négligeable sur la crédibilité et le caractère démocratique du Sénat. Quand bien même, elles n’ont pas bouleversé les «équilibres politiques», elles ont numériquement profité au PDG, accroissant son hégémonie. Au-delà, elles ont hissé des personnalités nommées au rang d’élus, parfois avec préséance protocolaire. Les bases et sources du pouvoir en démocratie ? Régulièrement éludée, la réflexion sur cette question est, comme jamais, une nécessité.

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