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Face à l’arrestation d’Ousmane Sonko, le Sénégal s’embrase

Les autorités sénégalaises ont promis de « ramener l’ordre » après des scènes de guérilla urbaine ayant fait officiellement quatre morts, entre les forces de l’ordre et des manifestants réclamant la libération d’Ousmane Sonko.

Vendredi soir, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres s’est dit « très préoccupé » et a appelé « à éviter une escalade ».

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a condamné samedi les violences survenues ces derniers jours au Sénégal, appelant « toutes les parties à la retenue et au calme ». L’organisation « invite les autorités à prendre les mesures nécessaires pour apaiser les tensions et garantir les libertés de manifester pacifiquement, conformément aux lois en vigueur », ajoute-t-elle.

Les tensions, sensibles depuis deux jours dans un pays habituellement considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, se sont intensifiées sans perspective apparente d’apaisement, la justice ayant maintenu Ousmane Sonko en garde à vue.

Plusieurs quartiers de Dakar et de villes de l’intérieur ont connu des affrontements d’une ampleur inconnue depuis la campagne présidentielle de 2012, où la troisième candidature du président sortant Abdoulaye Wade avait provoqué de fortes tensions pendant plusieurs semaines.

« Le gouvernement regrette la perte de quatre vies humaines », a dit en direct à la télévision, vendredi soir, le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, alors que le bilan était jusque-là d’un jeune tué jeudi dans le sud du pays.

Antoine Félix Abdoulaye Diome a accusé Ousmane Sonko d’être responsable de ces violences en ayant « lancé des appels à la violence » et à « l’insurrection ». Le ministre a condamné des « actes de nature terroriste » et lancé un appel « au calme, à la sérénité et à l’apaisement ».

Grâce à la campagne de vaccination en cours, il a aussi évoqué la « perspective de l’allègement du couvre-feu », qui aggrave depuis janvier la situation souvent déjà précaire de nombreux Sénégalais.
« Libérez Sonko ! »

À Dakar, la bataille a laissé, après coup, le spectacle saisissant de rues vidées de gens et de véhicules, jusqu’aux proches abords des lieux de pouvoir, et jonchées de projectiles de toutes sortes.

Vendredi, le rappeur Thiat, du groupe Keur Gui, a été arrêté par des hommes en civil en marge de la manifestation convoquée dans la capitale sénégalaise par le mouvement citoyen Y’en a marre, dont il est l’un des cofondateurs.

Dans le quartier populaire de la Médina, des groupes de jeunes scandant « Libérez Sonko ! » ont harcelé, en jetant des pierres, les très nombreux policiers, dans les nuages de lacrymogènes et les déflagrations de grenades assourdissantes.
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Les mêmes incidents se sont reproduits un peu plus loin, près de la place de la Nation. Des blindés avaient été positionnés auprès de la présidence, dont les accès étaient bouclés.

À Mbao, dans la grande banlieue, des pillards ont été aperçus sortant, les bras chargés de marchandises, d’un supermarché Auchan, dont au moins 14 magasins ont été attaqués et 10 « pillés », selon la direction du groupe français.
Ressentiment contre Macky Sall

L’arrestation, mercredi, d’Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019 et pressenti comme l’un des principaux concurrents de celle de 2024, a provoqué la colère de ses partisans, mais elle a aussi porté à son comble les frustrations suscitées par les conditions de vie des Sénégalais depuis la pandémie de Covid-19.
à lire Ousmane Sonko : trajectoire d’un incorruptible opposant soupçonné de viols

« Les manifestations doivent rester pacifiques et les forces de sécurité et de police doivent (…) permettre à ces manifestants d’exprimer leur opinion et volonté », a réclamé Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, .

Jeudi soir, des manifestants ont attaqué les locaux du quotidien Le Soleil et de la radio RFM, jugés proches du pouvoir. Nombre d’enseignes françaises ont été attaquées, la France étant volontiers considérée comme soutenant le président Macky Sall. Les écoles françaises dans le pays ont fermé, tout comme l’agence d’Air France.

La garde à vue d’Ousmane Sonko doit en principe s’achever dimanche. Il sera présenté à nouveau devant le juge lundi, selon ses avocats.

Ousmane Sonko a été arrêté officiellement pour trouble à l’ordre public, alors qu’il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d’un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.

Ousmane Sonko, qui réfute ces accusations, fait l’objet d’une « tentative de liquidation aux fins d’élimination d’un adversaire politique », a dénoncé l’un de ses avocats, Abdoulaye Tall.
Restrictions sur les réseaux sociaux et applications de messagerie

Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président Macky Sall pour l’écarter de la prochaine présidentielle. Une accusation démentie fin février par le chef de l’État, qui a depuis gardé le silence sur l’affaire.

Des restrictions sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie, affectant le partage de photos et de vidéos, ont été relevées, notamment par l’observatoire NetBlocks.

⚠️ Confirmed: Social media and messaging apps restricted in #Senegal amid political unrest following arrest of opposition leader; real-time metrics show Facebook, YouTube, WhatsApp and Telegram CDN servers disrupted, limiting photo and video sharing 📉

📰 https://t.co/klvokfpLyu pic.twitter.com/L6q3ygu9jP

— NetBlocks (@netblocks) March 5, 2021

Les autorités ont par ailleurs suspendu jeudi deux chaînes de télévision, Walf TV et Sen TV, coupables selon elles de diffuser « en boucle » des images des violences.

« Les autorités sénégalaises doivent immédiatement cesser les arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression », a demandé Amnesty International.

Reporters sans frontières a de son côté condamné une « vague de violations de la liberté de la presse inédite ces dernières années dans ce pays d’Afrique de l’Ouest ».

05 mars 2021 à 09h41 | Par Jeune Afrique avec AFP
Mis à jour le 06 mars 2021 à 18h30

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