spot_imgspot_img

Ma pensée du jour: L’Afrique doit se situer, toujours, du côté de l’inviolabilité des souverainetés et autodéterminations

Apparemment, un certain nombre de Gabonais, mais aussi d’Africains, semblent désormais insinuer que pour mériter de parler de son propre pays ou de l’Afrique, il faille au préalable devenir « russifiant » et, donc, se soumettrre à un test de « russification » par lequel l’on déclarera, à genoux et bave à la bouche, son allégeance à Vladimir Poutine et à la « grande » Russie.

Et comme corollaire de cela, tous ceux qui refusent cette béate russification deviendraient « des esclaves de maison », des « occidentalisés » qui ne mériteraient plus aucune opinion sur leur pays ou sur l’Afrique, surtout si cette opinion ose se révéler réfractaire à « l’impérialisme salvateur russe » qui serait, apparemment, en train de sauver l’Afrique de l’impérialisme occidental en envahissant… l’Ukraine. Et les réfractaires deviendraient ainsi, par le plus bizarre des raccourcis, pro-occidentaux et pro-Amérique, parce qu’ils ne seraient pas pro-russes ou russifiants.

Je voudrais, sur ces points, être clair :

1) Je ne suis pas russe, mais Africain gabonais né à Minvoul dans un village du nord du Gabon. Le nom que mes parents m’ont donné est Daniel Mengara Minko et non Danielovich Mengaraminkolov. Je combats les Bongo et la Françafrique depuis, au moins, 1989, ayant été la cause — par mes tracts — des grèves étudiantes de 1990 qui ont forcé Omar Bongo à accepter le principe de la Conférence Nationale.

2) Je ne me soumettrai donc jamais, pour pouvoir jouir du droit de parler de mon pays ou de la libération de mon pays, à quelque test de russification que ce soit. Ce n’est pas la Russie et Poutine qui doivent, aujourd’hui, venir conditionner mon combat pour le Gabon, et l’Afrique, qui date, au moins, de 1989, alors que Poutine n’était même pas au pouvoir.

3) Mon refus d’allégeance à Vladimir Poutine ou à la Russie, au-delà même des questions subjectives sur lesquelles les uns et les autres peuvent se répandre sur le bien-fondé sécuritaire ou non de telle invasion ou telle autre, tient de deux facteurs simples :

– Je ne soutiendrai jamais un dictateur qui comme au Gabon, opprime son peuple et organise des élections staliniennes pour se maintenir au pouvoir. Sur ce point, je reste cohérent avec mon combat contre les Bongo au Gabon ;
– Je suis radicalement opposé à toute idée de nations envahissant d’autres nations, quelles qu’en soient les raisons égocentrées.

4) De ce fait, que je sois, comme certains semblent le dire, pro-Amérique ou pas n’a aucune incidence sur cette position : Je suis tout simplement pour l’application absolue et absolutiste du droit des peuples à pouvoir s’autodéterminer et, donc, à pouvoir jouir de leur souveraineté sans devenir l’otage de nations qui, pour leurs propres intérêts impérialistes, prendraient en otage l’autodétermination d’une autre nation pour lui dicter avec qui elle peut ou ne peut pas s’associer.

5) Cette position intransigeante que je maintiens quant à la question du droit de tout peuple à l’autodétermination est en conformité radicale et inviolable avec les positions anticolonialistes et anti-impérialistes qui sont et ont toujours été miennes, non seulement en tant qu’Africain, mais aussi en tant qu’intellectuel dont le domaine d’études touche, justement, aux questions coloniales. Sachant que le combat des Africains contre le colonialisme a toujours été celui d’une recherche effrénée et assidue de l’accession à une indépendance totale, une indépendance qui, dès lors, suppose et a toujours supposé la capacité des pays africains libres à pouvoir non seulement jouir de la souveraineté de leurs territoires, mais aussi à jouir de l’autodétermination qui leur aurait permis les partenariats de leur choix, il me serait idéologiquement inconvenant d’organiser mes convictions autour de paramètres à géométrie variable qui voudraient que, au Gabon, je recherche la fin de l’ingérence française qui continue à saboter les possibilités de notre pays et que, en Ukraine, j’abandonne ces convictions pour ovationner le « héros » que serait Vladimir Poutine, tout simplement parce qu’il « embêterait les occidentaux ».

6) Mais il y a aussi, dans ce que nous observons aujourd’hui chez nos amis russifiants, le problème des équivalences gratuites. Ce piège des équivalences est dangereux, surtout pour nous Africains qui aspirons encore à une autodétermination sans fards. L’idée ici n’est pas de soutenir Poutine parce qu’il embêterait les occidentaux, ou parce que les Américains et les autres auraient fait ceci ou cela dans le passé. L’idée ici, plutôt, est de se dire que si ce que les Américains ont fait ici et là dans le passé est mauvais, alors quand une autre nation le fait, cela doit aussi être considéré comme mauvais. Autrement dit, quand c’est mauvais, c’est mauvais, que cela soit par les Américains, les Français, les Russes, les Chinois, ou même les Africains entre eux, comme par exemple dans le cas de l’Est du Congo-Kinshasa, où le Rwanda entretiendrait l’instabilité avec comme justification la poursuite des dissidents génocidaires.

7) Dès lors, si je suis sincère avec l’idée d’une autodétermination de l’Afrique, ce principe doit s’étendre à tout peuple du monde dont un voisin, ou une puissance internationale, s’arrogerait le droit de confisquer la souveraineté, pour ses intérêts égocentrés. Aucun peuple, aucune nation ne peut et ne doit devenir l’otage des intérêts d’une autre, que ces intérêts soient géopolitiques, géostratégiques, économiques ou autres.

8.) C’est ce principe qui, de ce même fait, veut que je puisse dire que le Mali, par exemple, a le droit de rompre ses rapports de partenariat avec la France pour embrasser le partenaire qu’il veut, que ce partenaire soit la Chine, la Russie, les USA, ou même la France si c’est ce que les Maliens eux-mêmes désirent. Tant que ces choix sont libres et basés sur des principes qui consacrent l’autodétermination, je serai toujours pour soutenir cette autodétermination.

9) La situation en Ukraine n’est donc pas différente : Ici, nous avons une situation où la Russie, pour ses questions sécuritaires, s’arroge le droit d’envahir l’Ukraine pour soi-disant se protéger de l’OTAN. Autant je peux comprendre le besoin stratégique qu’aurait la Russie de s’engager dans un tel acte, autant je me sens obligé d’infléchir cette pensée pour la faire échouer sur le mur du droit à l’Ukraine de s’autodéterminer et, donc, de nier à la Russie le droit, quelles que soient ses raisons, d’envahir un voisin qui a le droit le plus absolu de choisir ses partenaires.

10) En tant qu’Africain, et surtout parce que, justement, je suis Africain, je ne puis falsifier d’aucune manière que ce soit ce principe d’autodétermination parce que, dès lors que j’aurais permis à cette approche universelle de s’infléchir en fonction de mes émotions ou de paramètres hautement subjectifs, je tomberais automatiquement dans la contradiction qui voudra que je doive accepter aussi que, demain, la France puisse décider, pour ses intérêts géostratégiques, d’envahir militairement le Mali ou toutes ses anciennes colonies pour en chasser les Russes et les Chinois qui sont en train de s’installer dans son arrière-cour. Et, à ce titre, je me retrouverais dans l’obligation de nier au Mali et à d’autres pays africain leur droit de choisir les Russes ou les Chinois, ou autres, comme partenaires en remplacement de la France.

11) Le choix rationnel et mathématique est donc, à partir de là, très simple pour moi : De la même manière que je m’opposerais à toute tentative de la France de reconquérir le Mali pour empêcher les Maliens d’entrer en partenariat avec les Russes au détriment de la France, de la même manière je m’oppose aujourd’hui à l’invasion de l’Ukraine pour le fallacieux prétexte de questions sécuritaires. La Russie est suffisamment capable de se défendre, Ukraine ou pas, et il n’y a aucune raison valable que la Russie pourrait avancer pour justifier la conquête d’un autre pays parce que ce pays aurait choisi un autre pays ou une autre coalition de pays comme partenaire. La Biélorussie a bien, librement, choisi le camp russe sans que personne ne s’y oppose : c’est de son droit, tout comme l’Ukraine a le droit de choisir le camp européen ; c’est, aussi, de son droit en tant qu’État souverain.

En conclusion, je dirai que cette position mienne, que je qualifierais, non pas de pro-américaine ou de pro-occidentale, mais plutôt de pro-ukrainienne, est une question de principe qui voudrait que, quel que soit l’impérialiste qui, demain, déciderait d’envahir un pays souverain, cet impérialiste soit condamné et, s’il le faut, combattu. C’est aussi cette position qui m’interdit le jeu, ou le piège, des équivalences qui voudrait que l’on justifie tel acte odieux d’hier par tel acte odieux d’aujourd’hui, simplement parce tel l’a fait avant et, donc, cela justifie que tel autre le fasse aujourd’hui. Si les précédents que nous condamnons tous — Irak, Afghanistan, Libye, etc. — doivent nous servir de leçon, cette leçon doit être celle du « plus jamais ça » et non pas l’idée de laisser telle ignominie se répéter parce que tel autre aurait commis une ignominie similaire dans le passé. Deux maux ne font pas un bien.

Ce jeu des équivalences est donc dangereux et nous devons tout faire pour ne plus permettre à ces dangereux précédents de devenir la norme, justement pour éviter la répétition ad infinitum de tels actes. Sans cela, ce qui arrivera sera que, demain, parce que l’on aura normalisé ceci pour la Russie, nous devrons fermer les yeux sur ce que feront les autres à cause du précédent russe, et donc, par exemple, nous sentir obligés d’accepter un retour militaire de la France en Afrique, ou l’invasion du Gabon par le Congo, ou l’annexion de la Guinée Équatoriale par le Gabon, tout simplement parce que, par exemple, ce petit voisin pomperait tout le pétrole du Golfe de Guinée, compromettant ainsi l’accès du Gabon à ces juteux filons. Oui, ce serait ouvrir le monde à toutes sortes d’arbitraires et chacun pourra trouver sa raison — absurde — de justifier telle ou telle privation de souveraineté aux nations souveraines voisines ou lointaines.

Si je dois dire pour qui je suis, je dirai ici, en réalité, que je suis pro-Ukraine de la même manière que je suis pro-Mali. Les deux se battent exactement pour la même chose : Le droit à leur souveraineté territoriale et politique, mais surtout, aussi, le droit à une autodétermination qui leur garantirait le droit de choisir les partenaires ou les coalitions de partenaires qu’ils veulent, que ces coalitions soient occidentales, asiatiques, africaines, ou tout cela à la fois. Et je suis pro-Ukraine, également, parce que je vois en les Ukrainiens, aussi, un peuple courageux qui se bat et qui se refuse à se plier aux arbitraires de la nouvelle guerre froide que l’on veut leur imposer.

C’est, donc, au final, ce combat courageux des Ukrainiens qui m’inspire et qui fait que je veuille, aussi, pour le Gabon, la fin de la mainmise française pour que le Gabon puisse, enfin, jouir du droit absolu de s’autodéterminer et de choisir ses partenaires, que ceux-ci soient occidentaux, asiatiques, africains, ou tout cela à la fois, selon les besoins égocentrés du Gabon, et en fonction de ce que chacun, ou tous, peut nous apporter qui cadrât avec nos besoins tant de développement que de dignité.

Il m’est, et me sera toujours, donc, impossible d’inféoder ces valeurs absolues à une quelconque allégeance à la Russie pour le fait, simpliste, que Poutine serait un héros parce que, en compromettant la souveraineté et l’autodétermination d’un autre pays, il serait « en train d’embêter les occidentaux esclavagistes » et je dois, donc, par ce seul fait simpliste, me gargariser de béatitude.

Non. Je m’y refuse, pro-Amérique, pro-Chine, pro-Russe, pro-Martiens, ou pas.

Et s’il faut vraiment que je choisisse un camp, ce camp sera toujours celui d’une Afrique qui se refusera à remplacer un impérialiste par un autre pour rechercher, plutôt, à se construire elle-même par ses propres moyens panafricanistes, ceux-là mêmes qui nous permettront la construction d’une Afrique nouvelle par les Africains eux-mêmes, et pour les Africains.

Pr Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir

Exprimez-vous!

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_imgspot_img

Articles apparentés

spot_imgspot_img

Suivez-nous!

1,877FansJ'aime
133SuiveursSuivre
558AbonnésS'abonner

RÉCENTS ARTICLES