Les Faux Débats



Un peuple traumatisé par 51 années de dictats et de traumatismes comme le peuple gabonais aura souvent, par peur de faire face à son bourreau et à la réalité du sacrifice qu’une telle confrontation impose, tendance à éluder les vrais problèmes, fuir les vrais défis et éviter les vrais débats.

Dans ce contexte de traumatismes, ce sont souvent les explications faciles qui l’emportent. A ce niveau, il existe trois faux débats importants dans le discours politique national qu’il faut tout de suite élucider si les Gabonais veulent un jour se libérer du fardeau des Bongo. Le premier faux débat a trait au manque d’unité au sein de l’opposition, le deuxième au manque de détermination de l’opposition et le troisième à la néfaste présence des Français au Gabon. Ces trois faux débats constituent souvent, dans le discours propre au contexte politique gabonais, des arguments circulaires et contradictoires très immobilisants qui font tourner en rond, tout simplement parce que les Gabonais les posent comme conditions absolues pour toute possibilité de changement au Gabon.

Elaguons donc ces faux débats et re-situons les enjeux dans leurs contextes idoines.

Au menu dans cette section: 

  1. Faux débat No. 1 : « Pour changer le Gabon, il faut l’unité de l’opposition, une candidature unique de l’opposition et les Gabonais arrêter de créer plus de partis politiques »
  2. Faux débat No. 2 : « Le Gabon ne change pas parce que l’opposition gabonaise manque de moyens et de détermination »
  3. Faux débat No. 3 : « Les Bongo ne sont pas le problème. A la limite, les Bongo ne sont pas responsables. Le vrai problème du Gabon, c’est la France qui soutient et impose les Bongo aux Gabonais »


Faux débat No. 1 : « Pour changer le Gabon, il faut l’unité de l’opposition, une candidature unique de l’opposition et les Gabonais arrêter de créer plus de partis politiques »


Foutaises ! Ce discours est celui d’une sclérose politique nationale annoncée. Par ailleurs, il va chercher les problèmes là où ils n’existent pas.

Le problème du Gabon n’a jamais été un problème d’unité de l’opposition ou de nombre de partis politiques, mais un problème de détermination et de cohérence de l’acte d’opposition (nous reviendrons dessus dans le Faux débat No. 2, ci-dessous). Il ne faut surtout pas, à ce niveau, faire preuve de naïveté. D’abord parce que, comme nous le montrons ci-dessous, ce n’est pas le nombre de partis politiques ou de candidats qui est le problème. Le vrai problème au Gabon a toujours résidé dans l’absence d’une idéologie cohérente de prise de pouvoir de la part d’une opposition qui apprécie plus de s’alimentariser que de faire front. Ensuite parce que, dans un système armé pour la fraude qui ne permet à aucun opposant de l’emporter par les urnes, c’est pure utopie, je dirai même pure folie, que de croire que c’est simplement parce qu’il y a un candidat unique de l’opposition ou un parti unique de l’opposition que la victoire serait acquise. Les mêmes causes menant toujours aux mêmes effets, les maux qui minent l’opposition gabonaise vont plus loin que les simples questions de nombre de partis politiques, d’unité de l’opposition ou de nombre de candidats aux présidentielles, surtout quand on sait que, de toutes façons, le peuple a toujours su trier entre le vrai et l’ivraie de ces candidats et partis politiques, dont la plupart sont en effet créés en vue de simples positionnements à la mangeoire nationale des Bongo. Mais mangeoire ou pas mangeoire, ces partis ou opposants figurants ne sont pas la cause de l’incapacité chronique de la supposée « vraie » opposition gabonaise à se construire en alternative crédible.

Laissons donc de côté ces arguments périphériques et allons au centre du problème.

Les maux qui minent toute idée, voire toute possibilité, de changement politique immédiat au Gabon résident essentiellement dans cette incapacité chronique mille fois démontrée de nos opposants, mais aussi de notre peuple, à comprendre que ce qui, hier, a fait que l’opposition, en contexte de division, « perde » les élections (manque de détermination, système électoral frauduleux, Etat confisqué, corruptibilité des opposants, etc.), est ce qui fera aussi, que, demain, même en contexte d’unité, l’opposition continue de perdre, ad vitam aeternam, les élections.

Autrement dit, les questions de changement politique, surtout quand il s’agit de mener un combat frontal contre une dictature, ne doivent ni se faire mystérieuses ni se faire trop compliquées. Ce sont des questions plutôt simples car acculant toujours des citoyens réalistes au seul constat qui s’impose : les dictatures ne tombent jamais seules. Les dictatures ne tombent que parce que forcées à tomber par des gens organisés pour cet objectif, et les peuples ne se sont jamais débarrassés de leurs dictateurs que par la violence, que cette violence émane du peuple ou du dictateur. Du coup, une opposition qui sait ce qu’elle veut est bien obligée, à un moment, de se ranger à l’évidence selon laquelle, si, après moultes tractations, moultes négociations et moultes compromissions au cours de 28 années de régressions politiques, l’alternance souhaitée par le peuple n’a jamais pu se faire par la voie démocratique des urnes, le peuple ne peut, alors, rechercher cette alternance que par la voie démocratique de la rue, donc, de l’insurrection populaire en bonne et due forme (j’ai fait ce constat en décembre 1998 alors que je n’avais que 31 ans!). Mais pour que l’insurrection se fasse, il faut une opposition capable de s’aventurer dans cette voie!

Or, c’est là que le bas a toujours blessé au niveau du Gabon. L’opposition gabonaise n’a jamais pu ni voulu comprendre cette réalité et s’organiser en conséquence. Du coup, que l’opposition gabonaise ait été unie ou pas, tant qu’elle resterait incapable ou réfractaire à toute idée d’organiser un combat frontal contre les Bongo, on ne voit tout simplement pas comment la victoire lui « tomberait » miraculeusement dans les mains alors même que tout le système en place est construit pour empêcher une telle possibilité. On se rend alors très vite compte ici que même quand, en réalité, l’opposition gabonaise remporterait les élections, ces élections seraient toujours volées par le régime en place au vu de l’incapacité de l’opposition à défendre ses victoires. Du coup, l’opposition a beau avoir un candidat unique, si ce candidat unique et ceux qui le soutiennent ne sont pas prêts à se risquer dans l’insurrection pour revendiquer leur victoire, le résultat sera toujours le même: l’opposition « perdra » toujours face aux Bongo car même quand l’opposition aura gagné des élections, ses victoires lui seront toujours arrachées et volées sans coup férir et sans crainte par le régime des Bongo. Et parce que le régime des Bongo sait cette opposition incapable d’aller plus loin que les communiqués de presse, c’est en toute quiétude et en toute arrogance que le régime trichera, volera, fraudera et s’arrogera des « victoires » nulle part avérées. La preuve: cela fait 28 ans depuis le retour du multipartisme que ça dure!

Mais pour pouvoir passer de l’impossibilité de gagner par les urnes à la possibilité de gagner par la rue, il faut une détermination à toute épreuve et de l’organisation! On voit donc ici que les questions d’unité de l’opposition et de nombre de partis politiques qui préoccupent les Gabonais au point de l’immobilisme sont intéressantes, mais non essentielles au débat de l’alternance politique au Gabon. La preuve : il y a eu pléthore de candidats en 1993, 2009 et 2016 au Gabon, pourtant très peu des candidats constituant cette multitude ont reçu plus de 1% du vote des Gabonais si l’on en croit les résultats officiels. Les Gabonais ont toujours su trier.

Mais il y a plus : nous avons souvent tendance au Gabon à nous engager dans des poursuites politiques illusoires, futiles ou naïves. On croit bizarrement souvent chez nous que la seule garantie de réussite de l’opposition, c’est quand l’opposition est unie à 100%. Il faut chasser cette idiotie de nos esprits. Il n’y a aucune société au monde où on peut attendre 100% d’unanimité. Prétendre pouvoir atteindre au Gabon 100% d’unité au sein de l’opposition est une utopie que certains utilisent pour justifier leurs incapacités ou leurs compromissions. Ce qu’on appelle « opposition », que cela soit au Gabon ou ailleurs, ne constitue aucunement un groupe monolithique. L’opposition n’étant qu’un microcosme au sein duquel l’on retrouve les grandes tendances sociales et politiques du pays, elle sera forcément diverse et variées dans ses poursuites, ce qui veut dire qu’elle ne poursuivra pas forcément les mêmes objectifs ou les mêmes finalités. Les questions d’unité dont on parle ici ne peuvent alors valablement se construire autour du besoin d’avoir 100% d’unité au sein de l’opposition. C’est impossible. Et si c’est impossible, il faut d’abord le reconnaître et ensuite étudier la manière d’obtenir une faction agissante de l’opposition qui soit capable de mener au résultat escompté. En d’autres termes, les débats doivent se construire de manière réaliste autour des trois interrogations fondamentales qui importent vraiment, c’est-à-dire:

1) Malgré les divergences naturelles observables au sein de l’opposition comme au sein du reste de la société, existe-t-il suffisamment d’unité agissante au sein d’une ou de plusieurs factions coalisées ? Si oui, alors on n’a pas besoin d’attendre 100% d’unité pour mobiliser; ce qui compte c’est qu’il y ait, parmi les factions qui existent au sein de l’opposition, certaines avec une capacité agissante suffisante pour mobiliser une partie non négligeable du peuple. Dès lors que cette capacité existerait, il importe peu que cette faction représente 10%, 30% ou 50% de l’opposition; ce qui compte c’est la capacité de mobilisation dont peut faire montre la faction coalisée. Au Gabon, cette capacité agissante de certaines factions de l’opposition a toujours existé, mais n’a jamais, hélas, pu être traduite en impulsion pour le changement immédiat (nous y revenons plus bas);

2) Malgré les divergences naturelles observables au sein de l’opposition comme au sein du reste de la société, les coalitions ou factions existantes sont-elles idéologiquement cohérentes quant aux buts et méthodes de changement recherchées? C’est malheureusement à ce niveau que tout foire souvent au Gabon. Les coalitions de l’opposition gabonaises n’ont jamais été idéologiquement cohérentes, et c’est cette incohérence qui les a souvent rendues incapables, malgré le grand potentiel agissant existant (nous y revenons plus bas);

3) Malgré les divergences naturelles observables au sein de l’opposition comme au sein du reste de la société, les leaders des coalitions et factions existantes sont-ils assez déterminés pour aller au bout de la logique d’opposition, c’est-à-dire, d’une part, capables de reconnaître l’inévitabilité de l’insurrection comme seul moyen d’obtenir le changement au Gabon et, d’autre part, capables d’organiser frontalement cette insurrection tout en assumant toutes les conséquences politiques et sociales de cette méthodologie ? Là encore, l’histoire du Gabon des 28 dernières années montre qu’aucun des leaders historiques du Gabon, de Paul Mba Abessole en passant par Pierre Mamboundou, André Mba Obame et, aujourd’hui, Jean Ping, n’a jamais voulu ni organiser l’insurrection ni endosser directement la responsabilité des conséquences d’une insurrection au Gabon. Ils se sont généralement contentés d’attendre que le peuple, sans enjeu et sans guide, se jette tout seul dans la rue sans savoir ce qu’il défend ni qui il défend, et encore moins pour qui il se sacrifie. L’opposition gabonaise n’a jamais compris que les révolutions populaires, même spontanées, ne réussissent que quand quelqu’un accepte d’en devenir directement le porte-étendard et, donc, d’alimenter l’insurrection en leadership capable de canaliser le peuple vers la direction la plus radicale possible, c’est-à-dire la direction la plus propice au changement immédiat, quel qu’en soient les conséquences. Notre opposition ne semble pas non plus comprendre que la notion de « révolution spontanée » est un oxymore. Il n’y a rien de tel qu’une « révolution spontanée ». Toutes les révolutions partent de quelque part et relèvent d’initiatives citoyennes tantôt anonymes tantôt publiques, tantôt localisées tantôt nationales. Un peuple ne descend dans la rue que parce que, quelqu’un, quelque part, a commencé une action visant à rameuter des citoyens autour d’un sujet crucial touchant à l’intérêt de tous. La surprise c’est souvent quand ces petites initiatives citoyennes se transforment en vastes mouvements nationaux, et ce de manière inattendue. Le rôle d’un vrai leader de l’opposition n’est pas d’attendre passivement que des citoyens anonymes prennent des initiatives dont il va tout simplement profiter. Son rôle est de faire comme tout le monde et, donc, de rameuter lui aussi les citoyens à chaque fois qu’un acte de dictat méritant l’indignation nationale sera posé. Il doit donc toujours être prêt non seulement à saisir les moments les plus propices à ses appels à l’insurrection, mais aussi surtout à les préparer et les fomenter dans l’espoir de voir, justement, l’un de ses appels faire mouche. Et quand il arrivera que des citoyens anonymes, quelque part, aient fait preuve de leadership en causant par leurs anonymes initiatives de vastes mouvements de foule inattendus, le propre d’un vrai leader est de se saisir de ces moments pour s’accaparer le leadership, endosser la responsabilité de l’insurrection et aller avec le peuple au bout de la logique d’opposition, et ce jusqu’à la chute du régime. Or, dans l’histoire du Gabon, aucun leader de l’opposition ne s’est jamais saisi des indignations et des soulèvements de Port-gentil ou de Libreville en 1990, 1993, 1998, 2005, 2009 et 2016 pour pousser le peuple à obtenir la chute immédiate du régime. Quand ils se sont engagés, ces leaders, c’était souvent pour calmer le peuple et lancer des appels à la responsabilité, avec en prime des promesses de pouvoir gagner par les urnes à la prochaine élection ou par des plaintes puériles à la Cour constitutionnelle!

Ce sont-là, chers compatriotes, les vrais maux de notre opposition. Les questions d’unité sont subsidiaires car comme on peut le voir ici, sur les trois conditions à remplir pour un changement immédiat au Gabon, c’est en fait au niveau de l’unité que l’opposition a souvent pu avancer puisque nous avons quand-même vu au Gabon la naissance de pas mal de coalitions agissantes de l’opposition au cours des 28 dernières années. Mais ces coalitions ont souvent échoué au niveau des deux autres conditions: elles avaient trop d’incohérences idéologiques en leur sein (tout le monde ne poursuivait pas les mêmes objectifs idéologiques et tout le monde ne partageait pas les mêmes méthodes pour en finir avec les Bongo) et elles souffraient de l’incapacité de leurs leaders à aller au bout de la logique d’opposition, c’est-à-dire organiser l’insurrection dès lors que tout le monde en reconnaîtrait l’inévitabilité. En gros, ils n’ont jamais voulu endosser la pleine responsabilité des actes insurrectionnels qui auraient pu libérer le Gabon, par peur des conséquences humaines ou politiques qui pourraient en découler, quand ce n’était pas simplement la peur de tout perdre ou d’aller en prison.

Se préoccuper des questions d’unité au point d’en faire des arguments immobilisants est donc, à nos yeux, un faux problème, donc un faux débat. Surtout que cette instance d’unité absolue et absolutiste comporte, en réalité, des ramifications dangereuses pour l’avenir politique du Gabon!

Autrement dit, nous pensons que toute idée d’unité qui tendrait vers la suppression des divergences naturelles qui doivent exister au sein de l’opposition est aussi dangereuse pour le Gabon que l’idée d’un parti unique qui, sur le plan national, voudrait la suppression des opinions politiques divergentes. C’est comme si, en fait, sur la base de la nécessité d’une unité politique illusoire, on voulait créer un parti unique de l’opposition qui empêcherait les opinions et les confrontations d’idées. Par cette insistance, en fait, on créé sans s’en rendre compte, les conditions de la confiscation du discours politique de l’opposition et, donc, de la destinée politique nationale par quelques individus au sein de l’opposition (obligation de ne plus créer de partis politiques et de se mettre derrière eux), privant ainsi le pays de la créativité et du dynamisme politique dont il a besoin pour les combats à venir (toute critique des incapacités des leaders immobiles devient synonyme de trahison).

Or, c’est justement parce que, parfois, dans une société donnée, les citoyens ont la possibilité de s’exprimer politiquement au sein de nouveaux partis politiques créés pour les besoins du moment que le pays se créé de nouvelles générations de leaders capables, à leur tour, de reprendre le flambeau politique et d’innover là où, peut-être, leurs aînés ont échoué. Or, dans un pays comme le Gabon où, justement, au sein du parti au pouvoir comme au sein des partis de l’opposition, les chefs des partis politiques sont souvent indéracinables, la tradition a été que les jeunes se retrouvent souvent privés d’expression politique, puis étouffés, par les vieux indéracinables. A la fin, on a abouti au Gabon à la sclérose politique nationale, exactement comme on l’a vu au cours des 28 dernières années avec des leaders n’avançant jamais, mais en même temps, à cause de leur inamovibilité, causant l’immobilisme à la fois au sein de leurs partis et, par voie de conséquence, sur le plan national. Et c’est cette situation qui a amplement profité aux Bongo car une fois les jeunes révoltés étouffés derrière leurs leaders au sein des partis existants, il n’y avait plus grand monde pour donner la vraie réplique aux Bongo, le discours national finissant, de ce fait, par être pris en otage des compromissions parasitaires entre pouvoir et opposition alimentarisée.

Et c’est à ce niveau que se trouve le drame national! Qu’est-ce qui nous dit que ce n’est pas par un des jeunes étouffés par les aînés que le changement au Gabon aurait pu arriver s’il avait pu s’exprimer conformément aux aspirations révolutionnaires du peuple ?!? Il nous semble, paradoxalement, que c’est peut-être parce qu’un jeune, déçu par la prestation des aînés, aura eu la possibilité de créer, la semaine prochaine même, son parti politique que le Gabon, peut-être dans dix ans, se libérerait des Bongo, et ce par l’effort de ce jeune qui, dix ans plus tôt, avait eu la possibilité de proposer une autre manière de s’attaquer au problème politique national! Quel drame national, alors, si un tel jeune avait écouté ceux qui lui reprochaient de créer un nouveau parti politique alors qu’il aurait pu se mettre derrière un vieux qui, comme d’habitude, aurait fini par étouffer ce potentiel et, donc, d’empêcher cette libération du Gabon dans dix ans ! Parce qu’on ne sait jamais, dans une société donnée, par quoi ou par qui le changement peut arriver, priver les jeunes générations de la capacité d’innover et de prendre des initiatives libératrices hors des partis politiques existants est la chose la plus dangereuse qui puisse arriver à une société comme la nôtre. C’est la recette d’une sclérose politique nationale qui étoufferait tout potentiel, sans jamais, en contre partie, mener nulle part.

Nous sommes donc, au BDP-Modwoam, pour que l’on laisse les Gabonais s’exprimer de la manière qu’ils veulent, selon leurs talents. Et créer un parti politique là où il en existe déjà a un sens: ce sens est que les partis existants ne répondent pas aux questions posées par le créateur du nouveau parti, ce dernier essayant, ainsi, de répondre lui-même à sa propre question puisque n’ayant trouvé aucune réponse dans les partis existants. Autrement dit, quand des citoyens s’exercent à la création de trop de partis politiques ou de nouveaux partis politiques, il faut voir en cela, non pas une faute, mais l’expression même de l’incapacité des partis existants à répondre aux vraies préoccupations des Gabonais. Du coup, laisser libre cours à la création de nouveaux partis politiques c’est, en fait, rendre plus riche le débat politique national, surtout quand ces créations de partis sont basées sur le sincère désir de sortir les Gabonais de leurs misères bongoïstes.

Par ailleurs, le fait pour plusieurs partis politiques d’exister ne compromet en rien le potentiel d’unité. L’unité de l’opposition n’est pas synonyme de tout simplement s’agglutiner au sein d’une coalition immobiliste juste parce qu’on se dit « parti de l’opposition ». Le mot « opposition » ne veut rien dire en politique. Il est trop vague. Autrement dit, si une « opposition » donnée n’est pas cohérente sur le plan idéologique, elle sera inopérante. L’unité opérante ou agissante est, en dernier recours, ce que doit sous-tendre la création des coalitions politiques qui se veulent capables de faire front à la dictature. Or, créer une coalition agissante veut dire, non pas simplement mettre ensemble des partis se réclamant de l’opposition, mais plutôt mettre ensemble des partis partageant les mêmes idées et les mêmes méthodes de lutte. Au Gabon, on a souvent eu tendance à rechercher l’effet de masse au sein des coalitions sans jamais se préoccuper de l’efficacité de ces coalitions. Or, l’unité est avant tout un fait idéologique et non un fait d’effet de masse. 100 partis peuvent s’accorder si les 100 partis partagent les mêmes idéologies et les mêmes méthodes de lutte, tout comme 100 partis peuvent être ensemble dans une coalition et n’aller nulle part parce que trop idéologiquement éparses. Mais mettre ensemble 100 partis ne veut pas forcément dire capacité agissante car une coalition de 100 partis n’étant accordés sur rien n’a aucun potentiel. Leur « unité » ne vaut rien sur le plan politique.

D’où, donc, la nécessité d’éviter l’amalgame entre le nombre de partis politiques et le manque d’unité de l’opposition. Si des convergences agissantes doivent naître, elles naîtront naturellement là où les partis partagent les mêmes idéaux et les mêmes méthodes de lutte. Et là où il existera désunion, il faudra y voir, non pas fircément des querelles d’égos comme certains aiment à dire, mais plutôt des manques de convergences idéologiques. On a en effet du mal à voir comment un parti convivial et un parti radical vont s’accorder pour démontrer le régime des Bongo par l’insurrection. C’est tout simplement impossible.

Il faut donc dépasser ce débat et laisser les Gabonais s’exprimer comme ils veulent. S’ils veulent le faire par une création d’entreprise loin de la politique, libre à eux. S’ils veulent le faire par la création d’une association ou d’un nouveau parti politique, libre à eux. Et s’ils veulent le faire dans le cadre de partis existants, libres à eux également. Libre à eux, pourquoi ? Parce que le problème qui freine la possibilité du changement au Gabon n’a, en réalité, rien à voir avec le fait de l’expression libre des Gabonais, quelle qu’en soit la forme. Le problème réside plutôt dans le type de détermination et de conviction qui voudrait que, tous seuls ou ensemble, ceux qui se disent opposants soient capables d’aller au bout de la logique d’opposition.

Ces éclaircissements sont importants parce que nous avons souvent tendance, au Gabon, à nous perdre dans des explications superficielles ou hors-sujets de phénomènes sociaux et politiques plutôt simples. Parfois au Gabon, par exemple, on attribue les problèmes de l’opposition à l’égo de leaders incapables, de ce fait, de s’entendre en vue d’objectifs communs. On ne peut, certes, pas totalement exclure ce phénomène de toute analyse visant à maximiser les chances de succès de l’opposition, mais l’étude extensive que nous avons faite de l’histoire politique du Gabon des 28 dernières années ne nous permet pas, du moins pas encore, d’attribuer les échecs répétés de l’opposition gabonaise aux simples questions d’égo des leaders. D’abord parce que ce ne sont pas les questions d’égo ou de division de l’opposition qui ont, par exemple, empêché des hommes de carrure comme Paul Mba Abessole ou Pierre Mamboundou de pouvoir changer le Gabon TOUS SEULS s’ils en avaient vraiment eu la détermination et la volonté. Ensuite parce que, dès lors que, au temps de leur apogée, Pierre Mamboundou et Paul Mba Abessole étaient les seuls dans l’histoire politique du Gabon avant André Mba Obame et Jean Ping à avoir eu la capacité de mobilisation qui leur aurait permis, l’un indépendamment de l’autre, de changer le Gabon TOUS SEULS, ou même d’entraîner tout le pays dans leur sillage une fois l’insurrection lancée par l’un ou l’autre, nous avons ici le plus grand mal à nous expliquer leurs échecs sur la base d’une simple question d’égo ou de division de l’opposition. Pour nous l’explication est plutôt simple: ils ont eu le pouvoir de changer le Gabon, mais n’ont jamais voulu l’utiliser, probablement par crainte des graves conséquences que l’insurrection pouvait impliquer, à moins que ce n’ait été pour cause de compromissions jamais avouées publiquement.

Il n’empêche que ce cafouillis politique par lequel on veut expliquer des choses simples par des théories trop complexes est précisément ce qui fait que, au Gabon, on ne comprenne pas encore que nos opposants, même quand unis, ont plus souvent été incapables de réussir le changement au Gabon, moins à cause des divisions et des égos qu’ à cause de la nature même du type d’associations ou de coalitions qu’ils créaient, c’est-à-dire des regroupements qui étaient plus des coalitions de circonstances plutôt que des coalitions basées sur le partage d’une idéologie de changement radical qui leur soit commune. Une chose est de dire que l’on veut tous le « changement », mais encore faut-il pouvoir s’entendre sur le type de changement que l’on veut et la méthodologie pour y parvenir! Une autre chose est de se définir comme leaders ou partis de l’opposition, mais encore faut-il être sûr de savoir, quand assemblés au sein d’une coalition, le type d’opposition dans laquelle on inscrit son action politique! Le simple fait de regrouper des hommes et des femmes aux valeurs hétéroclites a certes, l’avantage de créer l’effet de masse, mais, au final, cet effet de masse est nul et inopérant parce que les valeurs et idéologies des uns et des autres sont tellement diverses et éparses qu’elles deviennent immobilisantes pour l’ensemble.  Du coup,  si dans une coalition donnée, certains veulent le changement par l’insurrection et d’autres le changement par le dialogue, on a automatiquement la recette de l’immobilisme, donc du type d’échecs politiques qui ont fait le bonheur des Bongo depuis, au moins, 28 ans.

La preuve : ce sont, en fait, les circonstances communes et non les idéologies communes qui unissent souvent nos opposants (comme par exemple la coalition des perdants aux présidentielles créée en 2009 sous le nom de « Front du Refus »). Nous avons, à ce niveau, presqu’envie de dire que les questions d’égo sont presque aussi naturelles chez l’humain que les questions de personnalité, dans la mesure où quelqu’un qui se serait investi dans la création de son parti pour un objectif donné aura souvent du mal à abandonner ses poursuites pour des buts autres que ceux qui ont justifié son initiative. Si on sait ces tendances naturelles, et ces réalités incontournables, pourquoi se baser dessus pour justifier l’immobilisme? Notre avis est que les gens qui accusent les leaders de faire preuve d’égo ont, encore une fois, une analyse superficielle du phénomène d’unité de l’opposition. Au lieu de passer son temps à se plaindre des égos des leaders pour expliquer le manque d’unité de l’opposition ou ses échecs, ce qui est un autre faux débat, il faut plutôt au préalable se poser les bonnes questions.

Il nous semble ici que, encore une fois, les Gabonais confondent souvent les questions d’égos avec les questions d’idéologies. On peut, certes, essayer de forcer les choses en appelant les uns et les autres à faire preuve d’humilité et d’esprit de sacrifice en acceptant de mettre en avant les autres au détriment de soi-même, mais il nous semble que ce sont là, encore une fois, des poursuites futiles et des hors-sujets. Comme noté plus haut, il faut déjà se dire qu’il est attendu que l’on ne puisse en aucun cas obtenir 100% d’entente au sein de quelque groupe d’humains que ce soit, qu’il s’agisse d’une société entière ou d’un segment de la population regroupé au sein de l’opposition. Il ne faut donc pas perdre son temps à poursuivre des objectifs utopiques et irréalistes, ou se murer dans des interprétations trop faciles qui, à la longue, deviennent immobilisantes, au point de détourner des vrais enjeux. L’enjeu n’est pas, en réalité, de réunir ou d’accorder 100% de l’opposition. L’enjeu n’est pas non plus d’accorder les égos car le problème d’égos est naturel, et il ne se pose que dans les coalitions mal construites ou mal imaginées, c’est-à-dire dans des regroupements où on se trompe d’objectif en voulant établir un leader supra-oppositionnel là où on a tout simplement besoin d’établir un objectif commun.

Par exemple: il est totalement insensé de demander aux gens de s’unir derrière un leader quand on sait que ce leader manque de « couilles » pour s’attaquer au vrai combat ou ne peut gagner l’élection à cause d’un système qui l’en empêche. Ce sont-là des poursuites futiles qui sont à la source des querelles d’égos. Autrement dit, on créé souvent au Gabon des problèmes au sein des coalitions en voulant établir des coalitions basées sur le leadership des individus plutôt que sur le leadership de l’idéologie commune, et on s’étonne par la suite que des querelles de leadership naissent!

Pourtant, dans le cas du Gabon, le contexte de la lutte est plutôt simple: si on comprend dès le départ que, unie ou pas unie, leader unique ou pas, l’opposition ne peut gagner à cause du système en place, alors il est futile et inutile de s’attarder sur qui est leader et qui n’est pas leader. Ainsi, si l’on sait que se mettre derrière un leader est quasiment inutile au vu du fait que ce leader ne peut gagner l’élection à cause du système mis en place, le but des coalitions ne doit jamais être de se nommer un leader, justement pour s’éviter des luttes d’égos, mais plutôt de s’accorder sur les objectifs essentiels qui sont communs à tous. Dans le cas du Gabon, ces objectifs sont ceux qui définissent, en fait, la priorité de la lutte à mener, c’est-à-dire :

1) Obtenir la transparence électorale sous toutes ses formes;

2) Mais puisque la transparence électorale sous toutes ses formes n’est pas possible avec les Bongo et leur système en place, la priorité est, dans ce cas, d’obtenir le départ des Bongo;

3) Et une fois les Bongo partis, les Gabonais peuvent librement se désigner leur leader dans le cadre d’une élection libre leur garantissant que leur choix sortira effectivement des urnes. Et ce surtout si on rétablit le principe de l’élection à deux tours, le seul système qui permette, au premier tour, d’avoir un « leader » de l’opposition sorti « premier » des urnes, leader que toute l’opposition peut alors naturellement soutenir puisque mis à cette place par le peuple.

Or, pour obtenir le départ des Bongo, on n’a pas besoin de s’embourber, avant l’élection, et encore moins avant toute possibilité d’organiser des élections libres et transparentes, dans des débats autour de qui est ou qui doit être le leader de tout le monde. Tout ce qu’on a besoin de faire, quand la victoire par les urnes est impossible, c’est se mettre d’accord sur la manière de chasser les Bongo, et une fois les Bongo partis, laisser les Gabonais décider qui va les diriger par le simple fait du vote libre. L’opposition n’a pas besoin de leader préfabriqué pour gagner une élection perdue d’avance. Cet type de leader n’a pas, pour le moment, fait ses preuves au Gabon. Tout ce dont l’opposition a besoin, c’est de mener le même combat pour l’établissement de la transparence, et ceci après s’être accordée sur les mêmes méthodes de lutte radicalo-insurrectionnelle et, à partir de là, se donner toutes les chances de gagner, chacun selon ses capacités, une fois le terrain politique libéralisé grâce à l’effort conjugué de tous. Ainsi, on peut facilement imaginer une coalition sans leader s’organiser uniquement autour du seul objectif de chasser les Bongo du pouvoir, puis, une fois cet objectif obtenu, voir chacun des leaders de la coalition reprendre ses couleurs pour battre campagne en son propre nom en vue de solliciter les suffrages du Peuple, un peuple ici compris comme le seul habilité à désigner son leader. Et si, dans le sillage des campagnes, des convergences se créent librement qui permettent à certains de se mettre ensemble derrière quelqu’un, libre à eux. Mais le fait pour un Gabonais libre de refuser de se mettre derrière quelqu’un d’autre pour d’aller au-devant des électeurs sous ses propres couleurs ne doit jamais faire l’objet d’anathème. C’est mal comprendre la dynamique politique que de procéder ainsi. Le peuple peut parfois surprendre par ses choix, un peu comme on l’a vu dans la dynamique de 2009 où Mba Obame a semblé faire jeu égal avec Mamboundou alors même que Mamboundou était le seul supposé représenter encore la « vraie opposition » gabonaise. Normalement, Mba Obame, l’homme le plus honni de la République jusqu’en juillet 2009, n’aurait jamais dû obtenir 5% des suffrages au vu de son passé de complice du dictat des Bongo. Pourtant, le voici devenu une « référence » incontournable dans l’équation politique gabonaise qui concerne l’opposition. La personne qui libérera le Gabon n’est pas forcément celle que l’on préfabriqué. D’où l’importance de laisser les dynamiques naturelles s’opérer et amener aux choix que seul le Peuple pourra légitimer. Le peuple a ses raisons que parfois la raison ignore.

Devant cette réalité, le rôle de l’opposition n’est pas de se préfabriquer des leaders, mais plutôt de s’accorder sur les objectifs essentiels et, donc, d’obtenir le départ des Bongo. Le reste, ce sont les Gabonais qui le décideront dans les urnes. Voilà pourquoi il nous faut insister sur le besoin de ne pas se perdre dans de faux débats. Les opposants n’ont pas besoin d’un leader pour se coaliser. Ils peuvent se coaliser autour d’objectifs communs, pourvu qu’ils voient tous le changement de la même manière. Il faut donc aux Gabonais privilégier les vrais enjeux. L’unité de l’opposition ne doit pas vouloir dire suppression des expressions libres au sein de l’opposition, et encore moins l’idée de mettre tout le monde derrière un leader préfabriqué. L’unité de l’opposition veut dire maximisation et mutualisation des énergies en vue d’objectifs communs, le principal objectif, pour le moment, étant de défaire les Bongo pour permettre des élections libres au Gabon.

Le vrai enjeu, dans ce contexte, consiste, en réalité, à rassembler non pas n’importe quelle coalition de supposés « opposants », mais plutôt la portion de l’opposition qui partage la même idéologie et les mêmes méthodologies du changement, de manière, donc, à en faire une coalition agissante capable d’aller au bout de la logique de son idéologie de changement.

Evitons donc les faux débats. Pourquoi?

Simplement parce que, au Gabon, l’histoire montre qu’il y a souvent eu assez d’unité agissante à chaque étape cruciale de l’évolution politique du pays et que dans ces contextes, l’opposition a toujours eu la capacité de mener le peuple au changement souhaité par tous. En 1990, à côté d’un MORENA Bûcherons dominant et hégémonique, un parti qui, à l’époque, devait réunir, au moins, 60 à 70% des sympathies du peuple, il y avait des groupes non moins négligeables comme la COD et le FUAPO, donc à peu près trois grands regroupements politiques ayant chacun suffisamment d’unité et de poigne en son sein pour qu’il puisse, par sa propre initiative, changer le Gabon par l’insurrection si la détermination y était. En 2005, Mamboundou était quasiment seul devant Omar Bongo comme candidat unique de l’opposition (Zacharie Myboto n’était alors qu’un poids plume politique puisqu’ayant récemment atterri dans l’opposition) ; pourtant, la candidature unique de Pierre Mamboundou comme seul candidat de l’opposition n’avait pas suffi à faire entendre la voix du peuple gabonais, tout simplement parce que Mamboundou n’était plus, en 2005 déjà, le même. Il ne voulait plus aller au bout de la logique. En 2009, le Gabon s’est retrouvé avec deux grandes coalitions politiques de l’opposition, l’ACR et la CPPA, dont chacune avait suffisamment de poigne en son sein pour défaire les Bongo par sa seule initiative. Pourtant, cela n’a pas suffi non plus, les uns préférant se murer dans le silence ou les fausses grèves de la faim, alors même que des jeunes se soulevaient et se faisaient trucider à Port-Gentil pour défendre leur vote et des leaders qui n’en valaient pas la peine. Pire, en 2016, Jean ing a tout eu: argent, soutien de la plupart des poids lourds de l’opposition, une communauté internationale ayant évité de reconnaître publiquement la victoire d’Ali Bongo. Pourtant, malgré tout cela, Jean Ping n’a jamais organisé sa stratégie autour du besoin de passer par une insurrection en bonne et due forme qui demeure la seule manière de se défaire des Bongo.

Il serait, donc, simpliste et naïf de croire que c’est parce que l’on aurait 100% d’unité au sein de l’opposition que l’on gagnerait la fin du régime des Bongo au Gabon. C’est un objectif certes louable, mais illusoire et futile qui, en plus, éloigne du vrai débat. Nous venons de le montrer.

Mais pour être encore plus explicite, nous dirons que 100% d’unité ne veut pas forcément dire capacité agissante. Pourquoi?

D’abord parce que réunir 100% des opposants ne veut pas dire que tout le monde veut forcément chasser les Bongo par l’insurrection. La preuve : la plus récente coalition politique du Gabon, la coalition  société civile/société politique créée au Gabon en 2011 sous la dénomination de « Ça suffit comme ça », était une coalition idéologiquement mort-née dès le départ parce que, construite autour d’un rassemblement idéologiquement trop hétéroclite, elle était condamnée à ne pas pouvoir aller au bout d’une certaine logique. Elle fera et continuera à faire, certes, efficacement le travail de conscientisation des masses qu’il faut, mais c’est tout ce qu’elle pourra accomplir. Il lui sera incapable d’aller plus loin, c’est-à-dire, elle sera, à la fin, incapable d’organiser au Gabon des actions insurrectionnelles d’envergure pourtant obligatoires si son but est vraiment de mener à la libération immédiate du Gabon par tous les moyens. Sauf si, évidemment, un accident de l’histoire ne leur apporte un bon concours de circonstances qui ne serait, dans ce cas, que pure coïncidence et non le résultat d’un acte ou d’une stratégie délibérée. Ceci parce que, composées de trop de tendances contrariantes, ces dernières nieront toujours à cette coalition toute possibilité de s’avancer vers l’insurrection. Elle finira donc par jouer le jeu de la fausse semblance comme toutes les autres qui, avant elle, furent construites sur le même modèle, c’est-à-dire un modèle qui privilégie les paraîtres de la masse hétéroclite plutôt que l’efficacité idéologique d’un regroupement construit uniquement autour de personnes et de groupes qui croient en la même idéologie et en la même méthodologie du changement. Or, pour la lutte qui attend les Gabonais, ce n’est pas la masse immobile qu’il nous faut, mais un groupe de leaders capables d’aller dans la même direction, avec les mêmes méthodes.

 Ensuite parce que si, justement, il y a une partie de l’opposition qui s’oppose à la violence et une autre qui veut l’insurrection quels qu’en soient les sacrifices, on aboutit automatiquement à un résultat nul et immobilisant au sein de l’opposition, que cette dernière soit unie ou pas, ou qu’elle se désigne un candidat unique ou pas. Les questions de capacité agissante de l’opposition dépassent donc le cadre d’une simple question d’unité : c’est une question d’idéologique (ce qu’on veut accomplir et les méthodes pour l’accomplir) et de détermination (être prêt à accepter tous les sacrifices et toutes les conséquences pour atteindre l’objectif fixé). On ne peut tout simplement pas obtenir une démarche insurrectionnelle dans un contexte politique où les leaders de l’opposition, incapables pour raisons diverses d’aller au bout de la logique d’opposition face à une dictature (prise de pouvoir par tous les moyens), ne cessent depuis 28 ans d’appeler le peuple au calme et à la responsabilité, faisant ainsi explicitement et implicitement le jeu et la joie des Bongo. Une opposition de communiqués de presse et des salons de velours qui n’aurait pour armes de combat que les prises à témoin de la communauté nationale et internationale, ne peut aller nulle part en politique. Elle fera toujours du sur-place et s’enfermera dans de faux-semblants qui feront toujours miroiter au peuple la possibilité du changement par les urnes et le dialogue alors même qu’elle sait cette démarche inutile et futile, surtout quand on a en face de soi des interlocuteurs aussi animalisés que les Bongo. Nous aurons donc toujours au Gabon une opposition qui, explicitement et implicitement, se refusera toujours à aller au bout de la logique du type de combat politique qu’un changement radical de régime impose. A la fin, notre opposition se recroquevillera toujours sur le chemin facile des compromissions, oubliant que ces compromissions sont, certes, profitables aux leaders, mais ne changent en rien la réalité miséreuse des Gabonais. C’est pour changer cette réalité que le BDP-Modwoam a été créé, pour aller au bout de la logique d’opposition, pour y appeler le peuple gabonais et obtenir le départ des Bongo. Par tous les moyens citoyens qui découlent de l’idéologie stipulée dans la Charte de la Troisième Voi(e)(x), la Charte du Citoyen Gabonais Libre. Le Gabon doit changer. Les Bongo doivent partir.


Faux débat No. 2 : « Le Gabon ne change pas parce que l’opposition gabonaise manque de moyens et de détermination »


Ceci est probablement vrai, surtout quand on étudie l’évolution politique du Gabon à la lumière des tergiversations de ses leaders comme nous venons de le faire plus haut, notamment au vu de cette bizarre tendance qu’ont les leaders politiques de l’opposition gabonaise à toujours étouffer eux-mêmes, à chaque crise politique, les velléités insurrectionnelles du peuple, et ceci par ces sempiternels appels au calme et à la responsabilité qui en ont fait non pas une opposition agissante quoique suffisamment unie, mais plutôt une opposition de communiqués de presse et de salons de velours. Le problème de détermination est donc réel.

Par contre, comme nous le montrons dans la section traitant des fausses excuses et des aux-fuyants des Gabonais, cette seule explication reste insuffisante. Les Gabonais ont aussi besoin que leurs leaders leur disent certaines vérités, vérités qui expliquent peut-être pourquoi, à la fin, les Gabonais n’ont que les leaders d’opposition qu’ils méritent et, partant, n’ont également que les Bongo qu’ils méritent.

Les Gabonais qui se plaignent de l’incapacité de notre opposition à résoudre l’équation du changement au Gabon n’auront pas poussé la réflexion assez loin tant qu’ils ne se seront pas posés quelques questions fondamentales : Se sont-ils jamais demandés pourquoi leurs leaders manquent de détermination ? Et se sont-ils jamais posé, par la suite, la question de leur propre responsabilité dans ce manque de détermination de leurs leaders ? Autrement dit, qu’espéraient réellement voir les Gabonais dans un pays où aucun des leaders de l’opposition n’a jamais fait carrière ni fortune indépendamment de la politique et du régime des Bongo qu’il est supposé combattre ? A un moment, nous pensons qu’il incombe aux Gabonais de se poser aussi la question de savoir comment vivrait au Gabon un leader radical qui, à cause, justement, de son type d’opposition, serait privé d’emploi au Gabon tant dans le privé que dans le public? Il nous semble à nous, que, au Gabon, autant les leaders ont leurs fautes, et nous venons de les énumérer, autant le Peuple a les siennes, surtout de par son incapacité à voir le lien entre la corruptibilité des opposants au Gabon et le manque de conscience politique d’un Peuple qui croit parfois que le changement tombe du ciel et qu’il n’a aucun sacrifice, ne fût-ce que financier, à consentir en vue de financer sa propre libération.

Or, le parcours politique de nos opposants est plein d’enseignement. Il suffit, pour cela, d’abord, de faire les constats suivants:

1) La plupart des opposants de grand renom au Gabon dépendent ou ont dépendu financièrement du régime qu’ils sont censés combattre; rien que ce simple constat devrait interpeller les Gabonais;

2) Les leaders politiques de l’opposition, pour nourrir leurs familles, sont souvent obligés de trouver des subterfuges pour recevoir de l’argent du régime (création de partis politiques en vue du franc électoral, acceptation de postes politiques, etc.), et sont ainsi parfois obligés de se compromettre dans des postures de « convivialités » ou de « responsabilité républicaine ». Or, une fois devenus dépendants de ces « salaires » et autres « faveurs », sans oublier les pressions familiales qui vont avec, on a du mal à les imaginer par la suite coupant radicalement le cordon ombilical;

3) Pour entretenir leurs partis politiques, ils sont obligés de participer à des élections perdues d’avance dans l’espoir de récolter quelques postes politiques pour eux -mêmes et leurs partenaires (députés, sénateurs, conseillers municipaux, maires, etc.), cette méthode devenant par la suite le seul mode de survie des partis politiques d’opposition et de leurs leaders.

Tout ceci parce que le peuple gabonais ne sait pas ce que c’est que cotiser pour soutenir son parti ou son leader politique dans le but, précisément, de le préserver du besoin d’aller se compromettre avec le pouvoir qu’il est supposé combattre au nom du peuple.

Peut-être que Pierre Mamboundou et Paul Mba Abessole, au début, étaient sincères avec l’idée de chasser les Bongo du pouvoir, mais une fois au Gabon, se sont quelque peu retrouvés confrontés à une réalité bien gabonaise par laquelle les militants qui disaient les soutenir ne voulaient cependant pas pour autant se séparer des 500 francs CFA qui auraient pu à la fois servir à nourrir le leader et ses enfants, le mettant ainsi à l’abri des tentations tout en alimentant le parti dans sa marche vers le changement radical. Tandis que, dans d’autres pays, les leaders perçoivent des salaires leur payés par leurs partis et sont donc, ainsi, préservés de la tentation de la corruption par les cotisations des militants, au Gabon, les militants attendent que ce soient les leaders qui les paient et les nourrissent, et en même temps, aient personnellement la capacité de financer tous seuls le changement dans le pays à l’aide de fortunes qu’ils n’ont pas. Ceci parce que, Omar Bongo, puis Ali Bongo, puisant directement les ressources de leur parti dans les caisses de l’Etat, ont habitué les Gabonais à croire que c’est le parti et ses leaders qui nourrissent les militants, et non le contraire.

Cette tendance à attendre un changement tombé du ciel dans lequel il n’aura rien à sacrifier, rien à donner, rien à risquer, rien à impliquer, est l’un des maux que le peuple gabonais doit apprendre à soigner. Sans cela, force sera de reconnaître que le peuple n’aura toujours alors que les leaders qu’il mérite, et par conséquent, les Bongo qu’il mérite. Aucun leader, aussi motivé, sincère et déterminé soit-il, ne peut voir ses enfants mourir de faim et continuer le combat sans faiblir et sans faillir. C’est une réalité qu’explique amplement la situation financière des leaders politiques gabonais qui se réclament de l’opposition aujourd’hui. Ils ne peuvent en même temps porter sur les épaules de leurs maigres ressources hors politique la survie financière de leurs familles et financer, à eux tous seuls, la libération du Gabon.

Dans un pays où l’on sait qu’un leader véritablement dangereux pour le régime des Bongo ne trouvera jamais du travail ni dans l’administration publique ni dans le privé, il faudrait littéralement à ce leader, pour survivre au Gabon, soit être un milliardaire dont la fortune s’est construite hors du régime, c’est-à-dire à l’étranger, soit dépendre entièrement de l’extérieur (soutien financier des Américains, des Français, des Chinois ou des Martiens), soit abandonner tout simplement la lutte et se vendre aux Bongo. Le fait que les leaders de l’opposition actuelle, notamment celle faite des transfuges du PDG, soient, soit-disant « riches » comme Myboto, Mba Obame ou Jean Ping, ne doit pas cacher le simple fait qu’ils ne sont « riches » que parce que, quelque part, ils ont dû, comme les Bongo, construire leurs milliards sur le dos des Gabonais, se faisant ainsi complices de la meurtrissure nationale. Leur « richesse » peut, certes, leur permettre des choses, mais elle demeure encore trop imbriquée à celle du système des Bongo, donc trop dépendante du système, pour leur permettre une réelle indépendance politique. Et des activistes qui, comme Daniel Mengara, ont pu se construire une vie professionnelle indépendante hors du pays, ne sont pas suffisamment riches pour pouvoir financer, à leurs frais, le changement au Gabon. Ils ne puisent pas leurs ressources dans les caisses de l’Etat comme les Bongo et acolytes. Dans ce cas, donc, la conviction et l’incorruptibilité ne suffisent pas, encore faut-il avoir les moyens de l’ambition des Gabonais.

Pourquoi alors s’étonner, par la suite, que les leaders qui s’activent sur le terrain au Gabon soient incapables d’aller au bout de la logique d’opposition quand leurs fortunes dépendent tellement des Bongo et des investissements communs qu’ils ont eu à faire ensemble durant des décennies, étant entendu, par ailleurs, que dans ce cas, faire une insurrection contre les Bongo deviendrait presque, en fait, l’équivalent de faire une insurrection contre leur propre fortune ? Il faut donc y penser car dans cette équation, les leaders et le peuple ont une responsabilité égale. C’est donc aux militants, aussi, de développer le type d’esprit de sacrifice financier qui leur permettra, demain, de s’organiser pour mettre leurs leaders à l’abri du besoin primaire comme cela se fait chez les occidentaux et, ainsi, leur fournir la fortitude politique qui leur permettra d’aller au bout de la logique du combat d’opposition que les militants souhaitent les voir mener jusqu’au bout.

L’activiste politique qu’a toujours été Daniel Mengara, par exemple, ne se permet de faire la « bouche » aux Bongo aujourd’hui que parce qu’il se sait professionnellement indépendant du régime, ayant fait toute sa carrière professionnelle à l’étranger en tant que professeur d’université. Mais, autant ses petits moyens de professeur d’université lui permettent de subvenir aux besoins primaires de sa famille tout en résistant confortablement aux appels du pied du régime (ce qu’il a fait pendant près de 20 ans), autant il ne peut se prétendre riche au point de porter financièrement l’insurrection et la libération du peuple gabonais sur ses petites épaules. Les Gabonais doivent donc comprendre que c’est dans le sacrifice de chacun que se trouve la libération du Gabon. Attendre des leaders de l’opposition qu’ils soient à la fois des surhommes politiques incapables de fléchir devant les réalités bêtes de la vie et de riches financiers dont la fortune personnelle doit être égale à celle des Bongo, est un exercice en futilité et en naïveté qu’il faut changer dès maintenant si nous devons réussir ce combat dans cinq ans au plus tard. Les Gabonais ne doivent rien attendre du miracle. Ils ont aussi des sacrifices à faire.

Pour que le Gabon puisse se défaire des Bongo à l’orée 2023, c’est maintenant que cela se prépare, par le sacrifice militant et financier des uns et des autres, un dollar à la fois, 500 francs par 500 francs. C’est donc aussi pour engager le peuple gabonais dans la lutte pour sa propre libération que le BDP-Modwoam a été créé, pour qu’ensemble, nous fassions les sacrifices qui s’imposent, chacun selon ses capacités, mais chacun contribuant quand-même ; ceci essentiel si nous voulons, ensemble, écourter le mandat d’Ali Bongo ou, au pire, si Ali Bongo survit au pouvoir jusqu’en 2023, tout faire pour que l’année 2023 devienne l’année où les Gabonais feront du mandat d’Ali Bongo son dernier, et partant, le dernier d’un Bongo Ondimba au Gabon.


Faux débat No. 3 : « Les Bongo ne sont pas le problème. A la limite, les Bongo ne sont pas responsables. Le vrai problème du Gabon, c’est la France qui soutient et impose les Bongo aux Gabonais »


Ce raisonnement est, en fait, le plus dangereux qu’un Gabonais puisse tenir quand il s’agit d’organiser le changement immédiat au Gabon. C’est un raisonnement excessivement dangereux parce que:

1) d’une part, il dédouane les Bongo en rendant les Français responsables de toutes leurs animalités et de toutes leurs incompétences et, dans ce cas, on s’attaque aux Français comme si c’étaient les Français qui disaient aux Bongo d’aller gaspiller des milliards de l’argent du Gabon à s’acheter des villas inutiles à Paris ou à Washington! Et quand, 51 ans plus tard, malgré les immenses richesses du Gabon, il n’y a toujours aucune route viable, aucun hôpital suffisamment viable pour soigner les Bongo eux-mêmes et aucune réelle cohérence dans la politique d’éducation publique des enfants gabonais, on veut aussi que ce soit la faute des Français! Dans cette équation, les Bongo ne deviennent que de gros bébés sans aucune volonté personnelle dans la gestion qu’ils font du Gabon depuis 44 ans! Les Bongo volent, oh c’est-à cause des Français. Les Bongo tuent, oh ce sont les Français. Les Bongo violent, oh c’est la faute des Français. M’enfin! Nous voulons bien que les Français aient une responsabilité historique dans la débâcle gabonaise, mais à ce point, ce n’est plus cohérent, c’est carrément de la maladie mentale que de tout mettre sur le dos des Français, au point de carrément dédouaner les Bongo de tout crime et de toute malversation.

2) et, d’autre part, on est, en réalité, par cette formule, en train de dire aux Gabonais de laisser les Bongo tranquilles car tant que les Français les soutiendront, il n’y a rien à faire, il faut simplement abandonner le combat et attendre les bras croisés que les Français veuillent bien un jour, et selon leur bon vouloir, décider soit de partir du Gabon, soit de chasser les Bongo du pouvoir. Ceci est un argument tellement circulaire qu’il nous condamne par ailleurs à attendre, peut-être, 500 ans, jusqu’au jour où le Gabon sera en mesure de développer une capacité militaire suffisante  pour chasser militairement les Français du Gabon. Autant donc dire: jamais. Le pire c’est qu’on retrouve ce raisonnement même chez des leaders politiques gabonais d’un certain poids, au point qu’on a envie de leur demander ce qu’ils font alors à faire encore de l’opposition contre les Bongo puisque c’est futile tant que les Français soutiendront les Bongo?

Ce raisonnement, il faut donc le dire, a la très néfaste tendance de réduire les Gabonais à l’état mental de bébés qui, pour changer leur pays, doivent aller pleurnicher aux pieds des Français pour leur demander de venir au Gabon chasser les Bongo à leur place, et ceci alors même que nous accusons ces mêmes Français de soutenir les Bongo. La question devient alors : si ce sont les Français qui soutiennent les Bongo parce que les Bongo servent bien leurs intérêts au Gabon, quel intérêt auraient les Français à se défaire des Bongo juste parce que les Gabonais le leur auraient demandé en pleurnichant comme de gros gamins ?

C’est ce que nous appelons « arguments circulaires » au BDP-Modwoam car se contenter de dire que le Gabon ne peut être libéré que si les Français partent, sans pour autant dire comment nos geignards professionnels au Gabon comme dans la Diaspora comptent s’organiser pour obtenir ce départ des Français, est un exercice et un argument en futilité totale.

Pourtant, comme il se doit de faire devant tout défi lui opposé, l’humain qui utilise toute la puissance de ses facultés mentales, se doit toujours, pour être capable de résoudre les problèmes les plus complexes, de les réduire en équations mathématiques directement compréhensibles et assimilables par le commun des mortels. Dans le cas de la problématique de la présence française au Gabon, des questions simples sont donc à poser, qui montrent ce qui est pragmatiquement faisable et ce qui n’est pas pragmatiquement faisable dans le contexte de la présence française au Gabon. La principale question de taille à se poser est, sur ce point, la suivante : Les Français partiront-ils du Gabon simplement parce que, du Gabon ou de Paris, des Gabonais organisés en lobbies ou autres, auront écrit, marché ou protesté devant des ambassades pour réclamer leur départ du Gabon ? Oui, possible, si telle est la tâche sur laquelle les Gabonais veulent se concentrer sur les 100 ans qui viennent. Mais cela supposera automatiquement que les Gabonais doivent abandonner toute lutte politique contre les Bongo puisque, selon l’argument anti-français en vogue, les Bongo ne sont pas responsables, ce sont les Français qui sont responsables. Et cela voudrait dire concentrer tous les efforts des Gabonais sur les Français et sur les Français uniquement.

Mais quelle est, en termes réellement pragmatiques, la viabilité de cette option anti-française ? Il nous semblerait, déjà, que cela fera bientôt près de 100 ans que les Africains, depuis le lancement des activités protestataires par des intellectuels africains, antillais et Noirs américains à Paris dans les années 1920, demandent à la France de les laisser tranquille: sans succès. Tout ce qu’ils obtinrent, ce sont des indépendances tronquées et franco-filoutées. On peut aussi remonter jusqu’aux années 1960 pour constater que, justement parce que les Français ont des intérêts en Afrique, ils ont tout fait pour les préserver, d’abord en octroyant de fausses indépendances aux Africains relevant de leur sphère coloniale, ensuite en installant au pouvoir les pires malfrats dont l’Afrique a pu receler, malfrats depuis lors chargés de la basse besogne de maintenir intacts les intérêts français en Afrique et recevant, en échange, la capacité de faire de leurs pays ce qu’il veulent dans un contexte d’impunité la plus totale.  C’est ce que François-Xavier Verschave a appelé la « Françafrique ».

Mais il ne suffit pas simplement de faire ces constats, encore fait-il dire aux Gabonais et autres Africains la solution miracle qui leur permettrait de se défaire des Français maintenant, pas dans 100 ans. Il se trouve malheureusement que les plus gros promoteurs de l’idéologie anti-francaise se répandent souvent en platitudes circulaires quand on leur pose la question: tout simplement parce que, habitués à geindre et à se plaindre, ils n’ont jamais pu dépasser l’étape des gémissements pour proposer des pistes concrètes de changement, en dehors, encore une fois, de tourner en rond en disant qu’il faut demander aux Français de partir. C’est malheureusement ces geignards qui font perdre du temps aux Africains en leur faisant rêver de combats irréalistes qui n’ont, véritablement, aucun réel sens ni aucune réelle cohérence. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’on demandera gentiment, échine courbée et queue entre les pattes, aux Français de partir qu’ils partiront. Cela fait plus de 200 ans que les Africains s’y essaient, sans succès. Et plus on avance, plus la Françafrique s’adapte, se transforme et se renforce.

Il faut donc un véritable changement de paradigme, loin des dogmes et des idéologies circulaires qui ne changent rien à l’équation française et ne font qu’aimanter les complaintes ad vitam aeternam. Et il faut proposer aux Gabonais des choses qu’ils sont capables d’accomplir de leur vivant pour accéder à la dignité nationale. Les réponses à leur désir de changement au Gabon doivent donc être simples, mais aussi concrètes et réalistes.

Que dire donc, sur cette équation française, au-delà des illusions?

La réponse à l’équation française consiste à reconnaître, de prime abord, la sombre réalité selon laquelle, si la France n’a pu se détacher de l’Afrique depuis que les Nègres d’Afrique noire que nous sommes le lui demandons depuis, au moins, les années 1920, c’est que la France ne partira pas d’Afrique de si tôt, et encore moins du Gabon, sans y être forcée, du moins militairement, comme ce fut le cas en Algérie ou en Indochine. Ce constat, amène donc, automatiquement, à la seconde question, qui est la suivante : Si la France ne peut partir du Gabon que forcée, et ceci militairement, quel est le moyen militaire le plus efficace, le plus sûr ou, du moins, le plus probable dont les Africains nègres en général et les Gabonais en particulier disposent aujourd’hui pour forcer ce départ des Français dans un avenir pas trop lointain ? Comme réponses à cette question, on obtient, d’emblée, deux pistes :

– La piste militaire : Une piste qui consisterait en effet pour les Gabonais à livrer immédiatement une guerre de libération nationale qui soit militaire contre la France ; nous pensons que la plupart des Gabonais trouveraient cette idée non seulement saugrenue, mais irréaliste, sauf si on demande aux Gabonais d’attendre 500 ans pour développer le type de capacité militaire qui leur permettrait de pouvoir vaincre militairement la France, et encore ! Sauf si, évidemment, les Gabonais, comme les Arabes, voulaient se reconvertir dans le terrorisme et se faire exploser auprès des intérêts français au Gabon. Mais comme les Gabonais ne savent même pas comment fabriquer une simple allumette, encore moins un « douk-douk », on a du mal à les imaginer développant une expertise soudaine en fabrication de bombes et une volonté d’immolation par le pneu ou le suicide par la bombe ; il n’y a pas malheureusement pas de vierges au Paradis pour les Gabonais. Et quand on y ajoute notre couardise gabonaise bien reconnue, qui nous fait souvent dire de loin à ceux qui se battent : « nous vous soutenons », tout en se gardant bien de s’approcher ou de se joindre ouvertement au combat, on est vraiment loin, très loin du compte. Or, pour fabriquer des  bombes, il faut non seulement de l’expertise, mais aussi l’argent pour acheter ce matériel. Alors que le Gabonais est incapable de sacrifier déjà sa bière de 500 francs pour soutenir le combat beaucoup plus simple de ses leaders, on a du mal à le voir sacrifiant sa bière pour financer le terrorisme chez lui! Et comme d’habitude, il dira à ses leaders d’aller chercher le financement des bombes et des armes chez les Américains ou même… les Français! Autant dire tout de suite que nos anti-Français au Gabon  comme en Afrique ne savent pas du tout de quoi ils parlent.!

Et quand on ajoute à cette équation certains de nos « paradoxés » de l’opposition, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui disent vouloir le changement radical mais s’opposeront paradoxalement aux bombes et leurs conséquences, il faut tout de suite se rendre à la seule évidence mathématique qui en vaille la peine : ce n’est pas de si tôt que les Gabonais auront les couilles d’une guerre contre les Français, encore moins la capacité militaire ou terroriste de se défaire de la France. Ne pas se mettre à cette évidence relèverait, hélas, du pur dérangement mental, dérangement probablement causé par les aigreurs traumatisantes qui ressortent de nos impuissances, mais impuissances que nous nous évertuons à ne pas regarder en face, préférant alors vivre dans les fantasmes qui nous font fuir la brutale réalité qui est celle, surtout, des Africains francisés que nous sommes, dont la plupart ne se sont jamais battus militairement pour leurs indépendances. Pour eux, la libération n’a de sens que quand ils exhortent les autres à la mener, alors que eux-mêmes ne sont jamais prêts à montrer l’exemple.

Si, donc, comme nous venons de le démontrer, la piste militaire contre les Français est improbable parce que totalement irréaliste au vu des capacités militaires ou mentales actuelles des Gabonais, pourquoi perdre sa salive et son temps à y exhorter les Gabonais alors même que l’on sait qu’on perd son temps et le temps des autres, surtout au vu de la manière presque puérile dont le problème français a tendance à être posé?

Les hommes et les femmes réalistes ne perdent pas leurs temps à la masturbation intellectuelle futile qui ne mènent nulle part. Ils se concentrent sur les données pragmatiques, c’est-à-dire celles sur lesquelles ils ont un minimum de contrôle et/ou de pouvoir.

– La piste des Bongo : Si donc, la guerre militaire ou terroriste frontale contre la France est non envisageable parce que utopique et relevant du pur fantasme de ceux qui veulent perdre leur temps à ressasser ces sempiternelles et impuissantes récriminations qui ne mènent qu’à des culs-de-sac mentaux et idéologiques, que reste-t-il aux Gabonais comme outils de combat en vue de la conquête de leur dignité ? Il reste simplement la piste des Bongo car, ici, au moins, l’équation un simple : si on part du point de vue que c’est par l’entremise des Bongo que la France maintient son hégémonie sur le Gabon, il faut donc logiquement passer par les Bongo pour mettre fin à cette hégémonie, c’est-à-dire, tout simplement, rendre les Bongo et tous ceux que la France pourrait mettre au pouvoir à leur place sans l’accord, donc sans le vote libre des Gabonais, incapables de gouverner le Gabon. Il me semble plus cohérent que le Gabonais, plutôt que de sauter par-dessus les Bongo pour aller s’attaquer à une cible plus coriace (la France), soit déjà, au moins, capable de mettre à mal la cible plus prenable et plus facile que représentent les Bongo ! Autrement dit, ce n’est pas en France qu’il faut aller quémander l’indépendance pour le Gabon, mais bel et bien au Gabon même où les Gabonais doivent s’organiser pour rendre les Bongo incapables de servir les Français. La théorie de l’ingouvernabilité est, à ce titre, la meilleure alliée, la meilleure option de lutte, des Gabonais. En rendant le Gabon ingouvernable par les Bongo sans s’en prendre directement aux intérêts français, les Citoyens Gabonais Libres et leurs leaders, par cette ingouvernabilité, s’imposeront forcément comme les seuls interlocuteurs des Français, permettant ainsi des poursuites politiques souveraines qui soient conformes aux idéaux de démocratie et de progrès du peuple gabonais.

Le problème de la France tel qu’il a souvent été posé au Gabon jusqu’à présent est, finalement, un faux débat. C’est, en réalité, un vrai problème qui a été transmuté en faux débat principalement à cause de la manière dont ce débat a été posé jusqu’à présent, une manière qui a fait tourner en rond les Gabonais, et favorisé des arguments tellement irréalistes qu’il est maintenant urgent pour les Gabonais de rapidement se ressaisir s’ils veulent, dès cette année, commencer à préparer le processus de changement radical au Gabon. Il est inutile de s’enfermer dans un cul-de-sac en disant que le Gabon ne peut pas changer tant que les Français soutiendront les Bongo et de perdre ensuite son temps à quand-même combattre futilement les Bongo alors qu’on s’est convaincu que ce n’est pas la peine. C’est soit on pense que la France soutient les Bongo et, donc, on abandonne le Gabon à son sort et aux Bongo, soit on se dit qu’il est possible de se défaire des Bongo malgré le soutien leur apporté par la France, et alors on se met à organiser le combat de l’ingouvernabilité au Gabon. Il n’y a qu’une seule manière réaliste de mener ce combat.

La première chose que les Gabonais doivent se dire est que ni les Français ni les Martiens ne pourront empêcher le changement au Gabon si les Gabonais le veulent vraiment. Ce n’est pas parce que la France soutient les Bongo aujourd’hui qu’ils ne pourront pas, demain, changer d’allégeance s’ils y sont forcés par la réalité sur le terrain au Gabon. Et l’histoire du Gabon nous en fait déjà preuve puisque les Français avaient déjà presque « lâché » les Bongo lors des événements insurrectionnels de 1990. Les Français avaient même commencé, en signe habituel de « lâchage », à évacuer leurs ressortissants du pays, et ne durent les faire revenir qu’après qu’Omar Bongo, reconnaissant le code du lâchage, avait menacé de donner son pétrole aux Chinois ou aux Russes si les Français ne revenaient pas immédiatement continuer leurs activités au Gabon. Malheureusement, parce que l’opposition fut incapable de s’organiser pour forcer les Bongo à partir, les Français durent intervenir militairement.

A ce propos, il est important de signaler que, contrairement à ce que les Gabonais pensent souvent, l’intervention française au Gabon en 1990 ne consista pas à simplement remettre au pouvoir Omar Bongo. Elle visait plutôt à protéger, en priorité, les intérêts et ressortissants français auxquels les foules gabonaises n’auraient pas manqué de s’attaquer si l’insurrection n’était pas maîtrisée. Ce que les Français voulurent surtout éviter au Gabon, c’était, en fait, une ingouvernabilité non contrôlée qui serait devenue, dans ce cas, synonyme de simple chaos et de vide politique, c’est-à-dire des mouvements de foules incontrôlées évoluant sans mots d’ordre précis de qui que ce soit et, donc, livrées à elles-mêmes et susceptibles, dans ce cas, de mettre en péril les intérêts et ressortissants français au Gabon en l’absence de tout contrôle, soit par l’armée gabonaise, soit par l’opposition gabonaise. Il aurait suffi, dans ce contexte, que l’opposition gabonaise se fût saisie de la direction de l’insurrection en vue de forcer dehors les Bongo pour que les Français, rendus à l’évidence de cette réalité dans un contexte garantissant la sécurité à leurs ressortissants, s’accommodassent de voir les Bongo quitter le pouvoir. Malheureusement, comme à son habitude, l’opposition gabonaise manqua là son premier rendez-vous avec l’histoire. Il n’y avait tout simplement pas preneur et la France s’est rendue à l’évidence de devoir continuer à soutenir les Bongo, puisqu’il n’y avait rien en face. Pour arracher le pourvoir des mains des Bongo et causer le changement d’allégeance des Français, il faut le mériter! Le pouvoir ne s’offrira pas aux opposants sur un plateau d’argent simplement parce qu’on aura été pleurnicher à Paris comme un bébé. C’est au Gabon que cela se passe er au Gabon seul.

C’est dire que si les « petits » événements de 1990 avaient suffi pour ébranler le système Bongo et pousser les Français à presque « lâcher » leur valet, imaginons ce qu’une insurrection volontairement, rigoureusement et vigoureusement déclenchée, mais bien maîtrisée jusqu’à la fin par des mots d’ordre de l’opposition, pourrait causer comme réaction française chez nous. Nous ne croyons pas, pour notre part, que la France continuera à soutenir aveuglement les Bongo si le rapport de force sur le terrain change. Et nous ne croyons pas qu’il faille, au préalable, aller mendier le droit de se débarrasser des Bongo auprès des Français. Pour le moment, la France n’a tout simplement aucun interlocuteur digne de ce nom au sein de l’opposition qui soit capable non seulement de faire la part des choses entre les intérêts du Gabon et les intérêts de la France, mais aussi de s’imposer comme interlocuteur incontournable des Français dans l’équation du changement politique immédiat au Gabon.

Du coup, pour être crédibles et réussir leur combat contre les Bongo et, donc, contre la France, les Gabonais doivent aller au-delà d’une attitude anti-française ou anti-occidentale gratuite ou simpliste qui supposerait une incompatibilité automatique, aveugle et obligatoire entre nos intérêts et ceux des Français. Il nous faut, pour bien comprendre qu’il n’y a pas forcément incompatibilité d’intérêts entre le Gabon et la France, arriver à reformuler la nature des relations entre le Gabon et la France de la manière suivante :

– Le Gabon n’est pas le seul pays au monde qui soit dominé par un autre. Au Gabon, nous faisons tellement de la domination française un fait tellement primordial qu’il en devient immobilisant, voire tétanisant. L’histoire des sociétés humaines est pourtant faite de millénaires d’interactions par lesquelles les nations les plus fortes ont toujours dominé les nations les plus faibles. Le monde n’a jamais été, comme nous semblons le croire au Gabon, un monde d’égalités absolues ou d’altruistes moraux béats. Ce sont, au contraire, les intérêts qui ont toujours guidé la configuration des relations humaines, que ces humains aient vécu il y a 5000 ans, il y a 100 ans ou maintenant. Même en Afrique avant l’arrivée des Blancs arabes et européens, certains groupes nègres en ont dominé d’autres. La domination du Blanc sur le Noir n’est donc pas plus choquante que la domination du Noir sur le Noir, même s’il est vrai que les Blancs accomplirent sur les Nègres des inhumanités tellement cruelles (esclavage, colonialisme) que nous nous en retrouvons, en effet, toujours choqués rien qu’à y penser. Le traumatisme de l’esclavage et du colonialisme en Afrique est réel et personne ne peut détourner l’Africain de son devoir de mémoire sur ces sujets. Mais l’Africain ne peut pas non plus s’immobiliser sur ces traumatismes, de peur de rater le coche de l’histoire. Si ce souvenir doit servir à quelque chose, ce quelque chose doit être l’inspiration chez l’Africain d’une attitude pragmatique qui lui ferait rechercher le respect des autres races sur la base d’accomplissements réellement affirmatifs de la personnalité africaine dans le concert des nations.

Mais pour y arriver, il faut, justement, rester pragmatique. Comment? Là est la vraie question.

Mais soyons d’abord clairs: personne ne dispute ici le fait qu’il soit essentiel que, en tant que nation, nous continuions au Gabon à questionner les Français sur leurs inhumanités passées et actuelles au Gabon et en Afrique. Ce questionnement est important car il participe du devoir de mémoire obligatoire qui doit être celui de tout Africain. C’est dans le souvenir du traumatisme que se trouveront, parfois, les solutions au « plus jamais ça » que les Africains devront entonner dès maintenant. C’est parce que les Juifs sont révoltés par leurs traumatismes historiques que, même sans terre, ils ont dominé le monde intellectuellement, culturellement, scientifiquement et financièrement. Et c’est tout à leur honneur car remarquable pour un peuple historiquement opprimé. Là se trouve la vraie leçon pour les Africains. Du coup, justement, notre désir d’essentialiser le combat du Noir ne doit jamais nous faire oublier que le Blanc commit contre le Blanc en Europe et en Orient des inhumanités tout aussi cruelles : les conquêtes romaines qui donnèrent à l’Europe une identité continentale, les croisades, l’état de guerre perpétuel en Europe, et j’en passe. L’Europe est elle-même un gros cimetière résultant de guerres fratricides tellement meurtrières et génocidaires que, à la fin, il faut se résoudre à la simple idée plautienne selon laquelle l’homme n’est, finalement, rien d’autre qu’un loup pour l’homme. Il importe finalement très peu que l’on soit noir ou blanc, quand les intérêts opposent les hommes ou les peuples, ils finissent par se manger crûs.  Il suffit pour cela de voir ce que les Blancs allemands, pour les intérêts nationalistes des Allemands, firent aux Blancs juifs et Européens en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale.

L’homme, en réalité, donc, surtout lorsqu’organisé en nation fière de son identité et consciente de ses intérêts, écrasera les autres hommes pour assurer sa survie et son rayonnement. C’est dur à comprendre pour nous Africains ayant développé des cultures tellement humanistes que nous n’arrivons pas encore à comprendre les réalités du matérialisme. Et ceci est surprenant pour des peuples aillant connu le double traumatisme de l’esclavage et du colonialisme. C’est pourtant là une loi inviolable et une réalité de la nature humaine que nous Africains en général, et Gabonais en particulier, devons apprendre à comprendre, puis à apprivoiser, pour enfin l’intégrer à notre manière de concevoir le combat que nous devons mener contre toutes les formes de domination externes, domination française, comprise, qui s’abattent ou s’abattront demain sur notre pays. Prétendre le contraire ou continuer à supposer la possibilité d’une égalité morale absolue entre les nations du monde est une attitude naïve et dangereuse qui fait plus de mal aux Africains que de bien. Plus vite nous réaliseront ces vérités au Gabon et en Afrique en abandonnant les combats utopiques, plus vite on comprendra que le combat à mener, pour les Gabonais et les Africains, n’est plus le vieux combat dépassé des indépendances façon années soixante, mais plutôt le combat de l’interdépendance, le seul que permet aujourd’hui la mondialisation et le seul qui soit réellement gagnable ;

– Autrement dit, il nous faut également comprendre au Gabon que les Français ne sont pas chez nous parce qu’ils nous aiment ou pour jouer à nos papas et nous aux enfants gâtés qui attendent tout de leur père, y compris leur propre libération. Les Français, il est temps de le réaliser, sont chez nous pour leurs intérêts et ils défendront ces intérêts un peu comme nous devrions défendre ou aurions dû défendre les nôtres si nous avions été dignes. Si les Bongo ont jugé utile de se vendre aux Français et, partant, de leur vendre la souveraineté nationale du Gabon en échange du pouvoir et de l’impunité, ce n’est pas la faute des Français mais la faute des Bongo. C’est de bonne guerre que les Français veillent à leurs intérêts ; il appartient aux Gabonais et aux Gabonais seuls de veiller aux leurs. De la même manière, les Gabonais n’acceptent pas les Français chez eux parce qu’ils aiment les Français. Notre relation d’avec la France n’est pas une relation d’amour mais une relation d’intérêts, eux avec les leurs, dominants, et nous avec les nôtres, dominés, pour le moment. Si nous avions un jour eu l’opportunité ou les moyens de dominer la France, nous ne nous en serions probablement pas privés non plus. C’est donc de bonne guerre, également, que chacun puisse veiller à ses intérêts, ai lieu de passer son temps à pleurnicher sur le fait que les autres, eux, aient conscience de leurs intérêts et les défendent en vue de la survie de leur peuple, de leur nation, de leur continent et/ou de leur race.

Mais pour que le processus de libération nationale au Gabon réussisse, les Gabonais se doivent de clairement identifier ces choses qui représentent les intérêts de la France au Gabon et ces autres choses qui, elles, représentent les intérêts du Gabon. C’est sur l’identification claire et froide des véritables enjeux de cette équation Gabon/France que devra se construire toute action gabonaise visant à de meilleures coopérations avec la France une fois les Bongo partis.

– Autrement dit, de la même manière que la France domine le Gabon et d’autres pays faibles d’Afrique, d’autres pays plus forts comme les Etats-Unis, la Chine ou l’Allemagne dominent la France et le reste du monde. Demain, si, comme certains le souhaiteraient, nous arrivions vraiment à miraculeusement « chasser les Français du Gabon », cela ne voudrait pas dire, pour autant, « indépendance pour le Gabon »! Loin de là puisque, à la domination française se sera tout simplement substituée celle des Chinois, des Américains, des Brésiliens, des Sud-Africains ou des Nigérians. Chasser la France du Gabon sera juste échanger un maître contre un autre, surtout pour un pays sans industries comme le nôtre qui, de surcroît, est déjà incapable de se fabriquer une simple allumette, ne parlons même pas de sa capacité à rechercher, forer et exploiter son propre pétrole. C’est donc, à la fin, une manière de tourner en rond que de supposer que le simple fait de mettre les Français dehors fera, comme par miracle, du Gabon un pays « indépendant » alors même que ce pays manque de tout ce qui, sur le plan de la souveraineté des peuples, affirme cette « indépendance » sur le plan économique, donc politique. Si nous confondons, par exemple, l’indépendance politique avec la souveraineté politique, il est alors urgent de redescendre sur terre car il n’y a pour un pays ni indépendance politique ni souveraineté politique quand ce pays n’a aucune indépendance économique. Notre économie étant entièrement aux mains des Français, c’est véritablement par les couilles et les oreilles que les Français nous tiennent. Rien d’autre.

Il faut donc aux Gabonais s’accommoder, plutôt, pour résoudre l’équation française, d’une idée toute autre, toute nouvelle et toute novatrice, qui découle de la question suivante : les intérêts de la France, des Etats-Unis ou des occidentaux dans leur ensemble sont-ils nécessairement et automatiquement incompatibles avec les nôtres et doivent-ils toujours être abordés du point de vue de cet antinomisme supposé ? Au lieu de se battre uniquement sur les points de divergence, ne serait-il pas plus intelligent, à un moment, de commencer à identifier les points de convergences qui pourraient peut-être offrir des fronts plus bénéfiques à notre combat pour la souveraineté et, à partir de là, créer des interdépendances capables non pas de mener le Gabon ou l’Afrique à une utopique « indépendance », mais plutôt à une situation d’interdépendance plus propice à une affirmation minimaliste, mais plus effective et réaliste, des intérêts gabonais ou africains ?

– Autrement dit, les Gabonais, et partant, les Africains, pour se donner une meilleure chance d’accéder à plus de souveraineté, doivent arrêter de mener des luttes utopiques perdues d’avance parce que totalement irréalistes et irréalisables. La France est au Gabon pour ses intérêts. Elle continuera à s’y maintenir tant que ses intérêts s’y trouveront. Le monde est ainsi fait. Le combat des faibles n’est donc pas de rêver d’une indépendance ou d’une égalité illusoire (qui d’ailleurs n’existe nulle part et n’a jamais existé nulle part), mais de faire, comme l’ont fait les pays d’Asie, preuve de la sorte d’intelligence qui réduira les marges de domination et de dépendance aux fins d’obtenir, non pas l’égalité absolue (chose qui n’existe nulle part en dehors des fantasmes africains), mais plutôt l’affirmation de formes novatrices d’interdépendances qui feront du plus faible le partenaire incontournable du plus fort, et ce dans un contexte de mondialisation où la chute du plus faible mènerait inéluctablement à la chute du plus fort, et vice-versa. Cela s’appelle tout simplement, le RESPECT. Les Etats-Unis se savent probablement capables d’annihiler militairement la France; pourtant, parce qu’il y a interdépendance d’intérêts économiques et géostratégiques entre les deux, ils se comportent plus en « alliés » qu’en ennemis jurés, chacun comprenant, à la fin, qu’il a autant besoin de l’autre que l’autre a besoin de lui. Aujourd’hui, une crise économique au Japon ou un Tsunami en Indonésie se ressent avec acuité aux Etats-Unis parce que les économies des deux pays sont tellement devenues interdépendantes que pour se sauver, les Etats-Unis doivent en même temps sauver le Japon. Le Japon, ce pays jadis tellement anti-occidental qui, une fois battu militairement à la Seconde Guerre mondiale, abandonna les combats idéologiques pour se concentrer sur le combat économique. Ce qu’il ne put accomplir militairement, c’est dans le domaine de l’économie que le Japon l’accomplit. C’est ce pari de la mondialisation et des interdépendances économiques que sont en train de gagner les Asiatiques qui se sont allié le phénomène de la mondialisation en rendant les plus forts dépendants des plus faibles qu’ils étaient, et ce au moment même où nous, Africains, étions restés enfermés ou bloqués dans les fausses idéologies et propagandes indépendantistes des années 1960. Cinquante ans plus tard, les Asiatiques ont progressé, l’Afrique a reculé.

Pour le Gabon, donc, la question française, il faut le dire, ne se résoudra pas par un anti-francisme aveugle par lequel on dira : « Français, dehors ». Non. La question française se résoudra par une approche intelligente qui dit simplement aux Français que le problème du Gabon, pour le moment, ce sont les Bongo. Ce sont eux qui détournent l’argent du Gabon, c’est-à-dire les petits 25% que les Français nous laissent après avoir pris « leurs » 75%. Nous dirons aux Français que tout ce qui nous intéresse, pour le moment, ce sont ces 25% qui font encore du Gabon, malgré la ponction française, l’un des pays les plus riches d’Afrique. Ce sont ces 25% qui auraient pu construire nos hôpitaux, nos routes et nos écoles si les Bongo n’en avaient pas fait, depuis 51 ans, leur trousse personnelle. Le combat primaire et prioritaire des Gabonais se situe donc d’abord autour de la maîtrise et de la gestion intelligente de leurs 25%, aux fins de multiplier ces 25% par quatre sur cinq ou dix ans hors pétrole. Mais comme on le sait désormais de toutes façons, ces 25% étaient un mensonge. Les Bongo prenaient en fait 18% de la manne pétrolière gabonaise au titre d’une entente secrète avec Elf. Ceci veut donc dire que Elf donnait au Gabon 43% des recettes pétrolières et non 25% comme les Bongo ont souvent fait croire, la France ne gardant, au final, que 57%.

Mais comme nous savons que les Bongo servent la France et que ce service à la France tue le Gabon, nous rendrons demain le Gabon ingouvernable, que les Français le veuillent ou non, pour le seul but d’en chasser les Bongo, et non les Français. Au contraire, nous appellerons les Français et tous ceux qui voudront s’investir dans le Gabon nouveau que nous ferons sans les Bongo à venir s’investir un peu plus qu’avant, pour que, grâce au génie gabonais que nous  déploieront, tout le monde, y compris les Gabonais, se fasse dix fois plus d’argent dans un Gabon sans les Bongo que dans un Gabon avec les Bongo. Tout simplement parce que, maîtrisant un peu mieux les mécanismes de l’économie mondiale que les Bongo, et poursuivant des buts plus réalistes et plus pragmatiques, nous mettrons en place les bases d’un partenariat gagnant-gagnant qui non seulement apportera la dignité aux Gabonais, mais fera de notre pays, en 5 ans, l’un des pôles de stabilité démocratique, d’Etat de droit et d’investissement les plus attractifs d’Afrique, donc un pays dans lequel, par exemple, le Gabonais désormais monétarisé sera capable d’acheter 20.000 voitures là où, sous les Bongo, il n’en achetait que 5000 par an, un pays où le Gabonais jadis paupérisé pourra désormais se construire une économie moderne qui génèrera 10 fois plus de richesses hors pétrole qu’avec le pétrole, rendant ainsi cette matière première totalement insignifiante pour l’économie gabonaise, en contexte de présence française ou non.

Autrement dit, demain nous parlerons aux Français le langage de la mondialisation et de l’économie et les appellerons à s’investir plus, et plus proprement, au Gabon, dans un contexte où nous préparerons le terrain économique du Gabon, non plus aux sempiternels pleurnichements immobilisants qui tétanisent aujourd’hui l’Afrique dans des invectives circulaires par lesquelles on demande à genoux au maître français de partir sans pour autant dire comment on va arriver à le faire partir, mais plutôt à la nouvelle ère des interdépendances et des pragmatismes porteurs qui, de notre avis, sont aujourd’hui le seul vrai chemin de la « libération » du Gabon, et partant, de l’Afrique. Nous dirons aux Français que, comprenant les mécanismes de l’économie moderne, nous acceptons volontiers le principe selon lequel quand c’est la France qui investit dans la recherche du pétrole au Gabon, finance tous les investissements, absorbe tous les coûts de forage et de commercialisation, il est de bonne guerre que la France prenne 75% et nous 25%. Même le villageois du Gabon est assez intelligent pour comprendre que si, avec un partenaire, ils projettent de cultiver un champ de bananiers, et que, au moment de travailler, l’un effectue 75% du travail et l’autre seulement 25%, il serait incohérent que la personne n’ayant travaillé que 25% du temps exige de se tailler, au moment de la récolte, la part du lion sur un champ qu’il a quasiment abandonné à son partenaire. Cependant, parce que nous comprenons, justement bien ce principe de l’économie, demain, les Gabonais, avec leurs propres ingénieurs et leurs propres investissements, se lanceront dans la prospection pétrolière et là où, fruit de leurs propres efforts, ils trouveront du pétrole et se lanceront dans un partenariat d’exploitation avec la France, il sera également de bonne guerre que là où le Gabon aura investit 75% des ressources, il se taille 75% des bénéfices et la France 25%.

C’est pour cela que le BDP-Modwoam a été créé, chers compatriotes, pour mener le seul vrai combat qui s’impose à nous pour le moment, le combat contre les Bongo, car il nous faut urgemment amener les Gabonais à regarder la réalité en face et, donc, à s’engager avec pragmatisme et intelligence sur les vrais débats, les vrais enjeux et les vrais défis de la lutte que nous devons préparer d’ici 2023 en vue d’écourter le mandat d’Ali Bongo ou, au pire, si Ali Bongo est toujours au pouvoir en 2023, de faire de l’élection présidentielle de 2023 le moment du grand ménage qui fera du mandat d’Ali Bongo son dernier, et partant, le dernier mandat d’un Bongo Ondimba au Gabon.

Pour qu’il n’y ait plus d’excuses, pour qu’il n’y ait plus d’improvisation.  Dans cinq ans, le Gabon doit changer. Qu’êtes-vous prêt à sacrifier pour votre pays?

N’oubliez pas : chacun peut, de là où est, selon ses capacité et de manière discrète ou visible, contribuer financièrement à l’effort de libération nationale. Un dollar (500 F CFA) à la fois. Les Gabonais peuvent financer eux-mêmes la libération nationale. Pour qu’il n’y ait plus d’excuses, pour qu’il n’y ait plus d’improvisation, joignez-vous au BDP-Modwoam pour commencer les préparatifs. MAINTENANT. 

Pour sacrifier avec nous, lisez la Charte de la 3e Voi(e)(x) et ensuite, comme nouscontribuez ici.