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Macron pointe les « 7 à 8 enfants par femme » en Afrique : un raccourci qui passe mal

Cette affirmation du président ne repose pas sur une réalité statistique mais sur de vieux clichés.

Cessons de considérer Emmanuel Macron uniquement comme le président du « en même temps » et reconnaissons qu’il est, en même temps, celui de la petite phrase. Avec une préférence pour celles qui sont problématiques.

Celle-ci, lâchée le 8 juillet en conférence de presse lors du sommet du G20 à Hambourg, aurait pu passer inaperçue si « Politis » ne l’avait pas repérée.

Un mois après son moment de rigolade sur « le kwassa-kwassa qui pêche peu mais amène du Comorien », Emmanuel Macron a livré son analyse de la situation en Afrique :

« Le défi de l’Afrique […] il est civilisationnel.

Aujourd’hui, quels sont les problèmes en Afrique ? Les Etats faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique, qui est, je l’ai rappelé ce matin, l’un des défis essentiels de l’Afrique. […]

Quand des pays ont encore aujourd’hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. »

D’où ça sort ?

Que nous dit Emmanuel Macron, avec cette remarque à ranger dans la même boîte (on vous laisse choisir laquelle) que celle sur « l’homme africain » qui « n’est pas assez entré dans l’histoire » de Nicolas Sarkozy ?

Il nous dit que l’Afrique est plombée par les femmes, qui, sottes, font chacune « sept à huit enfants » et tirent tout un continent vers le bas en l’empêchant de tirer profit des milliards envoyés par nous autres – que notre âme est grande.

Quand Emmanuel Macron s’était agacé, en janvier, du sort de ces habitants du bassin minier rongés par le « tabagisme et l’alcoolisme » et à l’espérance de vie réduite, il avait été accusé de stigmatiser une population mais les statistiques publiques lui avaient donné plutôt raison.

Le chiffre qu’il avance cette fois sur les femmes africaines semble sorti d’une discussion entendue la veille dans un bistro hambourgeois – c’est notre hypothèse la plus favorable. Il ne repose pas sur une réalité statistique. Pour 2015, la Banque mondiale établissait à 7,6 le taux de fertilité au Niger, le plus élevé du continent. Viennent ensuite la Somalie (6,4) puis le Mali (6,1).

Vieux clichés

Au-delà de ça, c’est l’idéologie derrière cette phrase qui est problématique. Quartz Africa le dit simplement et parle de racisme.

Dans « le Ventre des femmes », un ouvrage paru en mars (et dont nous vous parlions ici), la politologue et militante féministe Françoise Vergès démonte justement l’idée répandue selon laquelle « la surpopulation est la cause principale de la pauvreté dans les pays sous-développés », et dénonce le cliché de la « sexualité tropicale débridée et infantile qu’il fallait discipliner et gérer ».

Un cliché en vogue et repris au plus haut niveau de l’Etat dans les années 1960 et 1970 : Françoise Vergès raconte le scandale des avortements et des stérilisations forcées subies par les femmes réunionnaises à cette époque, au nom de cette idéologie.

Et appelle aussi à une politique qui ne serait plus obsédée par « la gestion du ventre des femmes ». Emmanuel Macron sait quel livre emporter dans sa valise.

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