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Au Gabon, Ali Bongo brigue l'"héritage" présidentiel

« Ali ! » : dans la capitale gabonaise, chaque poteau électrique, chaque panneau publicitaire proclame, en lettres dorées, le prénom du fils d’Omar Bongo, qui brigue son héritage, dimanche 30 août, lors de l’élection présidentielle – qui compte un seul tour au Gabon. En bord de mer, les écrans géants jadis érigés à la gloire du père brillent désormais pour Ali Bongo, dont le physique massif s’étale aussi sur de monumentales façades d’immeubles. Le nom de « Bongo » ne figure sur aucune affiche. « Ali devait se faire un prénom », explique une proche de l' »omni-candidat ».

« Ils dépensent des milliards (de francs CFA) pour leur campagne alors que les hôpitaux sont en ruine », fulmine Jules Ndoumba, 45 ans, peintre en bâtiment, dans le bureau-cagibi où il attend en vain des commandes. Sa femme et leurs enfants sont partis « au village » par crainte de troubles. Lui a fait provision de riz, de concentré de tomate et de gaz.

Que le Gabon aille mal après quatre décennies de règne de Bongo père, que cet artisan affirme avoir vu de ses yeux les proches de Bongo fils distribuer 5 000 francs CFA (7,5 euros) par personne pour remplir ses meetings, n’empêcheront pas Jules de voter pour « Ali ». En vertu d’une logique assez répandue dans le pays : « Ses poches sont déjà pleines : il n’a plus besoin de les remplir. »

Les adversaires d’Ali Bongo, dont presque tous ont été ministres du père, « ils ont bouffé (détourné l’argent), et maintenant ils crient », raille-t-il. L’espoir de ce peintre d’être associé aux chantiers des logements promis par Bongo junior pèse dans son choix. « La paix passe par la continuité », ajoute ce membre de l’ethnie minoritaire miéné, qui considère qu’une victoire d’opposants issus de la communauté fang, dominante, ouvrirait une période de violence.

« PLUS DE DICTATEUR ! »

« Si Ali est élu, c’est qu’il aura triché », lance Bera Fang, une jeune mère de famille qui votera pour l’ex-premier ministre Casimir Oyé Mba, « le plus honnête » des candidats selon elle. « On ne veut plus de dictateur qui pille ce pays. Le Gabon devrait être riche. Il n’appartient pas à la famille Bongo !  »

Elle pointe du doigt la baraque en bois déglinguée où elle élève six enfants dans le quartier de Plaine Niger, en zone inondable. Des poules picorent et des bambins jouent dans les eaux usées. « Regardez où nous vivons ! Je ne peux même pas payer les frais de scolarité ! » Sur les techniques de triche électorale, elle est intarissable, détaillant la façon dont on graisse la patte des scrutateurs pour que, le soir du vote, ils signent un procès-verbal de dépouillement préparé d’avance.

Confronté à une compétition sans précédent, le régime hésite entre ouverture (les opposants s’expriment à la télévision publique) et raidissement (les radios ont interdiction de diffuser les résultats recueillis localement). Mais les puissants moyens dont dispose l’héritier Bongo, les règles du jeu électoral et le morcellement de l’opposition, à peine atténué par le ralliement de deux candidats à l’ex-ministre de l’intérieur André Mba Obame, laissent peu de perspectives aux opposants. Si ce n’est celle d’un second tour dans la rue, pour lequel les énergies ne manqueraient pas.
Philippe Bernard

Article paru dans l’édition du 30.08.09.

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