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Des propos polémiques de Kouchner font grincer Alger

Les récents propos du ministre français des Affaires étrangères, selon lesquels la tension franco-algérienne s’explique par la présence au pouvoir de « la génération de l’indépendance » ont été condamnés par les politiques et les associations.

Les réactions n’ont pas tardé après la publication dans le Journal du Dimanche (JDD) d’une interview de Bernard Kouchner.
Le ministre français des Affaires étrangères revenait, le dimanche 21 février, sur les relations de plus en plus tendues qu’entretiennent Paris et Alger. Selon lui, la présence au pouvoir de la génération de l’indépendance algérienne ne facilite pas les rapports entre les deux pays.

« La génération de l’indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple », déclarait Bernard Kouchner au JDD qui lui demandait quand les relations entre les deux pays seraient réparées.

Respect mutuel

De nombreuses associations et partis algériens ont vivement réagi dimanche et lundi, condamnant unanimement ces déclarations.
La Fondation algérienne du 8 mai 1945 –qui effectue des recherches sur le colonialisme et les massacres de 1945 orchestrés par la France en Algérie– a estimé dimanche que les propos du ministre français « n’honorent ni la France, ni son peuple, ni même les principes du socialisme dont il est tributaire « .
« L’Algérie, à votre gouverne Mister Kouchner, est indépendante. Elle est souveraine et ses politiques le sont également », a lancé, dans un communiqué, la Fondation.
Said Bouhadja, secrétaire national du Front de libération national (FLN) a exprimé son « rejet total » des propos de Bernard Kouchner. Selon lui, les relations diplomatiques franco-algériennes doivent être fondées sur « le respect mutuel et fondées sur un dialogue empreint de franchise et de transparence pour le traitement de toutes les questions qui se posent entre les deux pays ».

Crispations multiples

C’est dans ce contexte pour le moins houleux que le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant a rencontré dimanche à Alger le Premier ministre algérien Ahmed Ouyahia. Il était accompagné du conseiller diplomatique de l’Elysée Jean-David Levitte.
L’objectif du rendez-vous était de détendre les relations entre les deux pays. Des relations toujours passionnelles, près de 50 ans après l’indépendance, mais qui se sont davantage crispées ces dernières années.

Dernier signe en date de cette tension exacerbée, la proposition de loi algérienne, début février 2010, visant à « criminaliser » le colonialisme français, deux ans avant le 50e anniversaire de l’indépendance, laquelle a suscité des réactions indignées parmi des députés français.
Début janvier, l’annonce d’un nouveau dispositif de sécurité aérienne adopté en France et incluant l’Algérie parmi les pays à risque, avait, elle, suscité le courroux d’Alger.
La crispation avait également atteint des sommets avec les rebondissements dans l’affaire des moines de Tibéhirine et les révélations récentes du général à la retraite François Buchwalter. Selon ce dernier, les moines français, dont les têtes avaient été retrouvées en juin 1996 en Algérie, auraient été abattus par erreur par l’armée algérienne lors d’une traque aux islamistes. Alger a toujours affirmé que ces meurtres étaient le fait d’un groupe djihadiste et s ‘était donc montré très irrité par ces « révélations ». (avec agences)

Retrouver notre dossier Algérie-France « La déchirure » dans le numéro de Jeune Afrique en kiosques du 21 au 27 février 2010.

Exprimez-vous!

  1. Le Colonialisme institué en Algérie par la France doit-il être condamné ?

    Un débat vient de surgir, avec le projet de loi voulant « criminaliser la colonisation française en Algérie », (soutenu par 125 députés algériens) qui vient d’être annoncé il y a quelques jours. Certes il n’est sans doute pas déposé par hasard dans cette période, avec les conditions sociales que connait l’Algérie, et je ne me permettrai pas de le juger. La démarche est sans doute, pour une part, politicienne, parce qu’elle risque bien de n’accoucher que d’une souris. En effet, les accords d’Evian, signés le 18 mars 1962 rendent difficiles, quasi impossibles, des poursuites judiciaires, même vers des tribunaux spéciaux. De plus, beaucoup des principaux responsables, politiques ou militaires sont maintenant disparus. Mais les réactions françaises officielles sont tout aussi circonstancielles, à quelques semaines des élections régionales, et destinées à tenter de flatter le populisme français, et entrer en concurrence avec l’extrême droite. Pas moins de 4 Ministres Luc Chatel (au nom du Gouvernement), Bernard Kouchner (ministre des affaires étrangères), Eric Besson (Ministre de l’immigration et de l’Identité nationale), Hubert Falco (Secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants) ont considéré cette initiative de « particulièrement inquiétante », « incompréhensible », « outrancière »… Une telle réponse officielle est honteuse, un déshonneur pour la France, une insulte au peuple algérien.
    Depuis 1830, la colonisation, en Algérie a été jalonnée de nombreuses manifestations criminelles. Les tortures dans les commissariats remontent à loin, comme les exécutions sommaires, les enfumades… Certes ce n’était plus l’esclavage, les colons n’avaient plus (au moins théoriquement) droit de vie et de mort sur les « indigènes », mais ceux-ci n’étaient que des sous-citoyens : rarement scolarisés, très mal payés,… ils n’ont eu le droit de vote que très tardivement et leur voix ne comptait que pour un dixième de celle d’un « français » de souche européenne.
    Les massacres de Sétif, Guelma, Khératta… en mai 1945, firent des dizaines de milliers de morts. Je me souviens, avec beaucoup d’émotion, de mon voyage de mai 2005. J’y étais invité pour le 60ème anniversaire de ces massacres. J’y ai rencontré des manifestants qui étaient dans le cortège où Saal Bouzid fut assassiné. Ils m’ont commenté, en refaisant le parcours de cette manifestation, les horreurs qu’ils n’avaient toujours pas oubliées. Leur témoignage direct restera pour moi, un moment inoubliable. A cette commémoration du 60ème anniversaire de Sétif, j’étais avec Nicole Dreyfus qui vient de nous quitter, il y a quelques jours. C’était une grande dame, une grande figure de l’anticolonialisme. Jeune avocate, elle s’était particulièrement distinguée en défendant des militants qui se battaient pour l’indépendance de l’Algérie : des pied-noirs (souvent membres du Parti communiste Algérien) des membres de l’Armée de Libération nationale comme Baya Hocine et Djihor Akrou (âgées de 16 ans) ou Zohra Drif dirigeante du FLN et bien d’autres, tout particulièrement pendant la période de ce qu’on a appelé la « Bataille d’Alger » (1956/57). Menacée alors de mort par l’extrême droite, par l’OAS elle n’a jamais cédé à la peur. En octobre 2000, avec 11 autres grands témoins de cette Guerre d’Algérie elle signait un appel en direction du Président Jacques Chirac et du Premier Ministre Lionel Jospin pour demander enfin la reconnaissance officielle et la condamnation de la Torture pendant cette guerre de libération. Encore aujourd’hui cet appel n’a pas reçu de réponse. Sur ces 12 témoins, c’est le 6ème qui nous quitte. Faudra-t-il attendre que tous disparaissent pour qu’enfin la France condamne ces crimes contre l’humanité commis en son nom dans cette période ? Pire, est la réponse déjà évoquée des 4 ministres Chatel, Falco, Kouchner, Besson. Je garderai le souvenir de cette dame qui aimait dire : « Je n’ai fait que ce que je devais faire, comme l’ont fait d’autres avant moi, dans d’autres circonstances tout aussi tragiques ». Bel exemple de courage, de modestie.
    Fin février2005, l’ambassadeur de France en Algérie, sur ordre, déclarait à Sétif que les évènements du 8 mai 1945 étaient « une tragédie inexcusable ». C’était la première fois qu’une autorité française évoquait enfin ce drame sans en faire porter la responsabilité aux Algériens. Cette déclaration était certes un premier pas de l’Etat Français. Michel Barnier le ministre des Affaires étrangères de l’époque, confirmait cette démarche dans une interview qui paraissait dans la presse algérienne le 8 Mai 2005. Mais, quand je suis intervenu à la tribune de l’Université de Sétif pour dire « Non, cette « tragédie n’est pas inexcusable », elle est condamnable et elle doit être condamnée de façon claire et nette ». L’amphithéâtre, plein à craquer, c’est levé et a applaudi. Cette première petite avancée « officielle » de 2005 a très vite tourné court. La loi de février 2005, certes votée presque en catimini, n’était qu’un processus amorcé en 2002 de « réhabilitation » du colonialisme, de ses idées. Avant 2002, on ne trouvait en France métropolitaine qu’une dizaine de villes dans les quelles une stèle commémorait l’Algérie Française ou les manifestations OAS (des 26 mars à Alger et 5 juillet à Oran), maintenant ce sont plus de 40 villes qui « honorent » « l’Algérie Française », l’OAS (et ses 4 responsables condamnés à mort et exécutés, considérés comme des « martyrs », des « héros »), des militaires qui se sont tout spécialement « distingués » comme dans la « Bataille d’Alger » (Colonel Jeanpierre, Commandant Erulin…). Des maires, députés, ministres (majoritairement de l’UMP) n’hésitent plus à encourager, soutenir de telles initiatives. Les Discours de Toulon, de Dakar prononcés par Nicolas Sarkozy sont, d’une certaine façon, une apologie du colonialisme. Le projet de l’UPM (Union pour la Méditerranée), pont vers l’Unité Africaine, est une démarche qui va dans ce sens.
    Le honteux « débat » sur l’identité nationale mené en France par Nicolas Sarkozy et sa marionnette Eric Besson, veut instituer, de fait, qu’il y ait des « bons Français » et des sous-citoyens, comme au temps des colonies : les Français et les indigènes. Les citoyens de seconde zone qu’on cherche ainsi à stigmatiser sont prioritairement ceux « issus de l’immigration » (selon l’expression usuellement employée) c’est-à-dire ceux qui ont des ascendants originaires des anciennes colonies qui ont donc le teint souvent un peu foncé, qui ont des noms et prénoms africains ou maghrébins, qui sont considérés comme musulmans (dont intégristes) même s’ils ne sont pas croyants…
    Aujourd’hui, il devient plus qu’urgent que la France reconnaisse enfin les crimes contre l’humanité commis en son nom que ce soit pendant la colonisation ou pendant la guerre d’indépendance, je pense aux tortures, aux viols, aux crevettes, Bigeard, aux corvées de bois, aux exactions diverses, aux villages rasés au napalm… et qu’elle les condamne. Il ne s’agit pas de repentance, (terme qui a une connotation religieuse) : il n’est pas question de demander un « pardon » pour une « erreur » commise et de considérer que l’on pourrait oublier de tels actes.
    N’oublions pas non plus les essais nucléaires à Reggane dans le Sahara algérien. Il y a eu les soldats français utilisés comme cobayes, et la population locale contaminée, prise en otage, qui souffre encore, et sans doute pour longtemps de l’irradiation provoquée par les bombes. La France n’a toujours pas fait le moindre geste pour que cette zone ne soit plus un danger permanent, encore interdite tant elle reste radioactive, 50 ans plus tard.
    Un traité d’amitié Franco-Algérien, avait été annoncé comme imminent, en 2005, et devant être signé dans le courant de l’année. Hélas, la démarche colonialiste de la France depuis, l’a renvoyé aux oubliettes. Ce serait pourtant, évidemment une excellente chose, que tout le monde souhaite. Mais il ne peut sentir le pétrole ou le gaz, ni être un vil compromis politicien pour cacher d’autres réalités sociales de nos deux pays. Il ne peut avoir un sens et une solidité, que s’il est établi sur une base claire, sans compromission, dans le respect fondamental des droits de l’homme, avec toutes ses diverses composantes, garantie essentielle de respects communs, des deux côtés de la Méditerranée. Il serait temps qu’il redevienne d’actualité.
    Je veux rêver que mes petits enfants, nos petits enfants français et algériens vivent dans ce bassin méditerranéen, une vie de bonheur, de paix, d’amitié profonde. Pour cela, il ne faut pas oublier le passé, y compris ses horreurs, les condamner pour qu’ils ne se reproduisent pas.
    Vive la paix, l’Amitié entre les Peuples Algériens et Français.
    Henri POUILLOT, témoin de la Guerre d’Algérie, co-coordinateur de la Semaine Anticoloniale
    Paris le 16 Février 2010
    Site http://www.henri-pouillot.fr

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