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Ben Moubamba: Union nationale – La réforme ou la mort

Au sortir des tragiques élections gabonaises d’août 2009, l’ensemble des candidats « malheureux » du scrutin présidentiel, ont tenté  de créer une synergie au sein d’un Front du Refus du Coup d’État Électoral. C’est ce processus qui a conduit certains acteurs politiques à mettre en place une Coalition de partis d’Opposition et d’autres (dont j’en suis) à créer le nouveau Parti Union Nationale. De fait, l’Union Nationale s’est dotée d’un Président entouré de Vice-présidents et d’un Secrétariat Exécutif.

Lancé tambour-battant le parti UN (1) a rapidement capitalisé autour de fortes ressources humaines et le Peuple Gabonais a repris espoir. Tout ne pouvait être perdu définitivement si des personnalités aussi différentes, mettaient leurs égos de côté pour travailler ensemble, dans le but de changer le Gabon.

1. Le modèle pyramidal plombe le Gabon

Un parti moderne, ce sont des dirigeants, des cadres, des commissions, des cercles de réflexion, des associations affiliées, des mouvements de jeunes et de femmes, des acteurs culturels … organisés autour d’un modèle systémique.

Le drame des partis politiques au Gabon réside d’abord dans leur modèle systémique pyramidal qui fait du chef ou du leader un dieu quasi vivant surtout s’il tient la caisse.

Comme le Parti démocratique Gabonais (Parti-État jusqu’à nos jours), les organisations politiques se sont dotées d’un système d’organisation qui jouent du régionalisme sans l’avouer. Le faux  dépassement du régionalisme par le parti créé par feu-Omar Bongo s’est fait sur la base de la doctrine dite « Géopolitique » ou « Réalités Gabonaises ». Mais c’était une duperie comme nous l’avons vu dans le vote utile de 2009.

Le Modèle systémique était bien huilé et totalement pyramidale comme le management de l’ensemble du Gabon d’ailleurs. Les provinces, les départements et les cantons autant dire toutes les collectivités locales ont été confiés en général à des barrons locaux autant dire à des « seigneurs » du lieu comme sous la Monarchie Française. Du plus petit « Fédéral », comme ils se plaisent à désigner le représentant du parti au pouvoir en un lieu-dit, au Secrétaire Départemental  dans une des nos provinces, l’organisation du PDG a toujours permis que le No 1 (Grand Camarade ou Distingué Camarade) règne comme un « dieu-vivant » sur les esprits d’une masse de militants conditionnés, sous une pyramide lourde et difficile à faire évoluer. Le contrôle des médias a tout verrouillé dans ce sens.

2. Au Gabon, tous communistes !

Le Parti au pouvoir (PDG) a bien intégré le fonctionnement des partis communistes soviétiques ou chinois : toute personne se sentant fragile face à une autorité dans un groupe, est prête à faire n’importe quoi, y compris commettre les crimes les plus abjects ou se dégrader, pour peu qu’une autorité lui en intime l’ordre. Omar Bongo s’en est bien servi et parfois certains sont choqués quand on revendique son héritage !

On a déresponsabilisé les Gabonais en les conditionnant pour que chacun puisse dire « Je n’ai fait qu’obéir aux ordres ou à une commande, ce n’est pas moi ».

Oui, la systémique du PDG exclue la responsabilité personnelle et infantilise des adultes qui sont prêts à obéir à un ordre irrationnel. On attend chaque fois les ordres du Président, du Grand Chef, du patron, de l’oncle ou du Yaya (grand frère). Il n’est donc pas surprenant que les Gabonais PGGisés à outrance dans la tête, ne se sentent responsables de rien, car ils attendent tout du dictateur en face de soi, ce dernier ne se privant d’ailleurs pas de terroriser ses compatriotes peu surs d’eux-mêmes.

Dans les 9 provinces du Gabon, vous n’avez pas le droit de faire quoi que ce soit sur le territoire national si vous ne vous êtes pas compromis auprès du Grand PDGiste local. Ceux qui veulent s’acheter un terrain non loin de la capitale Libreville en savent quelque chose.

3. La fragmentation de la dictature.

En quoi consiste la fragmentation de la dictature ? Pour que le no 1 du PDG puisse avoir la main mise sur le moindre petit coin du Gabon, des conseillers militaires Français ont appris dès les années 70 au PDG comment installer des mini-dictateurs à chaque étage de la pyramide-Gabon, notamment dans le domaine de la surveillance des Gabonais.

Pendant que le Gabonais se plaint de la dictature de Bongo, chacun ou chacune est un petit Bongo dans son village, son quartier, son administration, son travail, son ONG, sa chorale et même dans sa famille. Le Bongoïsme a envahi nos esprits à un tel point qu’il faudra peut-être une ou deux générations pour s’en dépêtrer.

Une des choses les plus affreuses du Bongoïsme est disions – nous, la « géopolitique » ou répartition ethnique du pouvoir via un maillage du territoire pour une soi-disant unité nationale qui n’en est pas une. Le PDG a abandonné les Gabonais à eux-mêmes dans l’arrière-pays, autant dire entre les mains de tyrans locaux qui font la pluie et le beau temps dans les zones les plus reculés de notre pauvre pays.

A la mort d’Omar Bongo le Peuple Gabonais a fait le rêve commun que nous allions enfin être libres et sortir de ce système pervers qui déresponsabilise les gens et les livre aux mains de personnes impitoyables et souvent méchantes. On ne compte plus les sacrifices humains que certains d’entre eux ont commis sans jamais être inquiétés par la Gendarmerie.

Le problème est que la plupart des partis d’opposition se sont organisés sur le modèle du PDG. Leur modèle systémique a repris quasiment le même fonctionnement que le Parti Démocratique Gabonais, en pire parfois.

Ainsi, là ou le parti au pouvoir faisait au moins semblant d’organiser des congrès, on connait de grands partis de l’opposition ou anciennement de l’opposition gabonaise qui n’auront jamais organisé le moindre congrès depuis leur fondation.

Le parti est la « chose » de son président ou de son leader voire de sa famille. Ils reprocheront aux Bongo de vouloir mourir au pouvoir mais certains garderont le contrôle de « leur » parti jusqu’au dernier souffle avec des tas de justifications :

– Pour les uns c’est l’ancienneté : « on était là avant ou nous sommes des opposants historiques » ;

– Pour les autres c’est le charisme : « Après moi c’est le chaos ou sans mon charisme vous êtes perdus » ;

– Pour les autres encore c’est l’argent : « l’argent du parti c’est l’argent du leader (aucun don direct et clair d’autant plus que la dictature gabonaise sait jouer du financement des partis comme d’une arme) comme le reste d’argent que la France laisse au Gabon appartient au Président de la République et aux siens ;

– Pour certains c’est l’ethnie car un certain nombre de partis d’opposition n’existent que dans et pour une région donnée.

4. Tous des Bongo en puissance ?

Nous reprochons aux Bongo de confisquer le Gabon alors que nous agissons exactement comme eux. Les Bongo font semblant de crier à l’Unité Nationale sous la férule de leur PDG, alors qu’ils gèrent tout à partir d’un petit groupuscule ethnique.

Les Bongo disent qu’ils ont créé un parti des masses alors que c’est une organisation d’infantilisation de populations réduits à la mendicité électorale, alors que c’est une plate-forme ou règnent des gens pervers qui terrorisent les Gabonais (de l’intérieur surtout) et les obligent à se comporter comme des esclaves.

Les tournées du PDG sont par exemple un des plus accélérateurs de l’expansion du VIH au Gabon ou des grossesses précoces. En résumé, le Parti – État qui martyrise le Gabon depuis des décennies, a une organisation apparemment nationale mais en réalité ethno-régionaliste, le PDG c’est la dictature à tous les étages et enfin c’est le centralisme pyramidale qui fait qu’un seul règne sur les mentalités de la masse. C’est dramatique et cela créé de la peur, du culte de la personnalité et donc des freins à la créativité. On prône l’unité nationale mais au fond de soi on pense d’abord à sa tribu, son clan sa famille et en réalité d’abord à soi.

5. L’Union Nationale est un concept à ne pas galvauder

J’ai tenté l’aventure de l’Union Nationale car je me suis aperçu que les dictatures qui avaient  plus ou moins réussi leur mutation comme l’Union Soviétique  ou l’Afrique du sud avaient pu le faire grâce aux dissidents du pouvoir en place : Gorbatchev a dirigé le Parti Communiste de l’URSS avant de libérer son pays et Frederik Willem de Klerk, le dernier chef d’État de l’Afrique du sud raciste, a rompu sincèrement avec l’Apartheid  pour négocier avec Nelson Mandela.

Plutôt que de rester éternellement sur le coup d’état électoral de 2009 d’Ali Bongo, nombreux sont ceux qui s’attendaient à un contrat de confiance entre leaders de l’UN. Nous avons rêvé à une organisation politique qui ne ressemble pas au Parti Démocratique Gabonais :

–         Un parti qui responsabilise les Gabonais via de vrais réseaux et des activités socio-économiques ;

–         Un parti dont la Présidence trace de grands axes et que le Secrétariat exécutif met vraiment en œuvre à travers des antennes efficaces et des outils d’information ou de contrôle ;

–         Un parti où chaque militant se sent responsable de la structure et peut prendre des initiatives dont les dirigeants peuvent s’inspirer ;

–         Un parti ou il n’y a pas de culte du Chef mais des objectifs précis et quantifiés à réaliser ;

–         Un parti avec des cercles de réflexion, des commissions, des clubs, des associations et des mouvements autonomes qui favorisent le dynamisme des populations et la prise en main des situations locales par les principaux concernés ;

–         Un parti qui imagine le Gabon de demain dans 20, 40 ou 100 ans, ce qui implique de passer au clair tous les dossiers brûlants du Gabon à commencer par les Institutions, l’économie, la défense, les relations avec la France et le monde, l’Union Africaine, la gouvernance , le social car comment entrainer une population qui n’a plus de perspective ?

–         Un parti qui travaille sur le réel et qui communique vers les Gabonais de façon claire ;

–         Un parti sans mini-dictateur à tous les étages ;

–         Mais surtout un parti qui fasse marcher ses statuts avec des représentations à l’extérieur, des cellules efficaces sur le terrain en plus des experts qu’il possède en abondance ;

–         Un parti qui blinde sa sécurité et qui n’a pas peur de déléguer du pouvoir ;

–         Un parti qui respecte tout le monde (même les humbles) et renonce aux techniques des PDGistes : intimidation, délation, magouille, manipulation ou mensonges.

6. Union Nationale : La réforme ou la mort !

Je suis au regret de le dire mais si l’UN ne se réforme pas au plus vite l’UN mourra de sa belle mort parce qu’il n’y aura plus personne pour la suivre. Ce serait regrettable pour le Gabon, les militants, l’UGDD, le RNR mais aussi pour le combat de ce grand vice-président qu’à été Pierre-Claver Zeng et qui nous a mystérieusement quitté si tôt.

Je souhaite que l’UN se reforme au plus vite et que la volonté de le faire soit affichée avant toute décision du Conseil d’État, car unis, même un refus de réhabilitation par le Conseil d’État ne nous ferra pas reculer. C’est au Président de l’Union Nationale de créer les conditions de la confiance. En principe il devait m’inviter au Gabon pour une raison qui lui est propre. Nous avons besoin de lancer l’Union Nationale comme une machine décentralisée qui délègue fortement, pour montrer notre confiance aux Gabonais. Il n’est pas normal qu’un Parti fonctionne au ralenti en l’absence d’un de ses dirigeants.

Je dis aussi qu’il n’était pas utile d’en arriver à la dissolution de l’Union Nationale. Et je dis encore que cette question du Gouvernement parallèle parasite le parti et ne rime à rien. Et je dis pour finir qu’il n’était pas utile d’entrainer les gens sur des chemins qui ne mènent nulle part. Je n’ai pas envie de rire quand des gens ont perdu leur travail et je ne veux pas d’une hypocrisie qui laisserait à penser que tout va mieux dans le meilleur des mondes. Un parti politique comme l’Union Nationale ne peut pas discuter stratégie avec des mouvements qui vont s’allier avec le PDG et un parti politique ne doit pas baser sa stratégie ultime sur des ONG.

Le premier qui dit la Vérité doit-il être exécuté comme dit la chanson ? C’est possible mais ce ne sera pas moi.  On dira il veut traverser le Rubicon, il veut de l’argent, il veut aller avec Mamboundou mais comme d’habitude on se trompera d’individu. N’est-ce pas le lot de l’engament public, que de nourrir la rumeur ? Ave crux Spes Unica !

Bruno Ben MOUBAMBA

bruno@moubamba.com

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