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Gabon : Libération, Pozzo di Borgo et Maixent Accrombessi

Un éditorial discret du quotidien gabonais « L’union » a marqué une certaine désolation et dénoncé les écrits du journal français « Libération » au sujet de l’affaire des biens mal acquis. Si l’article déploré fait état de ce que «le parquet de Paris freine des quatre fers tant que les potentats sont encore au pouvoir», il révèle surtout que la villa Pozzo di Borgo, acquise par le Gabon à hauteur de 65 milliards de francs CFA, serait la propriété d’une société civile immobilière (SCI) appartenant à Maixent Accrombessi, directeur de cabinet du président Ali Bongo, mais surtout Gabonais d’origine étrangère le plus controversé du moment.

De nombreux lecteurs du quotidien gabonais « L’union » se sont étonnés, le 1er août dernier, de ce que son directeur, Lin-Joël Ndembet, dans un éditorial intitulé «Fantasmes sur le Gabon», s’en soit pris au quotidien français « Libération ». Occultant de quoi le journal français s’est rendu coupable, le quotidien « L’union » s’est contenté de dénoncer une vision «particulièrement déformée» de la «dénonciation de la Françafrique, dans son édition du 28 juillet, au travers de la campagne des biens mal acquis.»

Le «fantasme» de « Libération »

Il se trouve, en effet, que ce jour-là, le journal français, sous la plume de Renaud Lecadre, a publié un article intitulé «Biens mal acquis : la justice louvoie» comportant un encadré titré «Bongo, Obiang, Nguesso : la religion du luxe» dans lequel on peut lire : «Inventaire à la Prévert : 70 comptes bancaires ont été ouverts en France au nom de la famille d’Omar Bongo (…) Feu le patriarche gabonais (son fils Ali a hérité de la présidence gabonaise) disposait pourtant de la structure familiale la plus élargie : 54 enfants nés de 33 épouses, tous couchés sur son testament, autant de bouches à nourrir. Et à loger : le patrimoine immobilier parisien de la famille Bongo est constitué de 39 propriétés, dont 17 au nom d’Omar. La plupart dans le VIe arrondissement, l’un des plus huppés de la capitale. Dont un hôtel particulier valant la bagatelle de 19 millions d’euros.»

Abordant l’acquisition du désormais mythique hôtel particulier Pozzo di Borgo, Renaud Lecadre écrit : «Les ploutocrates africains redoublent désormais de prudence. Outre le transfert de comptes bancaires vers des pays judiciairement tempérés, ils évitent d’apparaître en direct sur les titres de propriété. Mais l’habillage n’est pas toujours très subtil. Ainsi, le gouvernement gabonais annonçait en mai 2010 l’acquisition d’un hôtel particulier à Paris, rue de l’Université. Un bien public, donc, au nom du peuple gabonais. Les policiers français ont pisté les différentes SCI (sociétés civiles immobilières) propriétaires de ce bien prestigieux : toutes renvoient à un gérant, Maixent Accrombessi, et à son adresse, palais présidentiel de Libreville, où il officie comme directeur de cabinet d’Ali Bongo.»

A qui appartient le Pozzo di Borgo ?

Voilà qui est nouveau. L’hôtel particulier de luxe Pozzo di Borgo appartient à une SCI dont le gérant est Maixent Accrombessi, directeur de cabinet du président Ali Bongo. On croyait qu’elle était la propriété de l’Etat gabonais.

Lors de son achat pour 100 millions d’euros (environ 65 milliards de francs CFA), le gouvernement avait annoncé, le 19 mai 2010, «l’acquisition en toute transparence d’un immeuble situé rue de l’Université dans le 7ème arrondissement de Paris, destiné à l’ambassade du Gabon en France. Cet achat est intervenu alors que l’actuelle ambassade du Gabon à Paris connaissait d’importants travaux de réfection de longue durée. Il s’agit là d’un placement immobilier pour la République gabonaise, qui s’inscrit dans la lignée de l’action du Président Ali Bongo Ondimba pour une meilleure gestion des finances publiques. L’acquisition de cet immeuble permettra en outre de réduire les frais d’hébergement des officiels gabonais en mission en France.»

Alors que le Pozzo di Borgo nécessitait quelques travaux de réfection, l’usage ou plutôt ce à quoi était destiné cet hôtel particulier de luxe a commencé à susciter quelques suspicions lorsque, courant mars 2011, l’ambassadrice du Gabon en France, Félicité Ongouori Ngoubili, avait reçu du ministère gabonais des Affaires étrangères, un virement de 700 000 dollars (environ 385 millions de francs CFA) en vue de la restauration des appartements que le Gabon possède dans le 14e et 15e arrondissement de Paris depuis les années 70. Certes, aucun travail de réfection n’y avait été effectué depuis l’acquisition de ces logements destinés aux fonctionnaires gabonais en résidence à Paris, mais on avait cru que l’urgence était au Pozzo di Borgo. La logique officielle ayant servi de mobile à l’acquisition urgente de cette propriété, s’émoussait : le somptueux hôtel particulier n’allait visiblement plus servir d’«espace d’échanges, de travail et d’hébergement pour les délégations gabonaises afin de réduire notablement les frais d’hôtel lors des missions officielles» et à «rationaliser et rentabiliser l’utilisation des finances publiques à court, moyen et long terme», ainsi que l’avait expliqué la présidence du Gabon au moment de l’acquisition. D’ailleurs, depuis son acquisition et alors que certaines de ses ailes sont habitables, aucune délégation gabonaise de passage à Paris ne s’est servie de cette villa comme pied-à-terre.

Une SCI gérée par Accrombessi

Prononçant un discours devant cet hôtel particulier, le 7 mars dernier, Bruno Ben Moubamba, ancien candidat à l’élection présidentielle et vice-président de l’Union Nationale, parti désormais interdit au Gabon, s’était interrogé : «Qui a donc payé le Pozzo di Borgo et qui en bénéficie réellement ?». En réponse à cette question, le journal « libération » donne vraisemblablement une piste : une SCI appartenant à Maixent Accrombessi. Dans un contexte marqué par une plainte d’Ali Bongo contre Yannick Jadot le porte-parole d’Eva Joly, « Libération », qui mentionne des sources policières, ne saurait mettre en jeu sa crédibilité ou se risquer à un procès. Une petite recherche révèle en effet que le directeur de cabinet du président de la République du Gabon possède une société civile immobilière.

Rediffuseur des Journaux Officiels de la République de France, la base de données en ligne Manageo.fr qui assure, selon son slogan, fournir «L’information SUR et POUR les entreprises», atteste que l’entreprise SCI 49 51 Rue Université est dirigée par Accrombessi Maixent, né le 26 Juin 1965 à Cotonou (Bénin). Cette Société civile immobilière a pour forme juridique « Autre société civile » et son capital est de 914 700 Euros. Le siège de cette SCI est immatriculé auprès des greffes et tribunaux de la ville de Paris où son code correspond au secteur Location de terrains et d’autres biens immobiliers.

La bâtisse du Pozzo di Borgo a été construite à partir de 1706 par l’architecte Pierre Cailleteau, dit Lassurance. Elle est dotée d’un portail attribué à Claude-Nicolas Ledoux. D’abord appelé hôtel de Longueil, il aurait été rebaptisé ensuite au gré des cessions et aurait finalement été remanié au 19e siècle par Joseph-Antoine Froelicher pour le compte des Pozzo di Borgo. Le créateur Karl Lagerfeld y a longtemps vécu et, avant son acquisition par le Gabon, de nombreuses fêtes prestigieuses ou branchées y ont été données aussi bien par des personnalités que des grandes marques ou entreprises. Cette villa n’a certainement pas fini de faire couler de l’encre et de la salive.

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