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Les dilemmes de Hollande en Côte d’Ivoire

L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale, pour la première fois, le 5 décembre 2011 à La Haye (Anp/AFP/Archives, Peter Dejong)
Par Isaac Pierre Bangoret

Le premier dilemme: L’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 et l’indépendance des pays africains francophones.

L’article 55 précise que les traités sont supérieurs aux lois. Avant de concéder aux pays africains leur indépendance, la France de De Gaulle obligea, en quelque sorte, les pays africains à se regrouper au sein d’une communauté: la Communauté franco-africaine où les leaders africains signèrent au lendemain de leur indépendance des traités (des accords secrets) qui transféraient paradoxalement leur pouvoir de décision, disons la souveraineté de leurs Nations indépendantes à la France.

La communauté franco africaine était en effet dotée d’une Constitution qui en son article 78 accordait à la France le contrôle total de leur pays: la politique étrangère, la défense, la monnaie, l’économie, les finances, les matières premières stratégiques, la justice l’enseignement supérieur, les transports extérieurs communs, les communications etc… étaient contrôlées déjà directement par la France. Cet article 78 de la Communauté franco africaine devint, après l’indépendance des pays africains, l’article 55 de la Constitution française qui indique clairement que tous les accords secrets signés par les présidents africains avec la France sont supérieurs à nos lois, à nos Constitutions, à notre Cour Constitutionnelle.

La France contrôle donc la politique intérieure de notre pays et veille indirectement à l’organisation des élections en Afrique afin que soient installés à la tête de ces pays les présidents désignés par le gouvernement français et non ceux qui sont choisis par le peuple. Houphouët Boigny, homme d’État et philosophe politique avait compris bien avant ses pairs toute la ligne politique de De Gaulle, et comparait, à juste titre, les présidents fantoches africains à des grilleurs d’arachides. Ces derniers devaient se contenter de griller les arachides de leurs maîtres, de veiller sur leurs intérêts, et la France fermait les yeux sur les arachides qu’ils mangeaient pendant qu’ils les grillaient. Ces présidents, en un mot, pouvaient tout se permettre, violer les droits de leurs citoyens pourvu que les intérêts de la France soient protégés. Houphouët contrairement à ses pairs utilisa les 10% que lui concédait la France sur tous les revenus de la Côte d’Ivoire pour jeter les bases d’une indépendance économique, en suscitant une bourgeoisie dans toutes les régions de son pays. Ces bourgeois sont appelés les barons du PDCI: on les retrouve aussi bien au Nord aride qu’au Sud fertile de la Côte d’Ivoire. La France comprit sa stratégie politique et introduisit au sein du PDCI, son parti politique, un cheval de Troie où attendaient des hommes politiques issus des régions des plus pauvres d’Afrique pour s’emparer du pouvoir politique, et neutraliser cette classe bourgeoise du PDCI. Avec l’avènement de ces personnalités au pouvoir en Côte d’Ivoire est né un gouvernement du Nord capable de veiller exclusivement aux intérêts de la France, en évoquant la politique du “rattrapage ethnique” qui n’est sur le plan des stratégies politiques qu’un écran de fumée qui cache le refus de la France de concéder à l’Afrique son indépendance politique réclamée par le président Laurent Gbagbo quand il était assiégé par les armées d’Alassane Ouattara et de la France.

Dans un langage qui lui est propre, il dévoila les dessous de la crise ivoirienne: Il dit succinctement: “Nous n’avons pas déclaré la guerre à la France, nous ne devons plus rien à la France”. Laurent Gbagbo nous disait en effet que les traités signés par Houphouët Boigny au lendemain des indépendances sont arrivés à expiration, il ne comptait plus les reconduire, après avoir payé grâce à un budget sécurisé les dettes de son pays.. Avec le gouvernement d’Alassane nous constatons, au contraire, que ces traités sont reconduits puisque nous ployons de nouveau sous le poids de l’endettement. La remise de nos dettes par la France indique clairement que nous concédons de nouveau à la métropole le contrôle de toutes nos ressources qui devaient nous permettre d’enclencher notre véritable développement. Nous sommes de nouveau sous le contrôle de l’article 55 de la Constitution française, une fois Laurent Gbagbo mis en prison, hors d’état de faire obstacle à cette nouvelle colonisation de l’Afrique. Il n’est pas le candidat choisi par la France parce qu’il veut veiller aux intérêts de son peuple. Recompter les voies pour savoir qui a véritablement gagné les élections est une proposition qui n’arrange ni la France ni l’ONU qui ne veille que sur les intérêts des puissants de la terre qui financent le fonctionnement de cette Institution.

Deuxième dilemme: L’article 55 de la Constitution française et le protectionnisme de la France en Afrique vis-à-vis des pays de l’UE L’article 55 permet à la France d’installer en Afrique des présidents fantoches qui veillent sur les intérêts de la France. Ces derniers empêchent indirectement les pays de l’UE d’investir dans les pays africains indépendants qui devraient être libres, au nom de leur souveraineté, de choisir leurs partenaires économiques, or l’article 55 leur retire toute souveraineté. Laurent Gbagbo, une fois proclamé président de la République par Yao N’Dré, président de la Cour Constitutionnelle de la Côte d’Ivoire se devait de se conformer à la Constitution de son pays qui exige qu’il défende l’intégrité du territoire ivoirien. On ne peut dans un tel contexte, face à une situation de légitime défense lui imputer les 3000 morts de la crise post-électorale, et pourtant le droit international dont est garant l’ONU permet à des directives internationales d’être paradoxalement supérieures à la Constitution de certains pays membres de l’ONU, en niant le verdit de la Cour Constitutionnelle ivoirienne. En accusant Yao N’Dré d’être le responsable de la crise ivoirienne, Alassane Ouattara disculpe, en réalité, Laurent Gbagbo.

Il existe donc des pays membres de l’ONU dont les droits fondamentaux sont protégés et d’autres qui n’en jouissent pas parce que régis par des accords secrets signés sous le poids du chantage politique, de la torture physique ou morale? De tels accords entérinés par l’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 sont-ils légitimes? Le procès de Laurent Gbagbo est un procès purement politique et le verdict de la Haye nous dira si François Hollande qui est garant de l’article 55 de la Constitution française tient à continuer de pratiquer la politique de la Françafrique, ce système odieux du chantage politique ou décide de bâtir les relations avec les pays africains francophones sur la francophonie, sur la culture (la langue) héritée de la France. La langue, la culture sont les moyens modernes, par lesquels l’on conquiert les nouveaux marchés économiques.

Si la crise ivoirienne; cette bombe n’est pas désamorcée la France court les risques de perdre tout en Afrique. Elle ne peut plus se maintenir au moyen de la force parce que les africains comprennent désormais la complexité de toutes les ficelles qu’elle tire pour nous maintenir sous une autre forme d’esclavage.

Quels sont les choix qu’opérera François Hollande face à ces dilemmes? Le verdict de la Haye nous le dira. Concédera-t-il aux peuples africains leur souveraineté ou non?

Isaac Pierre Bangoret
Ecrivain, Paris, France

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