Par Pascal Bouton, Alain Préat, Denis Thiéblemont et Michel Ebang Obiang
En juillet 2010, des recherches menées dans le bassin de Franceville, au Sud-Est du Gabon, dans la forêt équatoriale du bassin du Congo, ont livré des résultats déconcertants. L’équipe d’Abderrazak El Albani, de l’Université de Poitiers, a mis au jour de possibles organismes pluricellulaires eucaryotes (c’est-à-dire dont les cellules ont un noyau) – des métazoaires –, datant de plus de deux milliards d’années.
La signification biologique de ces nouveaux fossiles reste à trancher par les paléontologues. Mais il revient aux géologues de décrire les milieux où ces organismes se seraient développés. C’est le travail auquel nous nous sommes attelés à l’occasion de la nouvelle cartographie géologique du pays, conduite de 2005 à 2010 par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières, en France) pour l’État gabonais. Nous avons redécouvert les sous-sols de cette région équatoriale proche de la ville de Franceville,…
Il y a deux milliards d’années, la région de Franceville, au Gabon, regorgeait de lagunes et de mers peu profondes, sous un climat vraisemblablement chaud et aride. On y trouvait des hauts-fonds recouverts de stromatolithes (à droite), structures minérales édifiées par des colonies de cyanobactéries. En 2008 ont été découverts des fossiles étonnants mesurant quelques centimètres. Ils correspondraient à des organismes marins pluricellulaires (à gauche et au centre) évoluant à plus grande profondeur que celle des platiers à stromatolithes. Ces métazoaires seraient antérieurs de plus d’un milliard d’années aux formes de vie complexe connues jusqu’à présent…
L’essentiel
– Grâce au très bon état de préservation des couches sédimentaires du bassin de Franceville, au Sud-Est du Gabon, les géologues ont reconstitué le paysage tel qu’il était il y a deux milliards d’années.
– Différents types de milieux coexistaient : des platiers, des lagunes salées, des mers intérieures bordées de volcans en activité…
– Une biodiversité importante s’y développait, avec des formes de vie intrigantes qui remettent en cause les hypothèses sur l’apparition des premiers organismes complexes.
L’auteur
– Pascal BOUTON, géologue et créateur de l’entreprise Oolite, est spécialisé en cartographie géologique et en sédimentologie.
– Alain PRÉAT est professeur à l’Université libre de Bruxelles où il dirige l’Unité de Sédimentologie et géodynamique des bassins.
– Denis THIÉBLEMONT, géologue et géochimiste au BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) à Orléans, a dirigé le projet de cartographie géologique du BRGM au Gabon.
– Michel EBANG OBIANG est ingénieur géologue à la Direction des mines et de la géologie du ministère des Mines du Gabon, à Libreville.