L’évènement sportif le plus important du continent noir s’est déroulé, il y a un an, au Gabon et en Guinée Equatoriale, du 21 janvier au 12 février 2012. Au Gabon, le pays a repris depuis longtemps le cours normal de son fonctionnement. Mais les conversations portant sur les moments forts de la 28e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football et surtout sur la prestation de l’équipe nationale, les Panthères, continuent d’animer quelques débats, surtout en ce moment où se joue l’édition suivante en Afrique du Sud.
Au moment où se joue, en Afrique du Sud, la 29e édition de la Coupe d’Afrique des nations, les Gabonais conversent de l’édition qui s’était jouée dans leurs pays. Ils reviennent, pêle-mêle, sur les 3 buts à 0 faciles de la Côte d’Ivoire devant la Guinée avec les 2 buts de Drogba qui avait d’abord raté un pénalty. Ils glosent sur la féérique cérémonie de clôture de la compétition, évoquent la légère victoire, contre le cours du jeu, de la Tunisie face au Maroc. Ils extrapolent sur le Roi Pelé qui est resté près de cinq jour au Gabon, mais surtout, ils reviennent encore et encore sur les matchs livrés par leur onze national, sur ses meilleurs actions et buts, sur la plausibilité qu’avaient les Panthères de jouer ne fut-ce que la demi-finale et sur la magnificence de son héros lors de cette compétition, le milieu de terrain Pierre Emerick Aubameyang.
Dans ce flot de souvenirs, ils se consolent de ce que, certes leur équipe nationale ne l’avait pas remporté mais, malgré une préparation laborieuse, elle avait fait l’essentiel : éviter le ridicule, surtout devant leur président, dont l’implication personnelle et celle de son épouse, Sylvia Bongo Ondimba, qui portait le maillot jaune estampillé n°9, en hommage au fulgurant Pierre Emerick Aubameyang, signifiaient l’engagement du Gabon tout entier à faire bonne figure durant cette fête panafricaine du ballon rond.
Et on se souvient, au terme de la compétition, de ces paroles de Me Louis-Gaston Mayila, homme politique connu pour son franc-parler souvent dérangeant : «Nous disons tout simplement que ces jeunes ont su réveiller les consciences des uns et des autres. Ce qui m’avait beaucoup touché, c’est lorsqu’on élimine le Gabon où j’ai remarqué la désolation de toute la population. Et les Panthères ont fait digne d’éloge, notamment, le petit Pierre Emerick Aubameyang».
On peut également se remémorer le comportement et l’adhésion du public dont on avait redouté la désertion des stades après l’élimination de son équipe nationale. Toutes choses qui avaient démontré que quand un peuple le veut, et s’y met tout entier, il est capable de transcender toutes les difficultés, mêmes les plus «Herculéennes».
Certains continuent d’affirmer que l’organisation de la CAN 2012 n’était qu’une dilapidation des moyens financiers du pays. Mais, à y regarder de près, cet évènement sportif ne comportait pas moins des retombées ou des implications socio-économiques.
L’organisation de la fête panafricaine du football aura coûté au Gabon une «enveloppe estimée à 400 milliards de francs CFA», déclarée le 17 janvier 2012 par Louis Claude Moundziéoud Koumba, porte-parole du Comité d’organisation de cette coupe au Gabon. Celui-ci avait précisé que ce budget avait permis la construction de trois stades et d’autres infrastructures qui «appartiennent au peuple gabonais, à l’Etat gabonais. C’est un héritage pour l’avenir».
Le premier bénéfice économique de la CAN 2012 pour le Gabon a donc été la construction des infrastructures. Sur le plan sanitaire, le Centre hospitalier Amissa Bongo, à Franceville, et l’Hôpital général de Libreville avaient fait l’objet d’importants investissements, afin de les rendre plus performantes durant la compétition. Ils ont ainsi été dotés d’imagerie médicale (scanner, mammographie, écographie 3D, électrocardiogramme, radiologie conventionnelle), de nouvelles unités de chirurgie, de nouveaux blocs opératoires, etc.
En vue de fluidifier la circulation durant la CAN 2012, Libreville avait bénéficié de la construction de trois mini échangeurs, des routes secondaires dans de nombreux quartiers avaient été refaites et recouvertes d’asphalte tandis que 22 km de routes avaient été bitumées pour un accès rapide aux stades de compétition et d’entraînement de Libreville.
La Résidence hôtelière Nomad, un des nombreux hôtels de qualité que la CAN a incité à construire autour de Libreville et Franceville © D.R.
Le premier secteur économique ayant bénéficie de cet évènement sportif aura nécessairement été l’hôtellerie-restauration. Alors qu’à un an de l’échéance, un inventaire commandité par ce qui était alors le ministère du Tourisme concluait à déficit de près de 2 000 chambres, l’Etat gabonais avait mis les bouchées doubles en construisant huit hôtels, dont trois à Libreville, pour les besoins de la compétition. Ils ont accueilli les délégations officielles, la presse internationale et les visiteurs de la CAN 2012. Ces établissements doivent maintenant trouver une place dans un paysage hôtelier devenu plus concurrentiel.
Une autre retombée est que la fête panafricaine du football aura été une vitrine pour le pays, ainsi que l’avait signifié Joseph Antoine Bell en parlant de l’apport du football quant à l’image internationale de son pays le Cameroun, «En une coupe du monde, nous avons fait connaitre notre pays plus qu’en quinze ans de diplomatie». La Coupe d’Afrique des nations aura donc avant tout été une opération de «Nation Branding» qui aurait permis de faire connaitre davantage, à travers le monde, le Gabon, sa forêt, sa savane, ses nombreux sites touristiques et ses potentialités économiques. Grâce notamment à sa couverture médiatique, assurée par divers médiaux internationaux qui ne s’étaient pas seulement contentés de filmer les matchs.
Au titre de la Nation Branding, la capitale gabonaise avait su notamment se mettre sous les feux des différents projecteurs, en attirant à elle, lors de la finale de cette Coupe d’Afrique des nations, disputée le 12 février 2012 par les Eléphants de Côte d’Ivoire et les Chipolopolos de Zambie, les présidents Denis Sassou Nguesso du Congo, François Bozizé de la RCA, Pierre Nkurunziza du Burundi, Yayi Boni du Bénin, Allasane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée Equatoriale, le Roi Mswati de Swaziland, Guy Scott, le vice-président de la Zambie et Kenneth Kaunda, ancien président zambien qui avaient tous fait le déplacement du stade de l’Amitié.
A côté de ces hommes d’Etat, le président Ali Bongo Ondimba avait également réussi à déplacer la légende du football mondial, le roi Pelé, tandis qu’on notait également la présence à Libreville de Sepp Blatter, président de la Fédération internationale de football association (Fifa), de Michel Platini, président de l’Union européenne des associations de football (UEFA). «Jamais une finale de Coupe d’Afrique, pour ne pas dire aussi de Coupe du monde, n’aura connu une telle mobilisation des chefs d’Etat et des hautes personnalités», avait alors noté Esprit d’Equipe, le quotidien gabonais édité spécialement pour cette 28e Coupe d’Afrique des nations.
On ne devrait pas cependant oublier que, si la CAN s’était bien déroulée sur le plan organisationnel, l’affluence des touristes du football n’était pas au rendez-vous. Les petits marchés artisanaux qui comptaient beaucoup sur la fréquentation des supporters n’avaient pas fait recette. «Ils étaient déserts», avait alors affirmé un témoin sur la radio RFI.
Au-delà de la passion qui avait animé les supporters des équipes engagées dans la compétition, la question qui continue de se poser est de savoir comment le Gabon doit gérer les infrastructures sportives construites pour cette fête du football. Les matchs du championnat national professionnel de football, nouvellement instauré, n’attirent pas grand monde et ne se jouent d’ailleurs que très rarement au stade de l’Amitié. Comment donc amener les gabonais à retrouver l’enthousiasme pour le football ? La CAN 2013 en Afrique du Sud va-t-elle réveiller la flamme, même si les Panthères n’y participent pas ? On ose le croire.



