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Appel aux syndicats : pour Jean Rémy Yama, le plus petit d’entre nous

La Bible nous dit que Jean Rémy Yama est, aujourd’hui, « le plus petit d’entre nous ». Il serait dommage, à partir de là, que les syndicats du Gabon laissent cette situation perdurer et le gouvernement des Bongo continuer de brimer ainsi l’un des leurs, en toute impunité, surtout quand on sait que l’homme, sans jugement préalable, a été non seulement mis en prison dans un contexte flou, mais également radié des effectifs de la fonction publique, sans qu’un lien cohérent n’ait été établi entre les actes dont on l’accuse dans le cadre de la SCI Serpentin et son statut d’enseignant fonctionnaire. Or, si l’on en croit le site d’information GabonReview, cette radiation aurait été faite en flagrante violation non seulement des « dispositions de l’article 10 du décret n°866 fixant le statut particulier des personnels enseignants de l’Enseignement supérieur qui exige la tenue préalable d’un conseil d’université », mais aussi « de l’article 134 de la loi n°8/91 portant statut général de fonctionnaires qui lui recommande la tenue d’un Conseil de discipline ».

Jean Rémy Yama, président non seulement du Syndicat national des enseignants et chercheurs (Snec), mais aussi de la plus grande confédération syndicale gabonaise (Dynamique unitaire), fut incarcéré le 2 mars 2022. Cela fait donc plus d’un mois qu’il croupit dans les geôles du régime des Bongo, pour une sordide affaire d’escroquerie et de malversation financière qui cache mal une brimade politique.

Parce que Jean Rémy Yama se doit de devenir le symbole de tout ce que les syndicats, mais aussi les peuples du Gabon, ne peuvent plus se permettre de laisser passer dans ce Gabon meurtri par les Bongo, il m’incombe d’interpeller aujourd’hui les uns et les autres, et surtout tous les chefs syndicaux du Gabon, sur ce qu’il y a lieu de faire pour obtenir la libération immédiate du chef syndicaliste. Pour cela, j’invite les chefs syndicaux à se remémorer les paroles que, dans la Bible, Matthieu attribue à Jésus le Christ. Voici ce que Jésus, selon Matthieu, aurait répondu aux curieux qui lui posaient des questions :

« Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. Les justes lui répondront : Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ? Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites ».

De cet énoncé qui proclame en sa conclusion que « toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites », il ressort deux principes inviolables qu’il est obligatoire d’intégrer dans l’équation de la lutte des peuples : Le premier est celui de la solidarité des luttes et le second celui de la convergence des luttes.

Or, le principe de la solidarité des luttes n’a jamais autant pris son sens que lorsque confronté aux impératifs qui intronisent les droits fondamentaux des peuples. Ceci est d’autant plus significatif que, au Gabon, l’action syndicale est non seulement reconnue comme un droit fondamental parmi ceux stipulés en l’Article Premier du Titre Préliminaire de la Constitution, mais aussi affirmée comme un droit garanti. Tous les syndicats se doivent donc de toujours veiller à protéger par tous les moyens ce droit à chaque fois qu’un gouvernement voudra le défaire ou l’amoindrir en brimant « le plus petit d’entre eux ».

Les paroles de Jésus se doivent donc de devenir interpellatives pour tous les syndicats du Gabon car si Jésus avait parlé aux chefs syndicalistes du Gabon, voici ce que Jésus leur aurait dit : « toutes les fois QUE LE GOUVERNEMENT DES BONGO FERA ces choses à l’un DES SYNDICATS, c’est à TOUS LES SYNDICATS QU’IL LES AURA FAITES » et « toutes les fois QUE LE GOUVERNEMENT DES BONGO FERA ces choses à l’un DES CHEFS SYNDICAUX, c’est à TOUS LES CHEFS SYNDICAUX QU’IL LES AURA FAITES ».

En termes plus clairs, tous les syndicats du Gabon ainsi que tous les chefs syndicaux doivent comprendre que quand une arrestation de chef syndical comme Jean Rémy Yama prend des allures aussi arbitraires, laisser faire c’est concéder au gouvernement des Bongo le droit de défaire, amputer ou amoindrir les prérogatives syndicales qui sont inscrites comme droits fondamentaux dans la Constitution. Laisser Jean Rémy Yama croupir en prison sans que rien de probant ne fût fait pour obtenir sa libération immédiate montrera aux Bongo qu’ils peuvent tout se permettre en toute impunité, et à partir de là personne parmi les autres chefs syndicaux ne sera plus jamais à l’abri des brimades du régime. Dans ce cas, la protection se trouve dans le nombre et, donc, la solidarité des luttes.

Pour éviter toute velléité de pérennisation de ce dangereux précédent, la solidarité des luttes se doit de se muer en convergence des luttes et, à partir de là, mener à la création d’un bloc unifié de tous les syndicats du Gabon – je dis bien TOUS les syndicats du Gabon – qui se doivent de faire aussitôt front commun pour exiger la libération immédiate de Jean Rémy Yama. Ils en ont la capacité puisqu’ils peuvent directement menacer le gouvernement d’actions de protestation généralisées qui viseraient à l’immobilisation totale du pays jusque dans les moindres recoins de son activité économique, et ce tant que Jean Rémy Yama sera en prison. La force, dans ce cas également, serait dans le nombre mais, aussi, dans la convergence des luttes.

Pour qu’une telle solidarité des luttes puisse se mettre en place et, par la suite, finir dans la convergence des luttes, les démarches globales suivantes doivent se mettre rapidement en place :

1) Réunir TOUS les chefs syndicaux en vue d’accorder leurs violons sur la nécessité d’une ou plusieurs actions immédiates en vue non seulement de la libération de Jean Rémy Yama, mais aussi de sa réintégration dans les effectifs de la fonction publique, en attendant qu’une action de justice conforme au droit puisse se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence, selon les principes de la présomption d’innocence. Il s’agira également, ici, de tout faire pour mettre fin, entre autres, aux procédures judiciaires ubuesques gabonaises par lesquelles on incarcère arbitrairement les gens avant que de les avoir jugés dans une Cour de justice.

2) Lancer, après préparation et de manière organisée, un ultimatum clair d’une semaine au gouvernement, au bout duquel si Jean Rémy Yama n’est pas libéré, tous les syndicats du Gabon se mettraient en grève illimitée jusqu’à sa libération. Ici, il ne s’agira plus de faire les choses à moitié en se lançant dans la malencontreuse pratique que nous avons au Gabon de faire des « grèves d’avertissement » d’un jour, qui sont contre-productives et ne servent, généralement, qu’à créer les conditions qui permettent au gouvernement, une fois le fameux « jour » passé, de sévir en punissant individuellement les travailleurs qui ont participé aux grèves ; il s’agira, plutôt, de s’assurer de la protection de tous non seulement par le nombre, mais aussi par le résultat : une fois une grève illimitée de TOUS les syndicats du Gabon est déclenchée, il faut absolument s’assurer qu’elle ira jusqu’à l’obtention du résultat escompté et que, dans le cadre des négociations avec le gouvernement, la protection des travailleurs grévistes sera toujours insérée dans les accords de reprise du travail, ceci pour éviter que le gouvernement ne s’adonne à des représailles contre des travailleurs qui se retrouveraient isolés et sans protection une fois les grèves terminées.

3) Et, en cas de bras de fer prolongé du fait de l’entêtement du régime, passer à l’étape de la politisation directe du discours syndical. Une telle politisation voudra simplement dire rechercher sans ambages la chute du régime incompétent en déclarant que le travail ne reprendra au Gabon qu’avec le départ des Bongo. Il s’agira, à partir de ce moment, d’élargir ce débat de la chute des Bongo à l’ensemble de la population gabonaise, dont les classes politiques et associatives, en vue de l’évincement de la dynastie et du système bongoïstes par la force démocratique de la rue, passage obligé de tout changement politique au Gabon.

4) Ne déclencher ce mouvement que si tous les syndicats les plus immobilisants sont dans la danse : éducation, mines, pétrole, fonctionnaires, régies financières, transport, etc. Il s’agit ici de ne plus rien improviser, pour s’assurer de faire de ce coup d’essai un coup fatal. L’une des leçons des récentes actions associatives au Gabon semble suggérer que quand vous « tenez » le peuple une fois, il faut que cette fois soit la bonne. Faire les choses à moitié avec des actions d’« avertissement » qui laisseraient supposer un second temps de mobilisation autour du même sujet ne comporte aucune garantie que le peuple serait au rendez-vous une seconde fois. Toute action commencée doit donc toujours s’organiser pour aller jusqu’au bout la toute première fois, et les populations doivent y être préparées en amont avec des discours clairs disant clairement ce qui motive l’action, ce que l’on vise comme résultat et ce que l’on attend des populations. Ceci demande non seulement de la préparation, mais aussi de l’organisation.

Ces réflexions ne sont, évidemment, que les grandes lignes qui pourraient servir à orienter une action syndicale collective visant à la protection du droit syndical au Gabon. Vu que l’arrestation arbitraire de Jean Rémy Yama est en ce moment même en train d’être utilisée par le régime des Bongo comme un épouvantail que l’on remuerait à la face de tous les leaders syndicaux pour les intimider et, ainsi, leur signifier qu’aucun d’eux n’est à l’abri des arrestations arbitraires, protéger le droit syndical c’est montrer clairement au régime des Bongo qu’aucun syndicat gabonais n’est prêt à laisser le gouvernement bafouer les protections et les droits fondamentaux que la Constitution garantit non seulement aux syndicats, mais aussi aux peuples du Gabon.

En conclusion, donc, disons clairement ici que le cas Jean Rémy Yama offre aux syndicats l’occasion d’une mobilisation exceptionnelle autour d’un sujet qui devrait les préoccuper tous : la protection d’un droit fondamental garanti par la Constitution. Si les syndicats du Gabon ne se montrent pas capables de se mobiliser autour du principe de « ce que tu fais à l’un, tu le fais à nous tous », il ne faudra pas alors s’étonner quand, demain, les Bongo arrêteront en toute impunité un autre leader syndical jugé « dangereux ». Et à ce moment-là, Jésus vous dira : « Où étiez-vous quand Jean Rémy Yama, le plus petit d’entre vous, souffrait le martyr dans la prison où vous l’avez laissé croupir par votre cruelle indifférence ? »

Parfois, quand un serpent est aussi dangereux, surtout dans un pays comme le nôtre où l’on peut changer la Constitution à tout moment pour l’amputer des droits fondamentaux qui sont garantis aux uns et aux autres, il faut couper la tête du serpent avant que celui-ci ne sorte entièrement de son trou.

Aujourd’hui, Jean Rémy Yama est le plus petit d’entre nous. Demain, à qui sera le tour ?

Dr. Daniel Mengara, Président du mouvement « Bongo Doit Partir – Modwoam »

 

Pr Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir-Modwoam

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