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L’équation Albert Schweitzer

Shweitzer-640Réalisatrice de films documentaires, la Suisse Gabrielle Köstler Kull a produit un film documentaire sur l’hôpital Schweitzer de Lambaréné qui pose des interrogations sur «l’avenir d’une utopie», l’aide au développement et la gestion catastrophique de cet héritage par les Gabonais. Pas du tout pour plaire.

La célébration, à partir du 21 mars, du centenaire de la création de l’Hôpital Albert-Schweitzer de Lambaréné n’enregistrera pas que des sourires. La réalisatrice de films documentaires Suisse, Gabrielle Köstler Kull, 42 ans, est en train de produire un film documentaire qui mettra certainement à mal les autorités gabonaises. Son logline indique qu’il s’agit d’«un film sur la naissance et l’avenir d’une utopie et sur la difficulté de fournir, de manière durable, l’aide au développement.»

Intitulé «À qui appartient Albert Schweitzer ? » et sous titré «L’hôpital dans la forêt : 100 ans après», le film indique que, du fait d’un manque chronique de ressources financières et de luttes de pouvoir, la structure sanitaire vieillotte ne fonctionne qu’approximativement et risque de s’éteindre si jamais elle venait à être cédée au Gabon. Gabrielle Köstler Kull demande au «nom de quoi est-ce que des fondations et associations caritatives de la planète entière devraient soutenir une clinique privée qui est, aujourd’hui, en grande partie financée par l’état gabonais ? Est-ce une façon de préserver l’héritage d’Albert ? Est-ce parce que son œuvre doit continuer à vivre dans ce microcosme utopique ? Est-ce pour qu’un lieu symbole de l’humanisme ne meure pas ? Pourquoi ne pas remettre au peuple ce qui lui appartient déjà ?» La cinéaste souligne que «ces questions iconoclastes vont certainement susciter l’indignation de la communauté mondiale Albert Schweitzer, mais elles méritent d’être posées. Il va de soi que le patrimoine intellectuel d’un génie universel de la trempe d’Albert Schweitzer doit être préservé et fructifié» mais pas dans un contexte où cet hôpital marche très mal et n’est vraiment plus en conformité avec les idéaux humanistes du «Grand Blanc de Lambaréné».

A coups de témoignages, d’images d’archives et d’un reportage à Lambaréné, Gabrielle Köstler Kull démontre que les appareils de diagnostic ne fonctionnent pas, qu’il n’y a pas assez de tubes respiratoires pour les patients, que l’hôpital manque de tout et que personne ne semble s’en soucier. Dans le service de pédiatrie, tous les incubateurs sont inutilisables. Une scène du documentaire montre des sages-femmes en colère qui font fonctionner une couveuse en y plaçant des bouteilles d’eau chaude. Le système D dans une maternité alors que «chaque membre de la nouvelle direction de l’hôpital roule carrosse.»

En 2011, suite aux mouvements de revendication du personnel, le dernier directeur européen, Marc Libessard, de nationalité française, a été remplacé par un Gabonais. Mais les choses n’ont fait qu’empirer : la gestion des fonds récoltés auprès des donateurs internationaux baigne dans le flou total, l’hôpital est quasiment en faillite et ne répond pas du tout aux normes de fonctionnement d’un hôpital privé dans un pays aussi riche que le Gabon. Il y règne un climat délétère entre les employés, ses infrastructures sont déficientes et anachroniques tandis que les soins médicaux laisseraient également à désirer.

Soutenant, le travail de la réalisatrice Suisse, d’autres voix dénoncent la totale soumission de l’hôpital au pouvoir : «Sylvia Bongo étant l’organisatrice des festivités gabonaises de ce centenaire avec des dépenses qui pourraient être utilisées à meilleur escient, même si avec Vamed, groupe autrichien spécialiste en infrastructures hospitalières, des moyens publics sont consacrés à la construction d’un hôpital neuf», note un membre Suisse de la Fondation Schweitzer. En effet, le laboratoire de recherches de l’hôpital Albert Schweitzer qui compte une quarantaine de chercheurs du monde entier va bénéficier de la livraison, prévu pour mars courant, d’un bâtiment flambant neuf.

L’hôpital Schweitzer n’est pourtant pas si mal famé auprès des populations de Lambaréné et même du Gabon tout entier qui y font le voyage pour se faire soigner de maladies dont elles n’ont été guéries nulle part ailleurs dans le pays. Si le village de la léproserie est entretenu pour rester tel qu’à l’époque du «plus grand humanitaire de l’histoire», l’hôpital n’est pas en dessous des normes sanitaires gabonaises, qui ne sont pas celles de la Suisse. Le film de Gabrielle Köstler Kull, qui semble n’éclairer que la face sombre des choses, devrait sortir en salle en octobre prochain et être diffusé sur des chaînes européennes (SRF, Arte, 3Sat, ORF et FR3) en décembre 2013.

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