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Gabon : Libreville verrouillée, Port-Gentil en surchauffe

Après la déclaration des résultats de l’élection présidentielle gabonaise du 30 août dernier, de nombreuses échauffourées ont éclatées dans les deux principales villes du pays, Libreville, la capitale administrative, et Port-Gentil, la capitale économique. L’armée et la gendarmerie ont rapidement maîtrisé la situation à Libreville et depuis 13 heures, la ville est totalement vide, quadrillée seulement par les forces l’ordre. Port-Gentil, par contre, a connue ses plus violentes émeutes depuis les événements de 1990.

© Ndenguino Hans – Port-Gentil, petite ville pétrolière et d’ordinaire plutôt tranquile, a connu dans l’après-midi de jeudi ses violences les plus graves depuis 1993.

L’annonce de la victoire d’Ali Bongo Ondimaba avec 41,73% des voix et la défaite cuisante de ses opposants, ceux-ci ne récoltant que 25,88% pour André Mba Obame et 25,22% pour Pierre Mamboundou, a déclenché la colère des militants des deux opposants. A Libreville, des incidents se sont produits dans au moins deux quartiers populaires. A Plein-Ciel (nord), des carcasses de voitures calcinées étaient visibles sur la voie expresse, qui ceinture la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP. Des jeunes tenaient des discours hostiles à Ali Bongo et à la France, qu’ils ont accusée d’avoir « imposé » aux Gabonais le fils du président Omar Bongo. A Nkembo (est), « des gens cassent ce qui peuvent », a affirmé par téléphone à l’AFP Benjamin Ngouan, un habitant du quartier. Nos correspondants dans ces quartiers nous confirment qu’ils sont confinés chez eux et que l’armée leur “conseille“ fermement de ne pas sortir.

Plus tôt dans la matinée, la tension était montée d’un cran avec la dispersion brutale du sit-in de l’opposition place du 12 Mars, face à l’entrée de la Cité de la Démocratie où siégeait la Cenap. À cette occasion, la plupart des leaders de l’opposition, présents sur place depuis la veille au soir, ont été blessés dans la bousculade. Bien qu’il soit impossible pour le moment d’obtenir des nouvelles sur la santé de ceux-ci, on sait que Pierre Mamboundou, «blessé à la tête et à l’épaule est en lieu sûr», par son entourage qui dit préparer une déclaration. André Mba Obame aurait lui aussi été brutalisé, ainsi que Zacharie Myboto. Ces informations n’étant pas confirmées sont à prendre avec circonspection. Il est en effet très difficile de se déplacer dans Libreville et les informations obtenues par téléphone sont souvent hautement fantaisistes.

Le clan du l’ex-ministre de l’Intérieur ne reconnait pas le résultat officiel du scrutin, affirme à l’AFP un de ses conseillers. «Le procès-verbal de la Cénap (Commission électorale nationale autonome et permanente) n’a pas été signé par les représentants de l’opposition», ajoute-t-il. «Le procès-verbal (des résultats) lu par le ministre de l’Intérieur (Jean-François Ndongou) n’est donc pas légal», poursuit-il, indiquant qu’André Mba Obame était «en sécurité dans un lieu tenu secret».

Les troubles à Libreville n’ont pas duré très longtemps, rapidement réprimés par les forces de l’ordre. Elles se sont limitées à quelques quartiers populaires et on ne cite aucune victime, pas même du côté des manifestants.

À Port-Gentil, des manifestation ont commencé pensant même la lecture des résultats par le ministre de l’Intérieur. Voyant que leur candidats allait perdre, des militants de l’UPG, le parti de Pierre Mamboundou au sein de l’ACR, sont sorti dans la rue et ont attaqué la prison de Port-Gentil, libérant les prisonniers avant de se diriger vers le centre, où des barricades ont été dressées avec des carcasses de voitures. Peu après, La chancellerie détachée de la France à Port-Gentil a été incendié. Selon l’AFP, des éléments de l’armée française ont pris position au Consulat de France de Port-Gentil, incendié par la foule dans la matinée. Total et Schlumberger auraient aussi fait l’objet d’attaques. Une employée du groupe franco-américain Schlumberger, de nationalité polonaise, a été «sérieusement blessée» à la suite de manifestations à Port-Gentil, indique à l’AFP un porte-parole du groupe de services pétroliers. «Elle est en cours d’évacuation pour recevoir des soins mais ses jours ne sont pas en danger», précise-t-il. En dépit de l’intervention des forces de l’ordre, la situation demeurait extrêmement tendue toute l’après-midi. Les boxes de petits commerce attenant au grand supermarché à proximité du consulat ont aussi été pillés. Les manifestants, qui s’en sont également pris aux commerces d’immigrés ouest-africains dans le quartier, jouaient au chat et à la souris avec les forces de l’ordre.

Antoine Lawson, journaliste gabonais à Libreville, attend de voir comment les choses vont évoluer. Il explique à 20minutes.fr: « Je suis allé voir les lieux stratégiques de la ville, où pourraient commencer les débordements. Ils sont quadrillés par la police anti-émeutes. Pour le moment, les deux autres candidats n’ont pas fait de déclarations officielles. Les choses vont certainement monter en puissance à ce moment là. On pourra voir la tendance des réactions à la fin de l’après-midi. » Cependant, rien n’a filtré jusqu’à 18 heures et il est peu probable que les opposants s’expriment publiquement avant vendredi matin.

Le tout nouveau président a prononcé un discours peu après l’annonce de sa victoire. «En ce qui me concerne, je suis et je serai toujours le président de toutes les Gabonaises et de tous les Gabonais. (…) Je suis et je serai toujours au service de tous sans exclusive», déclare Ali Bongo, 50 ans, à son quartier général de campagne, près du centre-ville de Libreville. «A tous les électeurs dont je n’ai pu bénéficier des suffrages, je voudrais qu’ils soient profondément rassurés de ce que je n’en éprouve et n’en éprouverai aucun ressentiment à leur égard», poursuit-il.

Depuis son quartier général de campagne, à Libreville, il a exhorté ceux qui contestent sa victoire à l’élection présidentielle gabonaise d’accepter le verdict des urnes et à ne pas la contester dans la rue. « La compétition est maintenant terminée. Il existe des instances pour les recours », a-t-il confié. « C’est devant ces instances que doivent se tourner ceux qui ont des réclamations à faire ». Pour lui, « le peuple gabonais ne peut être pris en otage, le peuple gabonais ne doit pas être exposé et personne n’a le monopole ni du peuple ni de la rue ». Et de poursuivre à l’adresse des opposants, « tout ce que je peux suggérer, c’est que chacun accepte le verdict. S’étant prêté au jeu, connaissant les règles du jeu à l’avance, chacun doit accepter le verdict des urnes ».

Faute de moyens de communication, en dehors des télévision et radio d’État qui restent muette sur la situation, les rumeurs les plus folles circulent dans la ville par le biais des téléphones portables. Fermés depuis le matin, la plupart des magasins ont toutefois prévu leur réouverture vendredi matin.

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