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Biens de dirigeants africains: pas d'enquête

La cour d’appel de Paris a annulé une décision d’enquêter sur les biens détenus en France par trois présidents africains

Suivant l’avis du parquet, l’instance a infirmé jeudi l’ordonnance de la juge Françoise Desset, jugeant irrecevable la plainte de l’ONG anti-corruption Transparency International (TI) pour « recel de détournement de fonds publics ».

Le dossier vise des biens des familles Bongo (Gabon), Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Obiang (Guinée équatoriale).

La chambre de l’instruction de la cour d’appel a estimé jeudi que les plaignants ne pouvaient arguer d’un « préjudice » dans ce dossier.

« Aujourd’hui, c’est champagne pour l’association de malfaiteurs franco-africains qui organise et tire profit du pillage des deniers publics africains », a réagi l’avocat de TI France, Me William Bourdon. « Mais l’histoire et le droit sont les alliés des dizaines de millions d’Africains qui vont interpréter cette décision comme le retour de l’omerta judiciaire », a ajouté Me Bourdon, qui va se pourvoir en cassation.

Le parquet de Paris avait déjà classé sans suite à deux reprises, en novembre 2007 et septembre 2008, des plaintes simples visant les trois chefs d’Etat africains. D’après TI France, le patrimoine immobilier des trois chefs d’Etat en France s’élèverait à 160 millions d’euros.

En France, une enquête de police avait recensé en 2007 quelque 39 propriétés et 70 comptes bancaires détenus par l’ancien président du Gabon Omar Bongo (mort en juin 2009) et ses proches, 24 propriétés et 112 comptes bancaires pour la famille de Denis Sassou-Nguesso, ainsi que des limousines de luxe achetées par la famille Obiang. Les plaignants estiment que ces biens n’ont pu être acquis qu’avec de l’argent détourné.

La bataille judiciaire engagée en France sur les logements fastueux, les voitures de luxe et les centaines de comptes bancaires de trois présidents africains et de leurs proches, refermée jeudi par la cour d’appel de Paris, a ouvert un débat international sur le dossier dit des « bien mal acquis » africains. Après la déclaration d’irrecevabilité de la plainte émise jeudi par la Cour d’appel, c’est désormais la Cour de cassation qui tranchera en dernier ressort.

Intimidations envers un plaignant et un avocat
Transparency International avait déposé une plainte, en décembre 2008, pour « recel de détournement de fonds publics ». Le Gabonais Grégory Ngbwa Mintsa s’était associé à cette plainte, ce qui lui a valu des brimades des autorités de son pays, dont douze journées d’emprisonnement en janvier. Deux Congolais qui voulaient se joindre à la procédure ont renoncé en expliquant avoir reçu des menaces.

Maître William Bourdon, avocat des plaignants, assure qu’un avocat de Paris se disant mandaté par le Gabon est venu lui proposer d’ouvrir un compte bancaire en Suisse bien garni pour son association, Sherpa, associée à la procédure. Après son refus, un autre émissaire l’aurait mis en garde contre les risques pour son intégrité physique. « Je m’en fous », affirmait l’été dernier l’avocat à Reuters. « Les citoyens africains ont le droit d’agir ». « Quand on paye des impôts, c’est pour avoir accès à l’hôpital et à l’école, pas pour permettre à ses dirigeants d’acheter une Maserati », dit-il à Reuters.

Les « biens mal acquis » de la Françafrique suscitent railleries et démentis
Les immeubles cossus du trésor africain sont devenus encombrants. Un hôtel particulier acheté près des Champs-Elysées pour 18,8 millions d’euros par l’épouse d’Omar Bongo, fille de Denis Sassou Nguesso, a fait l’objet en 2007 d’un simulacre de « saisie » publique par des militants anticorruption, rappelle Reuters.

Un « Tour cycliste des biens d’Omar Bongo » a aussi été organisé, avec comme vainqueurs ironiques les équipes attribuées aux grandes sociétés, dont Total. L’avenue Foch a été symboliquement rebaptisée « avenue des dictateurs »…

La presse satirique s’est jetée sur ce dossier. Charlie Hebdo, par un tour en dessins, a décrit « Les bonnes adresses de la Françafrique ».

Dans Le Figaro du 25 mars, Denis Sassou Nguesso a protesté et assuré ne posséder que deux logements en France. Pour les biens portés aux noms de ses proches, il a dit: « Leur vie n’est pas la mienne, ils l’organisent comme ils l’entendent. »

Omar Bongo fut le premier chef d’Etat reçu à l’Elysée par Nicolas Sarkozy après son élection. Le président français s’est rendu au Congo-Brazzaville le 26 mars dernier. « Qu’il y ait une logique de raison d’Etat dans ce dossier, personne ne peut le discuter. On est dans la caricature. L’indépendance énergétique française, les réseaux Françafrique, le chantage des pays concernés », dit Me William Bourdon.

Les associations anticorruption ont rappelé que Jean-Marie Bockel, qui disait vouloir « signer l’acte de décès de la Françafrique », avait été évincé en mars 2008 du ministère de la Coopération au profit d’Alain Joyandet. « La France a une stratégie (…) qui vise à maintenir une clientèle qui lui est relativement conciliante. Donc, on ferme volontiers les yeux sur les biens mal acquis de certains dirigeants, sur les exactions commises sur les opposants », a déclaré à Reuters Jean Merckaert, de l’association CCFD-Terre solidaire. Pour cette ONG, les « biens mal acquis » des dictateurs mondiaux ne sont pas symboliques mais pèsent des dizaines, voire des centaines de millions de dollars.

L’inventaire des biens détenus en France par trois présidents africains, réalisé par la police financière française en 2007, est le premier document officiel sur le sujet. Ces documents, consultés par l’agence Reuters, ne fournissent pas d’évaluation chiffrée globale mais, au prix du marché, ils valent plusieurs dizaines de millions d’euros.

GABON
Ancienne colonie française, le Gabon est le quatrième producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne. Son ancien président Omar Bongo, au pouvoir depuis 1967, est mort en juin et son fils Ali a été élu en août à son poste. L’avocat de ce dernier assure qu’il ne possède rien en France.
La famille Bongo compte 39 propriétés dans les beaux quartiers de Paris et sur la Côte d’azur, 70 comptes bancaires (dont 11 étaient détenus par Omar Bongo) et au moins neuf véhicules de luxe qui valent environ 1,5 million d’euros, dont certains payés avec des chèques du Trésor public gabonais, comme celui de 390.795 euros signé le 5 février 2004 par l’épouse du président pour l’achat d’une voiture de luxe Maybach 57.

CONGO-BRAZZAVILLE
Ancienne colonie française, le Congo-Brazzaville, cinquième producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne a été dirigé par Denis Sassou Nguesso de 1979 à 1992. Battu aux élections, il est revenu en 1997 après une guerre civile.
La police a recensé 24 propriétés, 112 comptes bancaires et un véhicule d’une valeur de 172.321 euros.

GUINÉE ÉQUATORIALE
Ancienne colonie espagnole, la Guinée équatoriale, troisième producteur de pétrole d’Afrique sub-saharienne, est dirigé par Teodoro Obiang Nguema Mbasogo depuis un coup d’Etat en 1979.
La police a découvert un logement, propriété de son fils Teodorin, qui est ministre de l’Agriculture. Une série de voitures de luxe sont évaluées à 4.2 million euros, deux Ferrari, une Maybach, deux Bugatti, une Rolls Royce Phantom and deux Maserati.

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