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Le Gabon, ce pays où la bonne chère est trop chère

« La terre Promise », un marché de fortune à la Peyrie. Au Gabon, les prix sont parmi les plus élevés du continent africain © DR.
« La terre Promise », un marché de fortune à la Peyrie. Au Gabon, les prix sont parmi les plus élevés du continent africain © DR.
Les gouvernements successifs ont eu beau multiplier les mesures pour ménager le pouvoir d’achat, les prix restent parmi les plus élevés du continent. Et si l’on faisait plus pour importer moins ?

« Lutter contre la vie chère. » Ce refrain, les Gabonais le connaissent bien. Cela fait des années que les gouvernements successifs multiplient les mesures destinées à « alléger le panier de la ménagère », sans parvenir à maîtriser une inflation galopante dans un pays qui importe plus de 80 % de ses denrées. Dans ce petit État pétrolier, où les produits alimentaires sont parmi les plus chers d’Afrique, de nombreux habitants se disent découragés face à la hausse des prix dans presque tous les domaines, alors que le revenu moyen mensuel oscille entre 90 000 et 300 000 F CFA (entre 137 et 457 euros).

« Le loyer, la nourriture, les fournitures scolaires… Les prix ne font qu’augmenter et nos salaires n’évoluent pas à la même vitesse ! » se désole Mireille Mba, secrétaire de direction. « Le kilo de poisson, c’est 3 500 francs. Avant, pour cette somme, on pouvait acheter au moins quatre poissons, maintenant c’est seulement un ou deux… Pour nous qui avons des enfants, c’est difficile », explique Yolande, une femme de ménage qui gagne 100 000 F CFA par mois.

Usure

Dès 2011, le président Ali Bongo Ondimba a reconnu une « hausse abusive des prix des denrées de première nécessité et la surenchère sur de nombreux produits ». « Les marges entre le producteur, le transitaire, le transporteur et le distributeur sont tout simplement exagérées et participent de pratiques spéculatives que je dénonce », a-t-il poursuivi. L’année suivante, l’État décidait de suspendre pendant quatre mois la TVA et les droits de douane sur des dizaines de produits alimentaires et autres biens de consommation courante afin de plafonner les marges bénéficiaires.

La mesure, qui a coûté 11 milliards de F CFA, a été prolongée en 2013. Lait, riz, poisson, viande… les nouveaux tarifs doivent être désormais clairement affichés par les commerçants, qui s’exposent à des sanctions de la Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCC) en cas de non-respect des règles.

Au lendemain de l’adoption du dispositif, le chef de l’État s’est rendu sur les marchés pour vérifier si les mesures étaient bien appliquées. « Quand le président venait sur le terrain, les commerçants faisaient semblant de baisser les prix, mais, dès qu’il tournait le dos, ils les remontaient », dénonce Muriel, une mère au foyer en pleine négociation avec un boucher du marché Mont-Bouët, au milieu des mouches et des abats de viande. « Les premiers mois, on a pu observer des baisses de 5 à 10 % sur les étiquettes de certains produits, mais il y a un relâchement, confirme Christian Abiaghe Ngomo, président de l’association SOS Consommateurs. Les inspecteurs [de la DGCC] ne font plus de contrôle et les pratiques frauduleuses se multiplient à nouveau. »

Palliatif

Parallèlement, pendant plusieurs années, le gouvernement a subventionné les dépenses énergétiques des Gabonais, déboursant 180 milliards de F CFA par an pour maintenir le prix de l’essence à la pompe. Ces subventions ont été supprimées fin janvier. En revanche, l’État continue de mobiliser une enveloppe annuelle de 7 milliards de F CFA pour permettre aux « foyers économiquement faibles » (FEF) d’accéder gratuitement à l’eau et à l’électricité. Mais, pour Christian Abiaghe Ngomo, « la subvention est un palliatif, pas une vraie solution. Les choses n’iront pas mieux tant que le Gabon ne réduira pas sa dépendance vis-à-vis des produits de première nécessité et que la spéculation immobilière continuera de faire flamber les prix du logement », l’un des premiers postes de dépense.

« Nous dépensons des centaines de milliards de francs [300 milliards, selon l’État] pour importer des produits alimentaires de base, mais nous sommes incapables de stimuler notre production agricole. C’est ça, le problème », ajoute le président de SOS Consommateurs. Ce dernier secteur représente aujourd’hui 3,8 % du PIB, bien loin de l’objectif de 20 % d’ici à 2015 annoncé par le chef de l’État peu après son accession au pouvoir en 2009, dans le cadre du programme Gabon vert. La diversification de l’économie, encore très dépendante de la manne pétrolière, reste à concrétiser.

Une nouvelle (et ambitieuse) politique agricole vient toutefois d’être lancée avec le projet baptisé Gabonaise des réalisations agricoles et des initiatives des nationaux engagés (Graine). L’idée est de mettre en exploitation, pendant cinq ans, 200 000 ha de terres morcelées en petites coopératives, grâce à une batterie de mesures d’encouragement, destinées aux jeunes désireux de se lancer dans l’aventure, comme, notamment, le préfinancement de coopératives ou l’octroi de crédits à taux préférentiels.

Mais, pour le moment, cette promotion du « retour à la terre » laisse sceptique, alors que l’immense majorité de la population vit dans les deux principales villes du pays, Libreville et Port-Gentil, où la fonction publique reste le premier employeur. Quant aux métiers manuels et aux petits commerces, délaissés malgré un taux de chômage qui atteint 30 % chez les jeunes, ils restent essentiellement assurés par les immigrés venus des pays voisins.

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