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Gabon: « Les habitants de Libreville vont bientôt manquer d’eau et d’électricité »

Installé en France depuis quelques années, notre contributeur est inquiet pour la situation de son pays, le Gabon. Depuis le résultat de l’élection présidentielle mercredi, qui donne le président Ali Bongo gagnant, de nombreuses émeutes ont éclaté dans tout le pays.

J’ai suivi l’intégralité du déroulement des élections au Gabon. Toute ma famille y vit. J’attendais la même chose que tout le monde depuis l’avènement du multipartisme (depuis 1990, NDLR): une véritable alternance politique au sommet de l’Etat. Au Gabon, il n’y a pas de séparation des pouvoirs, donc l’élection présidentielle est la seule élection qui peut avoir une influence sur l’avenir du pays. Toutes les autres instances y sont soumises. De fait, c’est également à ce moment que les esprits s’échauffent le plus.

Les habitants barricadés depuis plusieurs jours

Il est compliqué d’avoir une vue d’ensemble sur ce qu’il se passe actuellement au Gabon puisque les gens ont peur de sortir. D’après les dires de mes proches, des hélicoptères quadrillent la ville et des milices armées et cagoulées traversent Libreville en pick-up.

On s’attendait à ce que ça soit mouvementé. En 2009, Ali Bongo était déjà passé avec un résultat hautement contesté, mais à l’époque, nous étions encore sous le choc de la mort de son père qui était resté 42 ans au pouvoir. Aujourd’hui, après sept années d’exercice, le bilan est catastrophique! La dette publique a triplé, le budget présidentiel a augmenté de plus de 1000% et il n’y a eu aucune amélioration en termes de logement, d’éducation et de santé. Pour les gens, c’en est trop. Le résultat de ces élections ne représente en rien leur ras-le-bol.

Le porte-parole du gouvernement, qui vient de passer sur les chaînes françaises, est dans un déni total. Mais il le sait: peu d’informations et d’images sortent en raison d’une réduction drastique de la bande passante, rendant très difficile la majorité des échanges avec l’intérieur par internet. Le recours aux applications que l’on utilise pour rester en contact avec ma famille (telles que WhatsApp et Facebook) est impossible. Heureusement, nous pouvons encore nous appeler, mais ça ne va pas durer. Barricadés depuis plusieurs jours, les habitants de Libreville ne vont pas tarder à manquer d’eau potable et d’électricité.

Des messages de menace

Etant très connecté et virulent sur la situation actuelle au Gabon, je sais que je peux être la cible du régime, même à l’étranger. Jeudi, à la manifestation qui a eu lieu place de la République à Paris pour protester contre le résultat de l’élection, il y avait probablement des agents du régime infiltrés. Nous le pensons car, immédiatement après, ceux qui étaient présents ont reçu des messages de menace qui disaient: « On vous voit, on sait ce que vous faites. »

Sur les réseaux sociaux, le régime est passé à l’offensive: il n’y a que peu d’accès internet pour la population, pourtant, le régime publie des contenus sponsorisés (pour lesquels il faut payer pour qu’ils apparaissent en priorité) sur Twitter. En termes d’oppression et de maîtrise de la communication, ils font fort!

Ali Bongo ne partira que par la force
A l’exception de Libreville, il y a des manifestations dans l’ensemble du Gabon. Mais, encore une fois, il est difficile d’avoir des informations sur ce qu’il s’y passe car les quelques journalistes qui ont obtenu un visa sont tous à la capitale. L’information semble cadenassée.

L’Union européenne, la France, les Etats-Unis demandent tous une publication des résultats, bureau par bureau. Ils reconnaissent ainsi qu’il y a un véritable problème. La France ne se positionne pas clairement, car elle ne veut pas être accusée d’ingérence. L’Union européenne, qui a déployé une soixantaine d’observateurs, a émis un rapport préliminaire à charge sur le déroulement de l’élection avant la publication des résultats. Ils y notent les nombreux manquements et cas de fraude.

Au point où il en est, Ali Bongo ne partira que par la force. Les gens soutiendraient même une intervention extérieure qui permettrait de le faire dégager, mais cela revient aussi à ouvrir la boite de Pandore: on ne sait pas combien de temps durerait une telle intervention et des soutiens du président continueraient d’exister (bien que très minoritaires) et de perturber la situation du pays pendant très longtemps.

Propos recueillis par Emilie Tôn

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