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Gabon : Kouchner a-t-il bien travaillé ?

Les services de consultant vendus par Bernard Kouchner au gouvernement gabonais pour l’amélioration du système national de santé publique suscite toujours la controverse. Pour radio France Inter, les rapports du docteur français sont non seulement légers eu égard à leur importante facturation, mais surtout inutiles aux autorités sanitaires gabonaises pour redresser ce secteur laissé à l’abandon.La radio France Inter a récemment rendu public le résultat de ses recherches sur la qualité des rapports réalisés en 2003 par le ministre français des Affaires étrangères sur le système de santé publique au Gabon.

La polémique née autour de ces rapports aux factures astronomiques a poussé ce média à étudier les rapports incriminé pour évaluer leur qualité et leur utilité pour l’amélioration du système de santé au Gabon.

France Inter révèle que le premier rapport daté de 2004, intitulé «Le constat», avec 107 pages, dont 17 pages d’annexes, est cosigné par quatre personnes, à savoir Bernard Kouchner, Eric Danon (un diplomate), Isabelle Stroebel (médecin de santé publique) et Jean-Elie Malkin (médecin de l’OMS).

La première partie du rapport est un constat sans surprise de l’état de délabrement du système de santé gabonais qui fait état des hôpitaux sous-équipés, de l’absence d’encadrement, des médicaments inaccessibles ou de la couverture sanitaire insuffisante.

Malgré ce constat, Kouchner parvient à «observer aujourd’hui un engagement politique fort au profit de la santé. La santé faisant partie des secteurs prioritaires de développement de la politique générale du gouvernement et surtout du Président».

Dans un second rapport de 24 pages remis en août 2004, les consultants font le tour des propositions de réforme envisagées, au terme de leur mission sur place de 24 jours, sachant que l’ancien ministre français de la Santé avait séjourné trois fois une semaine à Libreville en septembre et novembre 2003.

«Pour certains d’entre nous qui avons été à l’origine de Médecins sans frontières, il s’agit non de remplacer un concept par un autre, mais de les compléter tous par celui de ‘malades sans frontières’ en organisant et pérennisant les financements des systèmes de santé des pays les plus pauvres, sous la direction des autorités politiques et des peuples concernés eux-mêmes», stipule le rapport.

Kouchner suggère au passage d’«en finir une fois pour toutes avec un des dogmes les plus difficiles à combattre, celui de la gratuité des soins», afin de «s’orienter progressivement vers une participation aux coûts» à travers «trois axes principaux».

Le rapport propose ainsi la création d’une couverture maladie pour tous les Gabonais, l’amélioration de l’offre de soins et une nouvelle politique des personnels de santé.

France Inter relève que ces réformes ressemblent en tous points au système de soins français et estime qu’elles ne sont pas forcément adaptées pour un pays comme le Gabon, classé 107e à l’Indicateur de développement humain (IDH) du PNUD en 2008.

Dans son livre, «Le monde selon K», à l’origine de la polémique, le journaliste Pierre Péan avance un montant global de 2,6 millions d’euros pour l’ensemble de la mission, mais le ministre Kouchner a fourni une estimation plus modeste dans le journal Le Figaro.

«Je n’ai jamais touché les sommes dont parle Pierre Péan. J’ai été bien moins payé que la plupart des experts internationaux (Banque mondiale, OMS…) J’ai été rémunéré moins de 6000 euros par mois après impôts sur trois ans pour un travail considérable dont tout le monde peut se féliciter», avait rétorqué le ministre français.

Le patron d’Imeda, la société relais d’Eric Danon, avance le chiffre de 1,3 million d’euros, réglés en quatre fois sur trois ans. Quant à l’avocat de Bernard Kouchner, il fait état d’un contrat de 400 000 euros avant impôt. Soit un salaire de 13 000 euros par mois, sur trois ans.

Dans tous ces cas ce figure, le tarif semble bien supérieur à ceux pratiqués sur le marché du conseil, à moins de considérer que Bernard Kouchner ait vendu autre chose que sa compétence d’expert en santé publique, avance le média français.

Sur ce volet, le média dénonce des relations étroites entre le consultant et le chef d’Etat gabonais, auquel il aurait pu dire que «l’hôpital qui porte le nom de ta mère est dans un état inacceptable. C’est inacceptable que tu ne fasses rien pour lui. Tu as l’argent pour le remettre en état!».

Le média public français dénonce enfin un possible plagiat, sachant qu’un an et demi avant de remettre ce rapport en mains propres au président gabonais, un autre rapport, intitulé «Evaluation de la coopération française dans le secteur santé au Gabon (1990-2001)», dressait déjà un état des lieux complet de la situation sanitaire du Gabon.

Ce texte de 160 pages signé par trois experts avait été commandité et publié par la Coopération française qui dépend du ministère français des Affaires étrangères.
Cette mission d’évaluation, la première depuis 1989, avait fait l’objet d’une méthodologie précise et pointait toutes les lacunes de la politique de santé locale, ainsi que celles des programmes de coopération.

«Manifestement, la santé publique n’est pas une priorité et l’Etat ne manifeste aucune volonté d’y remédier. (…) Le Gabon a ainsi pris quinze ans de retard par rapport à de nombreux pays africains en matière d’organisation de système de santé et s’avère incapable à ce jour de mener une politique sanitaire efficace», stipulait ce premier rapport.

Ce document évoquait même déjà au chapitre des solutions un projet de couverture maladie.
Le dernier point soulevé par France Inter est relatif aux discussions qui eurent lieu à partir de 2005 au Parlement gabonais pour mettre en place une caisse d’assurance-maladie, durant lesquelles aucun député gabonais n’avait eu entre les mains le rapport Kouchner.

La vive controverse sur les services de consultant vendus par le ministre français des Affaires étrangères au gouvernement gabonais ouvre là un nouveau paramètre, celui des retombées concrètes de ces travaux pour le système de santé publique au Gabon, où la caisse d’assurance maladie en est à ses premiers balbutiements, et repose sur un système de financement pour le moins exceptionnel: le prélèvement à hauteur de 10% du chiffre d’affaires mensuel des opérateurs de téléphonie mobile.

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