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Gabon: « La formation s’impose dans le secteur journalistique gabonais » Charles Edgar Mombo, universitaire

Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse le 3 mai prochain, qui s’articule cette année autour du thème: « Dialogue, compréhension mutuelle et réconciliation », GABONEWS, comme prévu, donne la parole à un universitaire, Charles Edgar Mombo, critique littéraire au Département de Littératures africaines de l’Université Omar Bongo (UOB) et qui portent un regard froid sur la pratique du journalisme au Gabon.

Docteur Charles Edgar Mombo, la quarentaine, qui est également membre du Conseil international des études francophones et de l’Association internationale de la critique littéraire (AICL), s’exprime sur les questions concernant la liberté et le rôle de la presse dans le processus de développement dans son pays, dans une interview accordé ce mardi à Rostano Eloge Mombo.

Rostano Eloge Mombo Nziengui (REMN): – Quelle appréciation faites – vous sur la liberté de la presse au Gabon?

Charles Edgar Mombo (CEM): – Je tiens tout d’abord à vous signaler que je suis panafricaniste. Il sera dur pour moi de vous donner un avis en faisant une restriction sur un pays. Le Gabon étant une petite sphère qui se trouve au cœur de l’Afrique. A la question de la liberté de la presse au Gabon, il faut dire que c’est en 1990 qu’il y a eu une véritable éclosion du point de vue des organes de presse et du traitement de l’information. Car c’est à cette période où nous avons eu la Conférence nationale créant le multipartisme, par ricochet, qui a permis une certaine liberté de la presse.

Faire le bilan du journalisme gabonais, c’est faire une autopsie sur ce secteur très sensible dénommé « le 4ème pouvoir ». C’est donc voir si le journalisme est enclin à la démocratie. A tout point de vue, sur le plan pratique et politique, les journalistes ne sont pas libres. On peut relever le mutisme, la relation étroite que la presse entretient avec le pouvoir. Il y a, à mon avis, une ascendance du pouvoir sur la presse.

La démocratie sous-tend le respect des autres. C’est pourquoi, le journaliste en général ne doit pas se limiter à la rumeur, prétextant le scoop. Il doit toujours vérifier les contours d’une information avant d’écrire ou parler, de divulguer une information. Je pense que la démocratie gabonaise ne favorise pas la liberté de la presse. Il y a toujours une main invisible. Pour preuve le plus grand nombre d’organes de presse ou des journaux sont des « canards enchaînés » des responsables politiques.

(REMN): – Selon vous, comment expliquer ce que d’aucuns qualifient de dérives journalistiques constatées ces dernières années dans le paysage médiatique gabonais ?

(CEM): – Il y a un véritable problème de formation. La formation s’impose dans le secteur journalistique gabonais. Car je ne pense pas que les journalistes gabonais sont très bien formés. On peut sortir quelques uns du lot. Tous les journalistes gabonais sont généralistes. Or, à l’image des autres pays, on devait avoir des journalistes spécialistes de l’économie, de la culture, de la santé, du sport, de l’environnement etc. En ce moment, c’est du bon marché. Un animateur devient du jour au lendemain un journaliste présentateur du Journal de 20 heures, par exemple.

La formation n’est pas adéquate. On ne retrouve pas de spécialisation dans le paysage médiatique du Gabon. D’où le bégaiement et les divers ratés qui sont dus à la mauvaise appréciation des objets qu’ils ont à traiter.

(REMN): – Outre le manque de formation, n’existent-t-ils pas d’autres aléas sociopolitiques qui freinent l’éclosion de la liberté de la presse au Gabon ?

(CEM): – Tous ces problèmes se résument au manque de formation, je le répète. Ceci se lie au problème de corruption. Si on n’est pas bien formé et compétent, on penche pour l’esprit de facilité: il faut soudoyer les patrons des Rédactions pour bénéficier des missions et des passages télévisés au Journal de 20 heures ou dans diverses émissions. Il y a aussi un problème moral. Tous les citoyens qui font partie des corps de métiers ont une identité à préserver. Je pense à ceux de la santé, de l’éducation, de l’armée, des journalistes pour ne citer que ceux-là. Tous ces derniers sont passibles de critiques.

(REMN): – Quelles solutions préconisez-vous pour que le journaliste soit acteur de dialogue, de compréhension mutuelle et réconciliation au Gabon ?

(CEM): – Il faut d’abord urgemment faire un toilettage des rédactions tant dans celles du public, du parapublic que du privé. Il faudrait donc faire un tri entre journaliste professionnelle et animateur, d’une part et reporter et collecteurs d’informations d’autre part. Il faut mettre l’accent sur le traitement de l’information.

En pensant, j’accuse tous les intellectuels africains y compris les universitaires que j’incarne. Ils n’ont pas pu réaliser toutes les actions révolutionnaires impulsées par Luther King, Kwame Nkrumah, Gandhi, Senghor et Césaire qu’on célèbre depuis le 17 avril. Nous n’avons pas pu associer ce qu’on a appris avec la raison pratique. Nous devons tous y compris les journalistes se questionner sur notre rôle dans le développement de nos pays respectifs. Il ne manque pas des intellectuels en Afrique mais pourquoi nous assistons à ce marasme qui paralyse tous les secteurs.

Je pense que les intellectuels gabonais doivent tous démissionner de leur fonction. Depuis 1930 des personnalités comme Césaire et les pères de la Négritude se battent pour redorer le blason de l’intellectuel africain. Mais, qu’en est-il aujourd’hui ? Personne ne suit. Nous préférons servir nos ego. Comme le dit le philosophe camerounais Ebénézer Njoh-Mouellé (NDLR : né le 17 septembre 1938, Ebénézer Njoh-Mouellé est un philosophe et homme politique camerounais. Il est titulaire d’un doctorat d’État ès lettres et Sciences Humaines, délivré par la faculté de la Sorbonne) nous sommes passés de la méritocratie à la médiocratie.

Et même si on utilise la voie de l’écriture. Il faut écrire pour être lu. Et quel est le statut de celui qui écrit. Le développement ne peut venir que lorsque nous aurons pris notre responsabilité dans toutes nos entreprises. On doit répercuter cette éthique aussi bien dans notre vie quotidienne que dans nos rapports avec autrui.

Le diseur du mot est responsable. L’Afrique et le journalisme avec elle se meurent à cause des intellectuels africains. Nous sommes devenus des champions aux vols, aux détournements de biens publics, aux favoritismes, à la corruption. Les intellectuels africains, le journaliste dont il est question ici ne reflètent plus leurs formations. Au lieu d’apprendre de « lier le bois au bois », nous avons appris à voler.

Charles Edgar Mombo, enseignant au département de Littératures Africaines à l’Université Omar Bongo de Libreville, est l’auteur de L’Instit. son premier recueil de nouvelles d’une cinquantaine de pages, sorti chez EdiLivre début 2009 dont le code ISBN est 9782812108372.

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