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L'affaire des "biens mal acquis" relancée à Paris

Trois chefs d’Etat africains pourraient répondre devant la justice française d’accusation de prédation commis au détriment de leur peuple. Juridiquement incertaine, politiquement explosive, l’affaire des « biens mal acquis » a rebondi, mardi 5 mai, lorsque Françoise Desset, doyenne des juges d’instruction du pôle financier de Paris, a jugé recevable la plainte pour « recel de détournement de fonds publics » visant les présidents Omar Bongo du Gabon, Denis Sassou-Nguesso du Congo et Teodoro Obiang de Guinée équatoriale. Conséquence : une information judiciaire peut être ouverte. La procédure met en cause l’acquisition par ces chefs d’Etat en France d’un imposant patrimoine d’immeubles et de voitures de luxe, au détriment du budget de leur pays (Le Monde du 1er février 2008).

Cette plainte avec constitution de partie civile avait été déposée le 2 décembre 2008 par la section française de l’organisation non gouvernementale (ONG) Transparency international (TI), et par un contribuable gabonais. Sa recevabilité supposait l’existence d’un « intérêt à agir » des plaignants. La juge a estimé que cette exigence était satisfaite s’agissant de TI dont l’objet d' »engager toutes actions ayant pour effet de (…) lutter contre les pratiques illégales (et) toutes formes de corruption ». En revanche, elle a déclaré irrecevable la plainte déposé par Gregory Ngbwa Mintsa, un ressortissant gabonais qui estimait avoir été lésé en tant que contribuable par les détournements attribués au président Bongo.

Cette décision, qualifiée d' »historique » par Daniel Lebègue, président de TI-France, a été rendue contre l’avis du Parquet de Paris. Dans une note adressée le 8 avril à la juge d’instruction, le procureur de la République estimait que l’ONG ne pouvait justifier d’un « préjudice personnel et direct » liés aux agissements qu’elle entend dénoncer. Il estimait que l’association « ne saurait être directement et spécialement touchée par (ces) faits, eux-mêmes peu circonscrits ».

LA FIN DE L’IMPUNITÉ

La juge a préféré donner raison à William Bourdon, l’avocat de TI qui, dans une note en réplique, avait souligné la tendance de la Cour de cassation à reconnaître plus extensivement le droit des associations à se porter partie civile. Il avait ainsi plaidé l’existence d’une « corrélation extrêmement étroite entre les faits dénoncés (communément qualifiés de) grande corruption internationale, et l’objet de l’association ».

C’est la première fois que la justice reconnaît la légitimité d’une action pénale diligentée par une association contre des chefs d’Etat en exercice pour des faits de corruption, soulignent les auteurs de la plainte. M. Lebègue salue « le début de la fin de l’impunité » et rappelle son but ultime : obtenir la « restitution des avoirs volés » aux populations privées de soins ou d’écoles du fait des détournements présumés. On en est loin. La décision rendue mardi est soumise à l’appel du Parquet.

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