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La France orpheline d’Omar Bongo

Omar Bongo n’est plus en grande forme. Fils et fille disputent une âpre bataille pour la succession du père, doyen des chefs d’Etat africains.

« Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Cliché du continent, le proverbe africain a au moins le mérite de s’appliquer à merveille à Omar Bongo, le président du Gabon. A 73 ans officiels, bien plus selon ses artères, et 41 ans de présidence, le doyen des chefs d’Etat africains, patron du petit émirat pétrolier d’Afrique centrale, approche de la fin. Hospitalisé depuis le début du mois de mai dans une clinique de Barcelone, le mollah Omar n’est pas bien vaillant. Et avec sa disparition, ce sont bien des archives des relations incestueuses entre la France et l’Afrique qui vont se perdre. Commissions pétrolières englouties, financement des partis politiques français, dessous du pillage du continent et de quelques coups d’Etat fumeux…Un monde qui s’écroule avec celui qui avait l’habitude de dire qu’il « avait autant d’amis à droite qu’à gauche ».

Au nom du Père, du fils et de la fille

Déjà, les mauvaises langues du château assuraient, en fin d’année dernière, qu’il « ne passerait pas l’hiver ». Au moins aura-t-il vu le printemps. Mais plus ? « Il veut rentrer, il en a assez de l’hôpital, mais ses médecins ont dit encore deux semaines », se convainc son premier cercle, que Bakchich a pu rencontrer. Cornaqués par sa directrice de cabinet de fille, Pascaline Bongo, les émissaires du président font l’aller-retour entre Paris et Barcelone depuis le début du mois. Les envoyés du Omar bisquent sitôt qu’on leur parle de la succession du patriarche. « Il n’y a qu’une petite bande de révolutionnaires qui osent en parler ».

Directement visés, le ministre de l’Intérieur, André Mba Obame et surtout Ali Ben Bongo, ministre de la Défense, fils du patron et adoubé par l’Elysée. Tout fiérot, le flambeur quinqua, autrefois copain de bringue du roi Mohammed VI et du fils du président sénégalais Karim Wade, a été reçu par Claude Guéant et Nicolas Sarkozy… Et en a même fait la publicité à la télévision gabonaise. « L’Elysée a assuré Mme Pascaline qu’Ali les avait piégés, qu’il n’était pas leur favori ». N’empêche, fifille grogne dès lors qu’on parle d’Ali. « Son côté Maman protectrice est ressorti depuis la maladie de son père ».

Et ses affidés, dans les couloirs du Concorde Lafayette où ils ont leurs habitudes, près de la porte Maillot, ne sont pas là que pour faire les boutiques. Plutôt pour compter leurs « amis », distribuer des enveloppes en liquide aux scribouillards – que peu refusent, « sinon ils savent qu’ils nous vexent », s’amuse le ministre qui papote avec Bakchich ; et lancer des messages très clairs. « Vous savez, le Gabon perdrait beaucoup avec la mort du président, mais la France encore plus, surtout si les relations se détérioraient ».

France et Gabon, brothers in arms

Vexé par les multiples plaintes d’ONG en France concernant son patrimoine immobilier, Bongo a déjà montré les dents. Résultat, sitôt ouvertes, les plaintes ont été bloquées par le parquet… Mais cette fois, les menaces sont moins voilées. Et le discours bien rôdé. Ali s’avère bien plus tenté par la Chine ou les Etats-Unis que Pascaline. Bref, la rupture contre la continuité… « Vous savez, aucun Gabonais n’a de grande entreprise en France. Le Gabon n’a aucun intérêt dans le pays. Quand les Français exploitent chez nous le pétrole, le bois, les mines », ajoute l’émissaire. Une relation privilégiée qui a beaucoup trait à Bongo selon ses ouailles. Et qui pourrait s’en aller avec lui, si la France fait le mauvais choix. Au hasard, le peu de regards portés par l’administration sur les reversements des entreprises françaises, notamment pétrolières, à l’Etat… « Vous savez les ristournes qui sont accordées à Total ou Areva risquent de disparaître avec le président si la France ne fait pas attention ». Et d’enfoncer le clou. « Parfois mêmes des gens vont le voir pour dire ce n’est pas normal, notamment les gens d’Ali, en disant : ils ne donnent pas assez et le président les éconduit en disant : la France ce sont nos frères, on ne va pas les embêter avec ça ».

Les soucis, comme dans les vieilles familles pleines de secrets, sont laissés aux héritiers. Et les missi dominici de Pascaline de se faire philosophes. « Les soucis du Gabon sont aussi ceux de la France ».

par Xavier Monnier, Bakchich.info

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