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Omar Bongo, le crépuscule du sorcier

Omar Bongo, 73 ans, dont près de 42 d’un règne sans partage sur le Gabon. Itinéraire d’un fils d’Afrique choyé par une France qu’il a tant servie.

Ainsi, le « doyen » s’apprêterait-il à rejoindre le pays des ancêtres. Omar Bongo Ondimba, alias OBO, vétéran des chefs d’Etat africains et seul maître à bord du rafiot gabonais depuis 1967, lutte contre la mort. Tandis que son entourage combat la rumeur de son décès, de nouveau démenti ce lundi.

Quand l’heure aura sonné, il s’éteindra après avoir beaucoup brûlé. Lui quittera la scène, non pas balayé par une révolte populaire, un putsch ou une révolution de palais, ni désavoué par les urnes, mais terrassé par un cancer intestinal. Le « boss », le « présida » – ainsi le désigne-t-on à Libreville – aura rendu les armes amer et usé. Meurtri par le décès, le 14 mars à Rabat (Maroc) au terme d’une longue et lente agonie, de son épouse Edith-Lucie, fille du Congolais Denis Sassou Nguesso. Dépité du lâchage – pour l’essentiel imaginaire – de cette France qui le choya tant et qu’il servit si bien. Trop las, aussi, pour avoir orchestré à temps une succession dynastique que se disputent les figures de proue de sa descendance pléthorique. « Omar, prédisait en 2005 un de ses intimes, mourra au pouvoir. Il ne vit que pour ça. »

Nul doute que ses pairs blancs et noirs activeront, le moment venu, le moulin à louanges posthumes. Hommage au « sage de l’Afrique », qui sut grâce à son art consommé des alchimies ethniques et régionales préserver sur ses terres la paix civile, au coeur d’une Afrique centrale ravagée par la guerre. Honneur à « l’homme de paix », si prompt à jouer les médiateurs dès qu’un conflit menace, le téléphone dans une main, le carnet de chèques ou la mallette de cash dans l’autre. Gratitude aussi, mezza voce cette fois, envers le « parrain » qui chaperonna et finança tant d’ambitions sur l’échiquier politique hexagonal ou au sein de la caste des avocats déférents, des émissaires retors, des conseillers flagorneurs et des journalistes à l’éthique élastique.

Mais ce rituel concert d’éloges ne saurait masquer les failles cruelles d’un règne de 42 ans. Emirat pétrolier du Golfe de Guinée, par ailleurs généreusement pourvu en uranium, minerais et bois précieux, le Gabon ressemble à s’y méprendre au royaume de l’injustice sociale. Un fossé béant sépare les nantis, barons du régime en tête, de la piétaille des bas-quartiers. Rarement l' »or noir » aura autant mérité la sombre tonalité de son surnom. Car l’ami Omar, prénommé Albert-Bernard jusqu’à sa conversion inattendue à l’islam, en 1973, a aussi mal préparé l’après-pétrole que l’après-Bongo. Les deux richesses nationales ont ceci en commun d’être mortelles – « Je ne suis pas éternel », confiait le « Boss » en 2005, sans trop y croire. L’une et l’autre ouvrent, à l’heure du trépas, une ère d’incertitude, sinon de vertige.

Un chiffre: en quatre décennies, le Bongoland, pourvu d’un revenu par tête équivalent à celui du Portugal, a asphalté moins de mille kilomètres de route. Soit en moyenne 25 par an: pas de quoi se vanter. Pis, au palmarès du développement humain établi par l’Onu, il végète au 124e rang sur 177. Cherchez l’erreur. En jetant une lumière crue sur le patrimoine immobilier du clan familial, l’affaire dite des « biens mal acquis », que Paris tente vainement d’étouffer, aura mis en évidence la propension à confondre budget de l’Etat et cagnotte personnelle. Confusion qu’attestait déjà les myriades de comptes bancaires détenus aux Etats-Unis, en Europe ou dans une poignée de paradis fiscaux.

S’il céda parfois à la tentation de la brutalité, au point de commanditer en 1979 l’assassinat à Villeneuve-sur-Lot du peintre en bâtiment Robert Luong, amant de la première Première Dame Marie-Joséphine, jamais le fils de paysan d’ethnie téké ne grossit la cohorte des satrapes sanguinaires du continent. De là à dépeindre en pionnier de l’épopée démocratique le despote tempéré à la petite stature et au port altier, adepte des lunettes noires, du col Mao et de la fine moustache…

A l’orée des années 1990, âge d’or de ces « conférences nationales » fatales au mono-partisme, le patron du Parti démocratique gabonais (PDG) sent son trône vaciller. Il consent donc à reculons à lever l’oukase. Mais l’histoire de cette « ouverture » est aussi celle d’un double dévoiement. Dévoiement par la fraude électorale d’abord: accoutumé aux triomphes soviétiques – 1973, 1979 et 1986 – OBO l’emporte en 1993 d’un souffle pour le moins suspect. Dans tel arrondissement de la capitale, on dénombre autant de votants que d’habitants; preuve éclatante de précocité citoyenne.

Dévoiement par l’argent ensuite: le système Bongo, non content de rétribuer en liquide l’électeur méritant, achète le ralliement de dissidents parfois fictifs. A l’automne 2005, la nébuleuse présidentielle attire ainsi dans son sillage 42 partis d’opposition à l’audience confidentielle. Au coup de balai, le Palais du bord de mer, bunker kitsch et marmoréen récemment rénové à grand frais, préfère le maniement de l’aspirateur. Reflet du génie d’équilibriste du « patron », le gouvernement du Gabon, mo-saïque ethnique et monarchie clientéliste, compte 52 ministres dont dix ministres d’Etat, ratio unique au monde au regard d’une popu-lation estimée à 1,4 million d’âmes. Mention spéciale au « vice-premier ministre à la présidence de la République, chargé de la Refondation, des Droits humains, de la Coordination des Grands Travaux et des Fêtes tournantes ».

Adepte des bottillons à semelles compensées, le « grand camarade » aura ainsi conduit son attelage en chef de village paternaliste et madré, sous le regard bienveillant de l’ancienne métropole coloniale, et ce quel que soit le pedigree du locataire de l’Elysée. De fait, il n’a pas volé son diplôme honoris causa de docteur es-Françafrique, gage d’une loyauté certes ombrageuse, mais qui vient de loin.

C’est à Brazzaville, phare de l’Afrique équatoriale française (AEF), qu’Albert-Bernard Bongo, fils de paysans de la province du Haut-Ogooué et orphelin de père, décroche un emploi dans les Postes. C’est aussi à Brazza que, sous l’influence d’un inspecteur général des PTT nommé Naudy, il tâte du syndicalisme, s’encarte à la SFIO – l’ancêtre du Parti socialiste – et découvre la franc-maçonnerie, prélude à une initiation formalisée à Angoulême sous la houlette d’une autre « métro », Pierre Bussac (1).

Un rien frondeur, le jeune méritocrate aurait même bravé les matraques coloniales. Péché véniel aux yeux d’une administration prompte à repérer à Fort-Lamy, la future N’Djamena, théâtre de son service militaire, un sous-officier futé. Retour du Tchad, Bongo met ses talents au service d’un Gabon fraîchement indépendant. Aux Affaires étrangères, puis au cabinet du président Léon Mba. Bosseur, il gravit les échelons à marche forcée. A tel point que l’influent Jacques Foccart, le sorcier africain de Charles de Gaulle, songe à lui pour suppléer Mba, miné par un cancer, et escorte l’impétrant jusqu’au Château. « Un type valable », tranche le Général (2).

Reste à arracher l’aval du mourant quant au bricolage constitutionnel qui, dès son décès, propulse le vice-président à la magistrature suprême. Voilà comment, quelques mois avant Mai 68, un « type valable » de 32 printemps devient le plus jeune chef d’Etat de la planète. C’est d’ailleurs à Paris, dans l’enceinte de l’ambassade gabonaise, que l’élu des Français prête serment. Et à Paris que, après les émeutes déclenchées par la mascarade électorale de 1993, il signe avec ses rivaux floués un compromis.

Bongo pourra bien, de feintes colères en bouderies, brouiller son aura d’allié favori. Jamais il ne se dérobe. Le tuteur bleu-blanc-rouge épaule, à la fin des années 1960, la vaine sécession du Biafra, région rebelle du Nigeria? Il mise à juste titre sur l’appui de son protégé tropical. Paris et Rabat rêvent, en 1976, de déloger au Bénin le marxiste Kérékou? L’appui logistique de Libreville leur est acquis. Et tant pis si la mutinerie animée par Bob Denard, alors expert en sécurité de la présidence gabonaise, vire au fiasco. Mercenaires, vétérans du renseignement, diplomates de choc: l’ami Omar attire à sa cour d’insolites supplétifs. Maurice Robert, ambassadeur venu des services secrets via Elf, Maurice Delauney, proconsul de fait, Pierre Debizet, sulfureux patron du Service d’action civique (SAC), conseiller du prince jusqu’en 1981, ou Loulou Martin, intime de Jean-Marie Le Pen et un temps patron de la Garde présidentielle.

L’ancien de la SFIO n’est pas sectaire. Tour à tour gaulliste, pompidolien, giscardien, mitterrandiste, chiraquien fidèle puis sarkozyste contrarié, il déroute jusqu’à ses familiers. Ainsi en 1973, lorsque l’animiste repenti embrasse la foi du Prophète pour complaire aux Saoudiens, au grand dam d’une population majoritairement chrétienne. Et cinq ans après avoir opté pour le catholicisme à la seule fin d’obtenir une audience chez Paul VI. Reste que le converti n’a jamais vraiment abjuré sa foi en la France, ni négligé le pouvoir prohibitif que sa loyauté d’airain lui conférait. A un quart de siècle de distance, il exigera et obtiendra la tête de deux titulaires du portefeuille de la Coopération. Le socialiste Jean-Pierre Cot, perçu comme un dangereux boutefeu tiers-mondiste, dès 1982; et, en mars 2008, le catho de gauche Jean-Marie Bockel, coupable d’avoir prétendu « signer l’acte de décès de la Françafrique ».

Il paraît que les histoires d’amour finissent mal en général. De fait, l’idylle franco-gabonaise aura viré à l’aigre sur le tard. En mars dernier, pour être précis. « Biens mal acquis », saisie de deux comptes bancaires: voilà l’Elysée et le Quai d’Orsay soupçonnés de complicité avec les mystérieux cerveaux d’un complot ourdi sur les bords de Seine. OBO, cible à l’en croire d’un acharnement inepte, se sent trahi, blessé. Et pour cause: des décennies durant, il a bénéficié en pays gaulois d’une forme d’immunité. Quitte à émettre, quand la justice française lui mordillait les mollets, des messages plus ou moins subliminaux, reçus cinq sur cinq à Paris. Tel fut le cas au plus fort de l’affaire Elf. Sur la forme, les mises en garde de El Hadj Omar Bongo Ondimba varient. Du billet signé Makaya à la Une de L’Union, seul quotidien national, et souvent inspiré par le palais, au livre d’entretien codé. Il arrivait aussi à Bongo de lâcher au détour d’une conversation téléphonique avec Chirac, de sa voix traînante et chuintée, une sentence laconique: « Jacques, tes petits juges m’emmerdent ».

Longtemps, les magistrats tricolores ont d’ailleurs été invités à ne pas importuner la figure de proue de la Françafrique. Laquelle en avait suffisamment sous la talonnette pour, sinon faire trembler la République, du moins épouvanter le landernau franco-français, dont il connaît à merveille les arrières-cuisines. Lui sait mieux que quiconque les largesses dont il a gratifié, au gré des campagnes électorales, les avatars du néo-gaullisme, mais aussi tel ponte du PS ou du Front national. Pas sectaire, vous dit-on. Ces habiles investissements lui ont valu indulgence plénière. Mais alors que son emprise et sa vigueur déclinaient, le vent s’est mis timidement à tourner. « Nos amis africains, avance un conseiller élyséen, doivent comprendre que les temps ont changé. Que les médias et les magistrats peuvent se montrer chez nous jaloux de leur indépendance. Ajoutez-y la pugnacité des sociétés civiles et des ONG… »

Sous l’oeil d’Allah, du Dieu des chrétiens et des fétiches du bois sacré, Omar, dernier pachyderme d’une Afrique révolue, a-t-il déjà rejoint le cimetière des Eléphants? Une certitude: son dernier voyage sonnera-t-il l’heure d’un changement d’époque.

Exprimez-vous!

  1. LA TRADUCTION LA PLUS SIMPLE EN LANGUE GABONAISE SERAIT—-> OMAR BONGO ONDIMBA A MA FOUA…. A WOU YANG…A KANG…EBOUALE MOTE EKAN EN ENFER.

    ADIEU SATAN.

    MILANG MI SI.

  2. Barcelona. (Agencias).- El presidente de Gabón, Omar Bongo, ha fallecido a las 14.00 horas de la tarde en la Clínica Quirón Barcelona, donde estaba recibiendo tratamiento por un cáncer, según ha sabido ‘La Vanguardia’ en fuentes del entorno presidencial.

    Omar Bongo, en una imagen tomada en 2006 / AP/Salvatore di NofliMÁS INFORMACIÓNEl séquito del presidente de Gabón se mueve entre el lujo y la discreción en Barcelona
    El presidente de Gabón, ingresado en una clínica de Barcelona en estado grave

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    El primer ministro de la República de Gabón, Jean Eyeghe Ndong, desmintió en rueda de prensa a las 10.30 horas las informaciones periodísticas que confirmaban la muerte del presidente, si bien unas tres horas después otras fuentes sí constataban que había muerto.
    En su comparecencia ante los medios, Ndong explicó que esta misma mañana visitó a Bongo junto con el presidente de la Asamblea Nacional, el ministro de Asuntos Exteriores, el jefe de Gabinete del presidente de la República y altos representantes de la familia, y constató que « el presidente está con vida », tras reunirse con el equipo médico que lo está tratando. Recordó que Bongo ingresó en la clínica para un chequeo médico completo y agradeció al personal médico el trato dado al presidente.

    Lamentó que la noche de ayer los medios de comunicación franceses difundieran la muerte del presidente de Gabón, interrumpiendo momentáneamente su programación, lo que « sorprendió enormemente al pueblo gabonés y a las más altas autoridades de la República ».

    El Gobierno de Gabón siempre ha mantenido que Bongo se encontraba en España para hacerse un « chequeo médico » y porque había sufrido una « conmoción de muy fuerte intensidad emocional como consecuencia de la muerte prematura de su joven esposa ». Por ello, asegura la versión oficial, decidió « tomarse algunos días de reposo » en España.

    El Hadj Omar Bongo Ondimba fue el mandatario más longevo del continente y el presidente con más años en el poder del mundo (sólo le superan algunos monarcas, como el Rey de Tailandia o la Reina del Reino Unido). Llamado afectuosamente ‘Papá’, en 1967 accedió a la Presidencia tras la muerte del primer presidente desde la independencia de Francia en 1960, Léon M’Ba.

    En 1968 instauró un sistema de partido único que continuó hasta 1990, cuando el Gobierno cedió a las protestas populares y a la presión internacional, pero su formación, el Partido Democrático Gabonés (PDG), ha ganado ampliamente desde entonces todas las elecciones, las cuales, según la oposición, se han caracterizado por un fraude masivo

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