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La France préoccupée par le processus de succession d'Omar Bongo, au Gabon

Un mois après la disparition d’Omar Bongo, la France voudrait apparaître comme un observateur neutre dans le processus encore incertain de succession à l’homme qui régna pendant 41 ans sur le Gabon en toute complicité avec Paris. Le président Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner se sont donné le mot. « La France n’a pas de candidat », a répété le ministre des affaires étrangères, jeudi 2 juillet à Dakar. « Moins la France s’occupera de la succession gabonaise, mieux elle se portera », renchérit une figure de l’UMP.

Ce retrait apparent masque la vive préoccupation des responsables français. La qualité démocratique du processus constituera le premier test de la volonté de « refondation » des relations franco-africaines revendiquée par le président de la République. Qui plus est dans le pays le plus emblématique du caractère opaque et incestueux de ces relations depuis près de cinquante ans. En outre, plane sur le Gabon le souvenir amer des successions ratées et des élections sanglantes (Côte d’Ivoire, Congo, Togo) auxquelles la France a été mêlée.

Or le scénario est loin d’être écrit dans un pays qui n’a jamais connu de succession ouverte. Une concertation est en cours avec les partis politiques sur un point crucial : le calendrier de la révision des listes électorales. Celles-ci, selon de nombreux observateurs, sont lourdement lestées d’électeurs-fantômes. En outre, de nombreux Gabonais, sans illusion sur l’honnêteté des scrutins, ne s’y sont jamais inscrits. Les partis de l’opposition, dont quatre candidats sont déjà déclarés, réclament leur réouverture et un délai de plusieurs mois avant l’élection présidentielle censée se tenir « avant le 6 septembre », selon la récente décision de la cour constitutionnelle.

Face à eux, les tenants du Parti démocratique gabonais (PDG), fondé par Omar Bongo, se satisferaient d’un simple toilettage des listes électorales. Leur problème est ailleurs : éviter l’implosion à cause de candidatures multiples.

Outre Ali Bongo, le fils aîné du président défunt et ministre de la défense, pas moins de neuf candidats briguent l’investiture de l’ex-parti unique qui pourrait être annoncée le 18 juillet. Cet afflux de prétendants rompt spectaculairement avec la tradition qui faisait d’Omar Bongo l’éternel « candidat naturel » du PDG.

Pressé et contesté, Ali Bongo est déjà parti en campagne. Des communiqués diffusés par la télévision publique font état d’appels de la « jeunesse gabonaise » en faveur de sa candidature et de collectes de fonds. Logiquement, son intérêt serait que le scrutin se tienne rapidement et utilise les mêmes listes électorales que celles qui assuraient à son père des scores dignes de républiques bananières.

Ce souhait de promptitude est défendu par la France. « Les transitions qui durent peuvent se transformer en cauchemars », indique-t-on à l’Elysée où l’on évoque le risque de dérapage ethnique. On estime à Paris que deux enjeux dominent : « La stabilité du pays (et non celle du régime, précise-t-on), et la qualité démocratique de la transition. » Le processus, ajoute-t-on, doit être « aussi exemplaire que sous la présidence d’Omar Bongo ».

Mais tandis que des diplomates de l’Elysée affichent une certaine prudence à l’égard d’une candidature d’Ali Bongo, l’entourage proche du chef de l’Etat voit en ce dernier un homme « plutôt francophile » bénéficiant d' »un certain nombre de ralliements autour de lui ».

Pour Robert Bourgi, héritier des réseaux gaullistes en Afrique aujourd’hui proche de M. Sarkozy, « Ali sera le seul candidat du clan Bongo ». « Mon candidat, c’est lui. Or, je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy », avance cet avocat qui s’est fait une profession d’obtenir des entrevues auprès du président français pour des personnalités africaines. « Ali privilégiera les entreprises françaises, il en finira avec les micmacs d’un autre temps », plaide encore M. Bourgi. Il suggère qu’il proclame tout haut ce que l’exécutif français pense tout bas.

LE CANDIDAT DE M. BOURGI

« Bourgi a un candidat, c’est son affaire, pas la nôtre », rétorque Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée. « Le parrainage de M. Bourgi ne nous encourage pas. Ce n’est pas dans l’intérêt d’Ali », ajoute Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la coopération, qui dit pourtant apprécier les services du bouillant avocat. L’enjeu n’est pas seulement politique. « Le clan Bongo veut garder le pouvoir mais aussi garantir son impunité, souligne un haut diplomate. Mais il sait parfaitement qu’Ali est extraordinairement impopulaire. »

Lors des obsèques à Libreville, le 15 juin, rapporte une autre source diplomatique française, Ali Bongo a été pris à partie par un groupe de jeunes défiant le service d’ordre et brandissant le poing. « Le clan familial se rend compte qu’Ali Bongo est le pire candidat, assure ce spécialiste de l’Afrique, surtout lors d’une élection à un tour où il est interdit de miser sur le mauvais cheval. »

Du degré de solidarité familiale au sein du foisonnant clan Bongo, notamment entre Pascaline, grande argentière du régime et Ali, qui tient l’armée, dépendra la succession politique d’Omar Bongo. Parmi les multiples inconnues de cette équation complexe figurent les risques de procédures judiciaires visant la restitution à l’Etat des « biens mal acquis » par la famille Bongo. A Paris, la procédure qui vise aussi plusieurs membres de la famille n’a pas été éteinte par la disparition d’Omar Bongo.
Philippe Bernard

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