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Gabon : Oyé Mba, «je ferais bitumer chaque année 150 à 250 km de routes»

Le candidat indépendant à l’élection présidentielle du 30 août, Casimir Oyé Mba, démissionaire du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), s’est lancé dans la campagne électorale le 16 août dernier en réunissant plus de 5000 sympathisants au stade Omnisports de Libreville. L’ancien Premier ministre et ministre des Mines et du Pétrole, chevronné d’économie et ancien directeur de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) met en avant son expérience politique et ses compétences d’économiste pour faire valoir sa candidature au fauteuil présidentiel. Dans l’interview qu’il nous a accordé le 18 août dernier, «Cam la classe» revient notamment sur son slogan «être gabonais autrement» et les moyens d’une véritable relance économique du pays.

Un processus électoral controversé, des listes pas au point, des ministres candidats, une répartition du temps d’antenne pas toujours équitable… Dans quel état d’esprit abordez vous cette campagne ?

«J’aborde cette élection dans un état d’esprit offensif et déterminé. En tant que candidat à la présidence de la République gabonaise, je n’ai qu’un seul objectif : aller jusqu’au bout pour être élu le 30 août prochain. Je n’ai que cela en tête.

Dans un contexte où les organisateurs de l’élection ont déjà fait preuve de non respect de la parole donnée, ne fut-ce qu’en terme de calendrier, croyez-vous, au regard des pratiques de l’ancien régime, en l’objectivité du gouvernement qui organise cette élection et sur les résultats ?

Non, il est clair que le gouvernement n’est pas objectif mais partisan. D’abord je souhaite que les Gabonais votent librement, sans craintes et naturellement, comme il se doit en démocratie, que l’expression de leur volonté soit respectée, qu’on ne procède pas à des tripatouillages pour la travestir. Si malheureusement il n’en était pas ainsi, les Gabonais en tireront les conséquences.

Pour en venir à la campagne proprement dite, qu’entendez vous par le leitmotiv «Être gabonais autrement» ?

«Être gabonais autrement», c’est participer au Gabon nouveau que j’appelle de mes vœux et que les Gabonais eux aussi appellent de leurs vœux. «Etre gabonais autrement» c’est changer le Gabon, opérer une rupture avec ce qui se faisait antérieurement. Par exemple mes compatriotes gabonais, qu’ils soient au Gabon où à l’extérieur, savent que nous n’avons pas de réseau routier valable, nous ne pouvons pas nous déplacer d’un coin à l’autre du pays aisément. Mon village natal n’est qu’à 50 km de Libreville par la route. A vol d’oiseau il n’est qu’à 35 kilomètres de la capitale, ce serait la banlieue dans d’autres pays, mais y aller en voiture en saison des pluies, c’est le calvaire. Ce n’est pas normal.

Je dis que quand je serais président de la République, je ferais bitumer chaque année un minimum de 150, voire 250 kilomètres de routes, afin que les Gabonais puissent se déplacer sur des routes carrossables. Au bout de 7 ans je pense qu’on aura couvert d’énormes distances.

Donc, «Être gabonais autrement» c’est, par exemple, pouvoir circuler sur un réseau routier fiable, c’est aussi, par exemple, pouvoir bénéficier des commodités de base dans sa maison, comme aller puiser de l’eau à la source ou à la rivière pour attraper des maladies. C’est disposer de l’eau courante et de l’électricité dans sa maison, d’avoir à proximité de son lieu de résidence une formation sanitaire dans laquelle si vous tombez malade, vous pouvez être assuré d’être traité, c’est disposer d’un emploi, car actuellement une bonne partie de la population active est au chômage parce que l’Etat a mal dépensé son argent dans des projets qui n’en valaient pas la peine ou qui n’ont pas été achevés.

Les entreprises elles aussi, voyant leurs chiffres d’affaires se contracter, ont du se déletser d’une partie de leurs personnels. Les entreprises publiques que nous avons monté dans le temps à l’exemple de Gabon Télécom, de l’ancien office des postes et télécommunications, de SOGADEL, d’Air Gabon, de SOGAPALM, de la SEEG avant la privatisation, etc. Toutes ces entreprises publiques où la gabegie et la mauvaise gestion ont régné ont dû fermer et nous avons dû privatiser certaines, sinon la plupart, et évidemment cela a entraîné un dégraissage. Une bonne partie se trouvent encore au chômage aujourd’hui.

«Etre gabonais autrement» c’est faire en sorte que les Gabonais soient correctement formé pour pouvoir prétendre aux emplois qui sont créés par les entreprises et les administrations. Enfin «Etre gabonais autrement» c’est pouvoir bénéficier d’une administration impartiale, efficace, véritablement citoyenne, pas corrompue et partiale. Que votre dossier soit traité dans un ministère non parce que vous êtes de la même ethnie que le ministre mais parce que vous êtes Gabonais.

C’est tout cela «Être gabonais autrement», pouvoir bénéficier de la démocratie, des libertés publiques, circuler et s’exprimer librement, bénéficier de la couverture et de la protection de la loi de manière égale pour tous. C’est tout cela «être gabonais autrement» et je prétend que tout cela est possible au Gabon.

Une bonne partie des électeurs et vos détracteurs disent que vous avez été Premier ministre et que vous auriez pu proposer d’ «Être gabonais autrement» à ce moment. Comment expliquer que vous n’avez pas pu appliquer ces idées-là alors que vous avez dirigé quatre gouvernements sous la présidence de Bongo Ondimba ?

J’ai en effet été Premier ministre pendant quatre ans et demi dans ce pays, entre 1990 et 1994. D’abord, je n’étais pas le président mais le Premier ministre. Quand je serais le président de la République gabonaise, c’est cela que je réaliserais. Les Gabonais savent tous ce que j’ai fait à l’époque de mon mandat ministériel. J’ai fait supprimer les systèmes de baux administratifs, les soldes fonctionnelles… Ce n’était pas facile mais je l’ai fait.

Tout cela allait dans le sens de la bonne gouvernance du pays. Cela allait déjà dans le sens de faire en sorte que le Gabonais soit autrement même si je n’avais pas encore inventé la formule. C’est cela qui fait en sorte que les Gabonais aient aujourd’hui confiance en moi parce qu’ils savent que pendant que j’étais Premier ministre, j’avais pris des initiatives qui leur permettent de croire que demain, si je suis président de la République, je pourrais faire ce que je leur annonce.

Je rappelle qu’en tant que Premier ministre, mon gouvernement avait fait construire en quatre ans à Libreville et dans tous les chefs-lieux de province plus d’écoles que l’on en avait construites depuis l’indépendance de notre pays.

C’est pour cela que les Gabonais pensent aujourd’hui que je suis le meilleur candidat et que quand je serais élu président le 30 août prochain, je pourrais faire ce que j’annonce alors que d’autres qui annoncent des tas de choses, et les Gabonais ne les croient pas parce qu’hier ils n’ont pas montré, dans l’exercice des responsabilités qui ont été les leurs, qu’ils faisaient des choses attendues par les Gabonais.

Vous êtes aussi connu par le public et les électeurs comme un économiste. On aimerait en savoir un peu plus sur votre programme économique. Tout le monde parle du Gabon qui doit diversifier son économie, ne plus rester aux cultures de rentes, que comptez-vous faire à ce propos et quels sont vos axes prioritaires dès votre élection ?

Je m’adresse, à travers vous, à un public général. Je m’exprimerais donc dans un langage accessible à tous. La première chose à laquelle je m’attacherais, c’est faire en sorte que le Gabon vive selon ses moyens, c’est-à-dire que si le Gabon gagne 1000 francs CFA, il faut qu’il vive comme quelqu’un qui gagne 1000 francs CFA. Il ne faut pas que le Gabon vive au dessus de ses moyens parce que trop souvent on a eu le sentiment que notre pays vivait ainsi.

En matière économique et financière, je m’attacherais à assainir les finances publiques en faisant rentrer dans les caisses de l’Etat tout l’argent qui doit y rentrer. Tous ceux qui doivent payer les impôts devront les payer parce que c’est la loi qui le demande. Deuxièmement, les ressources de l’Etat devront être utilisées à bonne escient. Pour cela, l’établissement du budget fera l’objet d’un soin particulier. Durant les dernières années que j’ai passé au gouvernement, le budget n’était plus discuté en Conseil interministériel, alors que quand j’étais Premier ministre, le budget était d’abord discuté en Conseil interministériel, ensuite en Conseil des ministre et enfin au Parlement pour adoption.

Je ferais en sorte que les grands équilibres financiers soient respectés et à partir de là, on pourra dégager de notre budget des ressources, après élimination des dépenses superflues, et ainsi restaurer la crédibilité de notre pays afin de pouvoir plus aisément emprunter auprès des bailleurs de fonds internationaux tels que la Banque Mondiale, la Banque africaine de développement (la BAD), la Banque islamique de développement (BID), la Banque française de développement (BFD), des crédits longs qui permettront de financer les investissements publics au Gabon dont je parlais quand je déclinais ce que j’entendais dans la formule «Être gabonais autrement».

Voilà en gros comment je vois la gestion financière de notre pays. Maintenant, il est clair que sur le plan économique, nous ne devons pas continuer de vivre d’une économie de cueillette comme la nôtre aujourd’hui, qui ne repose que sur deux ou trois produits. Nous devons effectivement essayer de diversifier et d’élargir la base économique de notre pays, notamment par le tourisme, l’agriculture, la transformation sur place de nos matières premières, et pousser dans le sens de l’intégration sous régionale de l’Afrique centrale, parce que notre marché est étroit et nous devons avoir des ambitions qui dépassent nos frontières pour embrasser l’ensemble de l’Afrique centrale, et pourquoi pas l’Afrique tout entière.

Il a toujours été reconnu que l’économie du Gabon est une économie de rente et que les contrats du pays avec ses partenaires extérieurs seraient des contrats léonins. Est-ce que vous comptez revoir ces contrats pour une augmentation de la part qui doit revenir au Gabon ?

En matière pétrolière par exemple, les Gabonais doivent savoir que bien qu’étant un ancien pays pétrolier africain, je rappelle que le premier champ pétrolier à été découvert en 1956 à Ozouri, nous sommes aujourd’hui devenu un producteur de pétrole très moyen, voire un petit producteur de pétrole. Juste deux chiffres : le Gabon produit actuellement environ 12 millions de de tonnes de pétrole par an, or la Libye produit 120 millions de tonnes par an, ceci devrait vous donner la mesure.

Dans le Golfe de Guinée auquel nous appartenons sur le plan pétrolier, nous avons comme gros producteurs aujourd’hui, à l’instar de l’Angola, du Nigeria, de la Guinée Equatoriale… le Congo, se situant à peu près au même niveau que nous, peut-être que demain Sao Tomé et Principe sera aussi pays producteur de pétrole.

En tout cas, dans le Golfe de Guinée nous ne sommes pas le pays le plus important. L’Angola, le Nigeria sont autrement les plus importants, cela signifie que nous sommes en compétition avec les autres pays producteurs de pétrole sur l’Afrique et notamment dans le Golfe de Guinée, il faut donc bien ajuster les conditions que nous offrons aux opérateurs pétroliers. Nous ne devons ni être trop bas au risque de perdre de l’argent, ni être trop haut au risque de décourager les opérateurs éventuels à venir au Gabon.

L’enjeu est de prendre la bonne mesure. Je suis pour le respect des contrats qui ont été fait, on doit respecter la parole donnée. Si le Gabon a signé un contrat, ce contrat doit être respecté parce que c’est une condition pour la confiance des investisseurs éventuels. Mais, lorsque qu’un contrat approche de sa fin, il est susceptible d’être modifié. A ce moment là nous pourrons refaire le point avec l’opérateur en question. Si nous estimons que les conditions qui étaient faites à notre pays ne nous paraissaient pas suffisantes, nous ferons de nouvelles propositions allant dans le sens d’une meilleure satisfaction de nos intérêts et nous discuterons avec l’opérateur en question. Si nous tombons d’accord nous signerons un nouveau contrat.

Je suis donc pour le respect des contrats déjà signés et en cours de validité. Nous les discuterons éventuellement dès qu’ils approcheront de la fin sur des bases que nous considérons comme plus avantageuses pour nous. L’essentiel est que l’on maintienne un climat de confiance dans les relations que nous avons avec les opérateurs miniers et pétroliers.

Nous allons rester dans l’économie pour cette fois parler des PME/PMI. Est-ce que vous avez des solutions à apporter à la léthargie actuelle de ce secteur qui est pourtant ailleurs pourvoyeur d’emplois et boosteur des indicateurs de développement ?

Je pense d’abord que le tissu des affaires au Gabon est trop largement aux mains des étrangers. Sans arrière-pensée xénophobe, je souhaiterais que les Gabonais soient plus impliqués dans les affaires.

Si vous voyez un Gabonais au volant d’une grosse cylindrée, vous pouvez être sûr à 98 % que cette personne est dans le circuit de l’Etat. Si vous voyagez en avion et que vous êtes assis en première classe, les Gabonais assis à vos côtés sont pratiquement tous dans le circuit de l’Etat. C’est l’Etat qui paye d’une manière ou d’une autre leurs billets de première classe.

Je veux qu’ils y aient dans Libreville 20, 25, 50 gabonais qui roulent dans les grosses cylindrées, qui habitent des quartiers résidentiels, dans des superbes villas et que ce ne soit pas simplement des ministres, des députés, des sénateurs, des directeurs généraux d’administrations centrales, des officiers de l’armée mais des hommes d’affaires qui ont commencé à vendre deux régimes de bananes et puis, à force de travail, sont devenus milliardaires.

Donc il faut naturellement promouvoir l’entreprenariat gabonais en prévoyant des mesures d’encadrement nécessaires aussi bien sur le plan administratif, de la gestion et sur le plan financier. Cela prendra du temps, c’est sûr, mais un homme d’affaires cela ne se décrète pas, cela ne se créé pas en appuyant sur un bouton, cela prend du temps et l’essentiel c’est que l’on mette le cap dans cette direction là.

S’il se créé par an tant bien que mal 20 à 30 PME valables, peut-être qu’il y en aura 10 qui boiront le bouillon pour parler simplement, 10 autres qui émergeront et, petit à petit, nous aurons ainsi une classe d’homme d’affaires qui pourra aussi maîtriser les rouages économiques de notre pays. Je suis totalement pour la promotion du vrai entrepreneur gabonais, je dis bien du vrai entrepreneur gabonais.

Pour conclure, y a- t-il une question à laquelle vous vous attendiez ou quelque chose sur laquelle vous aimeriez vous prononcer que nous n’avons pas abordé ?

Non, pas spécialement. Nous allons terminer en disant que j’ai décidé de présenter ma candidature à l’élection présidentielle du 30 août prochain. Je souhaite naturellement que les Gabonais portent majoritairement leurs suffrages sur mon nom à cette élection et de la sorte, je pourrais mettre en œuvre les idées que j’ai pour mon pays et mes compatriotes.

Ce sont des idées d’unité, de paix, de travail, de mérite, de compétences, de restauration de l’Etat ; des idées de générosité et de solidarité. Je voudrais que ce soit, pour mes compatriotes gabonais, de plus en plus des réalités de leur vécu quotidien, pas seulement des proclamations. Je suis disposé à faire tout cela et j’espère que je pourrais mettre en œuvre le programme que j’ai pour mon pays».
Publié le 19-08-2009 Source : gaboneco.com Auteur : gaboneco.com

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  1. je pense que le prochain président de la république du Gabon s’appelera « MBA ». je ne sais pas le quel, mais c’est claire un d’entre eux sera elu.

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