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Au Gabon, les candidats font de mirifiques promesses

Ali Bongo Ondimba, mardi lors d’un meeting à Libreville le 23 août. Le candidat a notamment promis de combattre la corruption, d’améliorer les écoles, le salaire des professeurs et les transports. Crédits photo : AFP
REPORTAGE – Les prétendants à la succession d’Omar Bongo font campagne auprès d’une population démunie et méfiante

C’est une route défoncée et poussiéreuse comme il y en a tant dans les quartiers périphériques de Libreville. Un petit chemin qui longe des baraques de tôles et de planches surpeuplées, bordé de canalisations d’eau mal rafistolées. Il suffit pourtant juste de lever la tête pour apercevoir les hauts immeubles du cœur de la capitale gabonaise. «Le centre est tout près. Mais dans les têtes et les réalités c’est très loin. Les gens de là-bas viennent juste de se rappeler que l’on existe», résume Albert.

Ce carrossier de Kinguélé a vu son quartier plonger dans la campagne électorale en un claquement de doigts. Dimanche, les Gabonais doivent se rendre aux urnes pour désigner un successeur à Omar Bongo, mort en juin. Ici, en une nuit, il y a tout juste douze jours, les murs et les réverbères se sont constellés des slogans des principaux prétendants à la victoire. Il est vrai que ce IIIe arrondissement, populaire et multiethnique, rebelle aussi, est considéré comme une zone test par tous les états-majors. Les anciens ministres André Mba Obame et Casimir Oyé Mba, l’opposant Pierre Manboundou sillonnent les lieux. Les affiches d’Ali Bongo, le fils de l’ancien président et favori autoproclamé de l’élection, sont partout. Elles clament juste : «Ali’9.»

Le nom de Bongo est soigneusement oublié. Sans doute ne fait-il plus recette. Les 42 ans de règne du défunt président terminés, les langues se délient. «On en veut à Bongo. Que Dieu ait son âme, mais le désastre du Gabon est de sa faute», glisse Béranger, un jeune chômeur. La foule reproche en vrac au Père de la nation «une politique clientéliste, la gabegie et la corruption des élites» qui ont maintenu le Gabon parmi les pays les moins développés du monde.

Les successeurs potentiels de feu Bongo n’ignorent rien de ce désir de changement. Tous ont donc multiplié les promesses et les excuses pour un passé dans lequel tous ou presque ont joué un rôle significatif. «Nous devons assumer notre histoire et nos erreurs afin d’en tirer des leçons», confesse Ali Bongo. L’homme a promis de combattre le fléau de la corruption, d’améliorer les écoles décrépites, le salaire de professeurs, les transports… André Mba Obame s’est engagé à construire des classes pour tous, à verser des allocations familiales aux pauvres, et mettre en place une sécurité sociale dès le 1er janvier. «C’est tout à fait possible avec le budget actuel si on arrête les cadeaux politiques», martèle l’ancien ministre de l’Intérieur.

«Ils racontent des mensonges depuis 42 ans», sourit Alex. Son épouse, Daniela, qui tient une petite échoppe où elle vend tout et rien, est aussi sceptique. «La sécurité sociale ? Cest quoi ? De toute façon ils disent tous des choses pour avoir nos votes», explique-t-elle, rapidement. Ses préoccupations sont ailleurs. Kinguélé est presque totalement privé d’eau depuis une semaine. Elle doit se battre chaque matin pour en trouver. Pourtant, comme ses voisines elle se passionne pour la campagne. «Si on ne choisit pas, on n’a aucune chance.» Mais elle tient à garder son choix secret. Des heures durant, elle a fait la queue pour obtenir sa carte d’électeur.

Voter «pour de l’argent»

Jeudi, devant les bureaux de vote, de longues de files de citoyens patientaient encore pour obtenir le sésame. Des gens énervés. «Ils nous font attendre en pensant qu’on va se lasser. Mais on restera. Ils ne tricheront pas dans cette élection», lance Pierry. Ce plombier est persuadé, comme beaucoup, qu’une fraude se prépare. Une tricherie inhérente, selon lui, «au système». «Nous ne sommes pas une monarchie. On ne peut pas nous imposer Ali. On se battra avec des armes ou avec une grève.» La publication d’une liste électorale pléthorique, plus de 800 000 électeurs pour 1,5 million d’habitants souvent jeunes, n’a rien fait pour calmer les esprits. Libreville regorge de rumeurs. Chacun est certain qu’un bateau plein de mercenaires croise déjà au large. Des mercenaires européens. On se méfie aussi des étrangers africains, nombreux au Gabon, accusés d’être prêts à voter «pour de l’argent». On accuse les francs-maçons d’envoyer de mauvais sorts…

Assis dans un coin, Anse sourit timidement devant ces grondements. Lui a choisi de donner sa voix à Ali Bongo. Avec un argument massue. «Il est déjà riche. C’est l’homme qu’il nous faut. Il n’a pas besoin de nous voler.»

Tanguy Berthemet, envoyé spécial à Libreville
Article paru dans l’édition du 28.08.09.

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