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Les embarras de Paris en Guinée

Après la répression sanglante en Guinée, l’ère de la mansuétude est révolue.

Le carnage de Conakry sonne en France l’heure d’un réveil brutal. D’autant que l’ancienne puissance coloniale a longtemps fait preuve d’une excessive mansuétude envers Moussa Dadis Camara et sa clique.

« La chronique d’une catastrophe annoncée ». Voilà comment un diplomate français familier du continent africain décrit le cauchemar que traverse la Guinée-Conakry, théâtre le 28 septembre d’un épouvantable carnage (a minima 157 tués et plus de 1200 blessés selon des sources locales fiables). A Paris, on redoute même que l’équipée barbare des « bérets rouges » dans le stade de la capitale où se pressaient les adeptes du Forum des Forces vives (opposition) se solde in fine par plusieurs centaines de morts. « Les militaires, confirme-t-on au Quai d’Orsay, ont fait irruption et tiré froidement dans le tas ». Avant de se livrer à des viols collectifs et à d’abjects actes de torture.

Désastre prévisible? Soit. Mais pas pour autant anticipé par les Africains du Quai d’Orsay ou de L’Elysée, cueillis à froid. A son arrivée au pouvoir, le capitaine putschiste Moussa Dadis Camara leur paraissait certes « incohérent », mais aussi « pittoresque » et « sympa ». Même si, confesse un de ses visiteurs réguliers, « il semblait chaque fois un peu plus fou que la précédente ». Tardive prise de conscience…

Le retour des antagonismes tribaux?

Une certitude: l’ère de la mansuétude est révolue. Vu de Paris, « MDC » est bel et bien « cramé ». « La responsabilité de la junte, et celle de Dadis Camara en particulier, sont pleinement engagées , juge-t-on dans l’entourage de Bernard Kouchner. Il faut hâter le retour d’un pouvoir civil, tout en veillant à ne pas sombrer dans l’anarchie. » Un, facile à dire. Deux, on aurait pu y songer un chouïa plus tôt.

Le scénario du chaos, de fait, n’a rien d’incongru. Car le massacre de lundi risque de raviver les antagonismes tribaux. Issu par sa mère d’une ethnie « forestière » ultra-minoritaire, les guerzés, « Idi Amin Dadis » a gratifié son clan de pouvoirs et de prébendes. Même s’il a semblé déboussolé par la tournure de la répression, il y a fort à parier que les meneurs de la tuerie appartiennent à sa garde prétorienne. Et que les exactions, toujours en cours ce mardi, visaient prioritairement les quartiers peuls de Conakry.

Imaginons que la junte sacrifie sa piteuse figure de proue. Qui, dès lors, peut lui succéder? Tout dépend de l’intensité de la contestation. Si les putschistes gardent la main, un gradé du premier cercle peut surnager, à condition de n’avoir pas trempé dans l’hécatombe. Le « ministre d’Etat » Boubacar Barry, membre de la délégation reçue mi-mars à Paris, inspire au Quai d’Orsay des commentaires flatteurs. En revanche, si la colère populaire balaye les satrapes en treillis, on pourrait voir resurgir des vétérans de la scène guinéenne, tels l’opposant historique Alpha Condé ou les ex-Premiers ministres Lansana Kouyaté ou Sydia Touré.

La France a annoncé ce mardi la suspension immédiate de sa coopération militaire. C’est bien le moins. Elle a aussi pris l’initiative d’une réunion de l’Union européenne, demain mercredi à Bruxelles. Il s’agira sans doute de durcir la relative quarantaine infligée à la Guinée, placée sous surveillance depuis juillet . Une suggestion: et si l’on suspendait par la même occasion les aventures africaines de Patrick Balkany, désolant avocat des putschistes? « On peut être député, ami proche du chef de l’Etat, et dire des conneries », soupire un officiel sous le sceau de l’anonymat. On peut.

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