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Guerre des ports au Gabon des Bongo

Bolloré et Dupuydauby se disputent la logistique maritime du pays devant la Banque mondiale.

La passation de pouvoir entre Omar Bongo, président gabonais décédé en mars 2009, et son fils Ali, élu dans la foulée à l’issue d’un scrutin contesté, avait tout de la continuité chère à la Françafrique. Mais s’agissant de la guerre des ports entre Vincent Bolloré et Jacques Dupuydauby, il y a de la rupture dans l’air. Omar-Dupuydauby contre Ali-Bolloré ? Cet interminable conflit, que la Banque mondiale devrait prochainement trancher, a été récemment évoqué par la Lettre du continent. A la manœuvre : Pascal Clément, ex-garde des Sceaux, actuel avocat de Dupuydauby, et François Meyer, défenseur du groupe Bolloré et du Gabon.

Depuis un quart de siècle, Vincent Bolloré (homme d’affaires actif en Afrique sans trop y mettre les pieds) et Jacques Dupuydauby (ex-dirigeant de Bouygues ayant l’oreille de quelques dignitaires africains) se fâchent, se réconcilient puis se déclarent derechef la guerre selon les circonstances. En résumé, Dupuydauby a parfois servi de faux nez à Bolloré – l’un et l’autre étant amateurs de montages offshore. Le second, armateur, manutentionnaire, ne peut de surcroît prétendre à la gestion des ports. Le premier lui permet de contourner le conflit d’intérêt : Dupuydauby apparaît en première ligne, Bolloré finance derrière.

Couverture. Après le Togo (Libération du 3 juin 2009), le pataquès est à son comble au Gabon. En 2003, sous pression de la Banque mondiale, le gouvernement avait privatisé la gestion de ses deux principaux ports, Owendo et Libreville. La société Progosa, dirigée par Dupuydauby mais actionnée par Bolloré, emporte l’appel d’offres. En 2007, leur ultime fâcherie met le gouvernement gabonais en porte-à-faux : doigt d’honneur à Bolloré, Dupuydauby exfiltre une partie du capital vers des coquilles luxembourgeoises ; pour réclamer son dû, Bolloré doit admettre que Dupuydauby lui servait de couverture. Tempête sous les crânes à la cour d’appel de Libreville, appelée à trancher le litige : après intervention politique – Omar Bongo est toujours président -, elle donne gain de cause à Dupuydauby. Mais Ali Bongo, en plus d’être ministre de la Défense, dirige alors l’office des ports (Oprag) : trois jours après la décision judiciaire, il décide d’annuler la concession des ports gabonais et de lancer un nouvel appel d’offres. Le gagnant est le singapourien Portek, partenaire de Bolloré en Algérie. S’il n’est pas attributaire du nouveau marché, le groupe Bolloré obtient un lot de consolation avec la gestion d’un nouveau terminal à containeurs.

S’estimant lésé par ce deal, Dupuydauby demande en 2009 l’arbitrage de la Banque mondiale, via son Centre international de règlement des différents relatifs aux investissements (Cirdi). Omar Bongo, encore vivant mais plus pour longtemps, lui demande de suspendre sa procédure le temps de trouver un «règlement à l’amiable» – des proches de feu Omar confirment sa volonté conciliatrice. Mais Ali paraît toujours épouser la cause de Bolloré. Il menace Dupuydauby de poursuites pour «troubles à l’ordre public». Quand au fond du litige, il dit s’en remettre «aux avocats du groupe Bolloré, auxquels il appartiendra de tirer toutes les conséquences juridiques de cette incongruité».

Soupçon. Ali Bongo ne croit pas si bien dire. Après le décès de son père, la procédure devant le Cirdi est définitivement lancée. Elle oppose officiellement le groupe Dupuydauby à l’Etat gabonais. L’avocat du premier, Me Pascal Clément, s’émeut d’un conflit d’intérêt : l’avocat du second n’est autre que le défenseur du groupe Bolloré. Me François Meyer réfute le soupçon : «Bolloré n’est pas partie dans la procédure CIRDI» entre Dupuydauby et le Gabon, «pas plus que l’Etat gabonais n’est partie dans la procédure» entre Bolloré et Dupuydauby.

Vraiment ? Dans les premiers temps de la privatisation des ports gabonais, la société Progosa avait proposé, comme de coutume en Afrique, de réserver un tiers du capital à des «partenaires économiques locaux», derrière lesquels prospèrent souvent des proches du pouvoir en place. En l’espèce, Jean-Pierre Oyiba, cousin d’Ali Bongo et numéro 2 de l’office des ports. Lequel avait ensuite imposé une autre gouvernance, une «substitution en accord avec mon cousin Ali» : au lieu de 33% sur place au Gabon, 49% au Maroc au nom de Shipomar, «société holding offshore en cours d’immatriculation ayant son siège à Tanger». Depuis, l’imbroglio est devenu tel que les deux cousins ont dû renoncer à cette bretelle de dérivation. Mais pas à prendre parti.

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