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« Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé …), Ali Bongo Ondimba dans Jeune Afrique (Première partie)

Premier bilan après deux années de pouvoir, réformes économiques, Crispations politiques, « biens mal acquis », mais aussi Printemps arabe, Libye, Côte d’Ivoire. Le chef de l’Etat, Ali Bongo Odimba dit tout à travers une interview réalisé par le Magazine Jeune Afrique, N°2642, du 28 au 3 septembre.

GABONEWS livre ici la première partie de cette interview.

Libreville, mi- août, La capitale n’est plus la même. Plus propre, plus ordonnée et en chantier permanent. Le Gabon « émerge », l’expression est sur toutes les lèvres, d’un long coma, celui de la fin des années Omar Bongo Ondimba (OBO).

Le nouveau chef de l’Etat est entré dans ses fonctions, en octobre 2009, au pas de charge: suppression des postes fictifs ou superflus à la présidence et au gouvernement, mise à l’écart d’un certain nombre de caciques de l’ancien régime, fin des cumuls de mandats, plafonnement des salaires pour les dirigeants d’entreprises publiques, rigueur, multiplication des audits, etc. On lui prédisait alors les pires ennuis. Il remettait en effet en question une multitude de baronnies, perturbait des équilibres que son père avait façonnés des décennies durant et, donc, secouait trop durement un cocotier supposé fragile. Le père se comportait comme un chef de village ou de famille, soucieux de maintenir l’harmonie entre tous ses « enfants », y compris les plus prodigues et les moins reconnaissants. Le fils, lui, n’a pas tant d’états d’âme et ne goûte guère les compromis. Seuls les résultats lui importent. Deux ans plus tard, le tsunami prédit n’a pas eu lieu et le Gabon poursuit son long réveil. Même si le naturel n’est pas facile à chasser: pas une semaine ne passe sans sanction, tête coupée ou rappel à J’ordre. Les Indélicats n’ont pas tous disparu avec l’ « Emergence » …

C’est au premier étage du Palais du bord de mer que le chef de l’Etat nous a reçu pour répondre à nos questions, dans le bureau qu’occupait Jadis OBO. Un long entretien – près de deux heures – au cours duquel il défend son bilan, décline ses ambitions, répond aux attaques (intransigeance, affaire des biens mal acquis, train de vie, biométrie et législatives, crispation politique) et livre son analyse sur le Printemps arabe, les crises libyenne et Ivoirienne, le scandale de la Beac ou encore les ratés de l’Union africaine.

JEUNE AFRIQUE: Deux ans après l’élection présidentielle, le Gabon a considérablement. De chef évidemment, donc de style, mais aussi de vie politique. Quel bilan dressez-vous de ces vingt – quatre mois écoulés?

ALI BONGO ONDIMBA: Question piège… Disons que nous sommes sur la bonne voie, même si je concède être de nature impatiente. En me présentant à la présidentielle, j’ai soumis un projet, celui du Gabon émergent, avec des axes précis, une vision, des valeurs réaffirmées et une stratégie.

Une fois installé dans mes fonctions, en octobre 2009, j’ai mis en œuvre ce programme. Nous avons ainsi lancé un grand nombre de chantiers. Ce qui est important à nos yeux, c’est de diversifier l’économie gabonaise pour préparer l’après-pétrole. Cela ne se fait pas du jour au lendemain et demande un certain nombre de réformes, une véritable révolution des mentalités et des pratiques ainsi qu’une profonde remise en question. Ce qui n’est jamais évident.

JEUNE AFRIQUE: Vos premiers pas à Ia tête du pays ont tout de même été marqués par une sévère reprise en main et des décisions pas toujours très populaires: fin des effectifs pléthoriques dans la fonction publique, des placards dorés et des cumuls de mandats et de fonctions, chasse au gaspillage, journée continue, interdiction d’exporter les grumes de bois non transformées sur place, etc. De quoi, en somme, vous faire de nombreux ennemis …

ALI BONGO ONDIMBA: N’exagérons rien. D’une part, personne n’a été pris au dépourvu: nous avons appliqué ce que nous avions indiqué lors de la campagne. D’autre part si Je me suis fait effectivement quelques ennemis parmi ceux qui profitaient du système ou pour qui les mots « performance » ou « compétence » ressemblent à des injures, la majorité des Gabonais réclamait ces mesures. Ils avalent conscience que nous allions dans le mur. Il était totalement illusoire de penser que nous allions réussir à atteindre nos objectifs sans aller vers une meilleure gouvernance, plus d’équité, de travail et de rigueur. Je crois que le message est passé. Nous restons cependant vigilants, car certaines poches de résistance demeurent…
JEUNE AFRIQUE: Vous avez changé de très nombreuses personnalités à la tête d’entreprises publiques, des administrations ou à la Magistrature. Est-ce le signe que les résultats ne suivent pas ou que le Gabon peine à fournir des cadres compétents?

ALI BONGO ONDIMBA: Dire que nous peinons à trouver les bonnes personnes, c’est un peu exagéré. Il s’est trouvé en revanche que certains gênaient la réalisation de nos programmes. Je me suis par exemple engagé à construire un minimum de 5000 logements. Nous avons réuni tout le monde, préparé les projets et élaboré leurs financements.

Six mois après, cela n’avait toujours pas démarré. Pourquoi? A cause d’un certain nombre de pesanteurs et de personnes qui ne faisaient pas leur travail ou, pis, profitaient de leur position pour accaparer des terrains et en faire commerce. Certains fonctionnaires se sont dit: « Encore des effets de style, de belles paroles, Il n’y aura pas d’action derrière, continuons comme avant ». Ils ont été mal inspirés.

JEUNE AFRIQUE: Vous aviez annoncé la publication des
Résultats de l’audit de Ia fonction publique en janvier 2010. Ce n’est toujours pas le cas. Pour quelle raison ?

ALI BONGO ONDIMBA: Parce que J’ai demandé que l’audit soit refait.

JEUNE AFRIQUE: Entièrement

ALI BONGO ONDIMBA: Oui Je ne suis pas satisfait de la manière dont il a été mené. Ses résultats ne reflètent pas la réalité. Il y a un problème, et je veux m’en assurer. Comme tout le monde s’était tenu à carreau le temps de sa réalisation … Pour ce genre d’audit. Il ne faut pas se précipiter.

JEUNE AFRIQUE: Autre évolution notable depuis votre arrivée au pouvoir, celle de la sphère politique. La crispation est évidente : biométrie, dissolution du parti d’opposition union nationale (UN), André Mba Obame…

ALI BONGO ONDIMBA: Après l’élection présidentielle, J’avais indiqué que je resterais ouvert à tous ceux qui souhaiteraient discuter avec moi du développement du Gabon. Certains l’ont fait, d’autres pas. Mais les tensions que vous évoquez sont d’ordre différent. La dissolution de l’UN, ce n’est que l’application des lois. Je ne connais pas un seul Etat au monde où un citoyen quel qu’il soit, candidat battu lors d’un scrutin, peut organiser et faire retransmettre une cérémonie de prestation de serment et se faire introniser président de la République
[C’était le 25 janvier. NDLR] sous le regard impuissant des pouvoirs publics légitimes. S’ajoutent à cela une mise en scène ridicule et un repli au siège d’une organisation internationale [celui du Programme des
Nations unies pour le développement, le Pnud] squatté de manière indécente pendant un mois. Le Gabon est un Etat de droit qui a une Constitution et des institutions.

Ceux qui les transgressent s’exposent aux sanctions prévues. Ni plus ni moins. Dura lex, sed lex. La loi a été appliquée.

JEUNE AFRIQUE: Et concernant le débat sur l’instauration de la biométrie pour les prochaines législatives ?

ALI BONGO ONDIMBA: Une fois encore, il faut clarifier les choses. La biométrie est une proposition de la majorité. À mon initiative, d’ailleurs, lorsque j’étais ministre de la Défense. Le dossier fut transmis, à l’époque, au ministre de l’Intérieur [André Mba Obame], à qui il incombait la responsabilité d’organiser les élections. Tous les membres du gouvernement d’alors pourront vous éclairer sur le traitement qui en a été fait…

Une certaine opposition qui réclame à cor et à cri la biométrie aujourd’hui, recèle en son sein le principal responsable de l’échec de ce projet quand il était aux affaires! Passons. ..

Pour répondre aux préoccupations de la classe politique sur l’utilisation de la biométrie lors des prochaines législatives, j’ai organisé une grande concertation nationale. J’al écouté tout le monde et j’ai décidé de saisir la Cour constitutionnelle, afin qu’elle statue sur la position consensuelle qui s’était dégagée: repousser la date du scrutin. La suite, vous la connaissez. La Cour constitutionnelle a rejeté la demande d’un report des législatives. Les députés actuels verront leur mandat prendre fin en Janvier prochain. Au-delà de ce terme-là, nous n’aurions donc plus d’Assemblée nationale. Il est donc nécessaire qu’elle puisse être renouvelée avant. Moi. Je n’ai pas l’autorité de proroger les mandats. Je ne peux pas appliquer des lois qui n’existent pas.

JEUNE AFRIQUE: Avec André Mba Obame, vous vous connaissez parfaitement. Vous avez travaillé longuement ensemble et milité au sein du Parti démocratique gabonais (PDG) pour le faire évoluer. Comment en êtes- vous arrivés à devenir d’irréductibles ennemis ?

ALI BONGO ONDIMBA: Est-ce vraiment à moi qu’il faut poser cette question? Personnellement, je ne le tiens pas pour un ennemi, pas du tout. C’est lui qui a changé, pas moi. Je suis toujours dans le même parti, défendant les mêmes Idées. Lui a choisi de rejoindre des personnes qu’li a farouchement combattues pendant un quart de siècle à nos côtés et qui, chose étrange, ne lui en tiennent visiblement pas rigueur. La question est donc de savoir s’il défend réellement des Idées ou si seule sa personne et son ego Importent.

JEUNE AFRIQUE: Vous êtes-vous parlés, depuis la présidentielle du 30 août 2009 ?

ALI BONGO ONDIMBA: Non, jamais.

JEUNE AFRIQUE: Votre père était réputé pour savoir pardonner, y compris ceux qui avaient été virulents avec lui…

ALI BONGO ONDIMBA: Celui qui pardonne est celui qui a été offensé. Ce n’est pas à moi de pardonner. C’est aux militantes et aux militants du PDG de le faire. Mba Obame se battait jadis au sein de ce parti pour la démocratie, l’ouverture. Il est allé rejoindre aujourd’hui l’un des plus farouches opposants à la démocratie que nous ayons eus, à l’époque, au sein du parti, Zacharie Myboto. Et aujourd’hui, ce même Myboto pousse des cris d’orfraie pour me traiter de dictateur? Curieux attelage …

JEUNE AFRIQUE: Comprenez-vous que les électeurs aient du mal à se retrouver sur l’échiquier politique. Les anciens caciques du PDG passent dans l’opposition. L’opposant historique qu’est Pierre Mamboundou comme Paul MbA Abessole, la bête noire de votre père avant lui, se rapproche de l’ex-parti unique…

ALI BONGO ONDIMBA: On peut se tromper dans la vie, mais il faut être de bonne foi et le reconnaitre. Ceux qui font des allers-retours en permanence, se ruent dans l’opposition pour brailler sitôt leurs privilèges perdus avant de revenir au bercail lorsqu’on a répondu à leurs doléances essentiellement matérielles, c’est fini. Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé.

JEUNE AFRIQUE: comment envisagez-vous les prochaines législatives pour le PDG ?

ALI BONGO ONDIMBA: Avec beaucoup de sérénité. Nous partions quand même d’un taux de croissance négatif, – 1,9% en 2009, nous sommes aujourd’hui, plus de 5%. Cela veut dire que le pays bouge dans le bon sens. La confiance revient, la consommation des ménages augmente et les investisseurs étrangers affluent. Nous disposons d’un programme clair, constant et qui commence à porter ses fruits. Les Gabonais pourront juger, comparer. Enfin, pour cela, il faudrait que les autres aient quelque chose à présenter…

JEUNE AFRIQUE: La société civile s’immisce de plus en plus dans la vie politique; ses acteurs comme Marc Ona Essangui (Brainforest), font désormais entendre leurs voix, se muent parfois en véritables opposants. Qu’en pensez- vous ?

ALI BONGO ONDIMBA: Je n’ai absolument rien contre le fait que chaque citoyen puisse se préoccuper de la vie politique de son pays.

Lorsqu’elle est équidistante des organisations politiques et joue son rôle de catalyseur de la démocratie, de médiatrice, de vigie, ou encore lorsqu’elle formule des propositions, la société civile est
Indispensable.

En revanche, lorsqu’elle est accaparée par des individus qui, tout en prônant l’alternance politique, s’incrustent de manière inamovible dans leur propre système, en font un fonds de commerce ou une plateforme de visibilité et de reconnaissance personnelle, cela pose un problème de crédibilité et d’utilité. Pour parler des ONG, on assiste à un véritable mélange des genres. Aujourd’hui, certains dirigeants de ces ONG se sont donné le droit de s’immiscer dans tout. Au nom de quoi et de qui, je n’en sais rien. Les décideurs politiques ont tous des mandats.

Nous sommes redevables devant ceux qui nous ont fait confiance, nous Jugent, nous sanctionnent D’autres se lèvent un matin pour dire: « Moi, Je n’al d’engagement envers personne, mais je me donne le droit de venir exiger ceci ou cela » C’est trop facile.

Vous connaissez M. Marc Ona Essangui, eh bien, conseillez lui de créer un Politique et de se présenter aux prochaines élections. Il aura donc un mandat, pourra proposer aux Gabonais ses idées et on verra alors s’il sera soutenu. En attendant, Je suggère qu’il s’occupe de la défense de l’environnement puisque son ONG a été créée dans cet objectif-là.

JEUNE AFRIQUE: Parmi les échéances de 2012, il y a l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nation (CAN) de football avec la Guinée équatoriale. Êtes-vous confiant quant aux délais de livraison des différentes Infrastructures et à la bonne tenue de cette compétition ?

ALI BONGO ONDIMBA: L’année 2009 a été désastreuse. Les chantiers ont pris beaucoup de retard que nous nous efforçons de rattraper. Mais malgré tout ce qui se dit ou s’écrit nous serons prêts à la date prévue.

JEUNE AFRIQUE: Le Gabon se tourne vers de nouveaux horizons économiques (Chine, Corée du sud. Singapour, Etats-Unis, Australie…). L’arrivée de ces nouveaux acteurs n’agace-t-elle pas votre partenaire traditionnel: la France?

ALI BONGO ONDIMBA: Le Gabon a pris le parti de consolider ses alliances historiques tout en diversifiant sa coopération internationale et ses partenaires. Tous ceux qui croient dans le potentiel de notre pays sont les bienvenus, pourvus qu’ils nous apportent évidemment, une véritable valeur ajoutée. Mais les nouveaux investisseurs qui viennent au Gabon ne le font pas au détriment des entreprises françaises.

Nous aimons pratiquer l’addition et non la soustraction. J’ajouterais même que les entreprises françaises déjà sur place profitent de ces nouveaux partenariats. Le président Sarkozy soutient d’ailleurs notre politique. Tout le monde y gagne, à commencer par les Gabonais. C’est au fond ce qui m’importe le plus.

JEUNE AFRIQUE: Le Gabon mise beaucoup sur le green business, l’environnement et la mise en valeur de ses atouts en la matière. Pour certains, Il s’agit d’un simple phénomène de mode…

ALI BONGO ONDIMBA: Le green business, au sens large, c’est la prochaine révolution économique, au même titre que les révolutions agricole et industrielle. Nous jouissons d’atouts considérables. Il faudrait être fou pour n’en faire qu’une lubie ou un simple phénomène de mode comme vous le dites.

JEUNE AFRIQUE: La zone économique spéciale de Nkok sera Inaugurée le 9 septembre. Ce type d’Infrastructures se multiplie en Afrique. Qu’en attendez-vous?

ALI BONGO ONDIMBA: Nous voulons appuyer, grâce à des avantages fiscaux attractifs, les entrepreneurs qui investissent, notamment dans la transformation du bois, et plus généralement ceux qui participent à l’industrialisation de notre économie. Déjà 6000 emplois directs et Indirects ont été créés. Avec un Investissement direct étranger de près de 200 millions de dollars, il s’agit de la première zone économique spéciale d’Afrique subsaharienne.

D’après nos prévisions, Nkok atteindra environ 1 milliard de dollars d’investissements, avec un potentiel de près de 50000 emplois à terme.

Une zone franche de l’île Mandji, à Pott-Gentil, est également en cours de constitution. Elle sera davantage spécialisée dans les industries et services parapétroliers, l’assemblage, le stockage et la distribution de produits, et dans les activités de services liées aux nouvelles technologies. Un premier investissement de 1,5 milliard de dollars a été signé en 2010 avec Olam et le groupe indien Tata Chemicals pour la construction d’une usine d’engrais.

JEUNE AFRIQUE: Comment voyez- vous l’après pétrole ?

ALI BONGO ONDIMBA: C’est certainement une époque que je ne connaitrais pas … En revanche, cela concerne nos enfants. Voilà. pourquoi nous voulons nous préparer maintenant. Nous misons beaucoup sur l’industrie forestière, mais aussi sur le secteur des mines. Il n’a pas vraiment été exploité, à part certains produits comme le manganèse et l’uranium et seulement dans certaines localités. Plus largement, nous sommes en train de promouvoir un tissu industriel et de favoriser l’émergence de champions rayonnant au niveau régional, voire international comme Gabon oil. Petro Gabon, la Compagnie Equatoriale des mines, ou encore Olam Pétrochimie. Ce ne sont là que des exemples: nous avons élaboré 20 plans sectoriels sur cinq ans dans le tourisme, le numérique, les infrastructures, les transports etc.

A suivre…

GN/11

Mis à jour ( Lundi, 29 Août 2011 18:23 )

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