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France: Les huit questions clefs du premier tour de la présidentielle

Stéphane Dupont, Cecile Cornudet, Elsa Freyssenet, Pierre Alain Furbury et Isabelle Ficek

Un peu plus de 44 millions de Français sont appelés aux urnes dimanche. Ce premier tour de scrutin s’annonce encore très indécis. Plusieurs candidats promettent des « surprises ».

Le premier tour de la présidentielle peut-il réserver des surprises ? La campagne électorale qui s’achève vendredi soir à minuit laisse flotter un parfum déroutant. Depuis trois mois, la linéarité sans précédent des sondages -Sarkozy et Hollande qualifiés pour le second tour ; Hollande l’emportant au final -, s’est accompagnée d’une impression de désarroi des Français. Très critiques sur une campagne à la fois bruyante et sans grande substance, et des têtes d’affiche plus tacticiennes que sincères, ils ont montré une distance, voire un agacement, qui laisse le jeu encore ouvert.

Les courbes d’intentions de vote ont fait le « Yo-yo » comme jamais dans le passé. Certains candidats ont émergé (François Bayrou en janvier, Jean-Luc Mélenchon en mars) avant de décliner ; d’autres ont remonté dans la dernière ligne droite (Marine Le Pen) ; les courbes des deux candidats de tête se sont croisées et recroisées (c’est sans précédent là aussi). Depuis le mois de novembre, un électeur sur deux aurait changé d’intention de vote. Et près de 25 % se montrent encore indécis à la veille du scrutin.

L’histoire de la présidentielle 2012, largement structurée par l’antisarkozysme, est peut-être un peu moins écrite que l’on veut bien le dire. Et si elle l’est, les marges de manoeuvre du prochain président de la République dépendront directement du choix que les 44,3 millions d’inscrits feront dimanche. Voici les questions clefs du scrutin.

1. Qui virera en tête au premier tour ?

Les élections passées ont montré que l’ordre d’arrivée au soir du premier tour influait peu sur le résultat du second tour, mais, cette fois, il faudra le regarder à la loupe. Si Nicolas Sarkozy n’est pas en tête, il aura alors très peu de chances de pouvoir l’emporter le 6 mai, compte tenu de ses réserves de voix.

En revanche, il ne lui suffit pas d’être premier pour voir se dessiner la victoire. Trois éléments entrent en ligne de compte. L’ordre d’arrivée donc, l’écart qui s’installera entre les deux candidats et le niveau des troisième et quatrième suivants. Pour espérer remettre les compteurs à zéro pour la campagne de second tour – trouver son « trou d’aiguille », comme le dit Jérôme Jaffré -, Nicolas Sarkozy devra arriver en tête, avoir une avance de plusieurs points sur François Hollande et obtenir de très bons reports de voix de la part de Marine Le Pen.

Pour François Hollande, il suffirait d’arriver premier dimanche pour se trouver en très bonne posture pour le second tour. Le niveau de Jean-Luc Mélenchon n’est en revanche pas indifférent : trop bas et ce serait des reports de voix en moins, trop haut et il pourrait à la fois susciter un réflexe de mobilisation à droite le 6 mai et prendre le candidat socialiste « en otage », comme le dénonce l’UMP.

2. Qui sera le troisième homme ?

.. ou la troisième femme ? La médaille de bronze est très importante dans l’imaginaire politique français, même si l’histoire a montré qu’elle n’était en rien gage d’avenir florissant pour celui qui la décroche. Qui de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon – voire de François Bayrou -peut obtenir la troisième place ? Les sondages ont constamment hésité.

Le résultat ne sera pas sans impact sur les deux premiers candidats, car des effets de vases communicants semblent à l’oeuvre. Lorsque Jean-Luc Mélenchon est haut, cela semble se faire au détriment de François Hollande. Tout comme Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy. Le résultat sera aussi important pour eux deux au sein de leur propre camp. Marine Le Pen ne peut pas se permettre de faire moins que son père. Le Front de gauche pèsera d’autant plus au sein d’une gauche au gouvernement, si Jean-Luc Mélenchon devenait la surprise du scrutin après avoir été la mascotte de la campagne.

Mais la vraie leçon de cette campagne, si elle se confirmait dimanche, serait que les deux candidats hors système que sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon constituent un tiers du corps électoral.

3. Quel sera le total des voix de la gauche ?

Pour les états-majors des deux principaux candidats, ce sera le chiffre clef. Le total des voix à gauche au premier tour conditionnera largement le résultat du second tour. Car de très bons reports de voix en faveur de François Hollande sont attendus dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et d’Eva Joly (autour de 80 % selon les sondages). Et un tiers de l’électorat de François Bayrou pourrait voter pour le candidat socialiste le 6 mai, d’après les enquêtes d’opinion.

Si le total des voix à gauche atteint entre 44 % et 48 %, comme le prédisent actuellement les sondeurs, le député de Corrèze sera en bonne position pour l’emporter, estime-t-on dans son équipe de campagne et… dans celle de Nicolas Sarkozy. Lors des élections présidentielles de 1981 et 1988 remportées par François Mitterrand, la gauche se trouvait, en tout cas, à ce niveau au premier tour. « Il faudrait qu’elle tombe sous la barre des 40 % dans le contexte actuel des reports de voix à droite, pour que Nicolas Sarkozy ait une chance de gagner le 6 mai », estime Jérôme Sainte-Marie, directeur du département politique-opinion de CSA. En 2007, la gauche avait chuté à 36,4 %.

Mais il y a peu de chances qu’elle enregistre à nouveau cette baisse cette année. D’autant qu’elle a affiché d’excellents scores à toutes les élections locales depuis lors.

4. Quel sera le niveau de l’abstention ?

Une certitude, il sera plus élevé qu’en 2007. La dernière élection présidentielle « a été une parenthèse enchantée » dans un mouvement de défiance croissant des Français à l’égard des responsables politiques, souligne Emmanuel Rivière, directeur du département stratégies d’opinion de TNS Sofres. Tous les scrutins, depuis, ont été marqués par une participation relativement faible, voire historiquement basse.

Le peu d’intérêt de l’opinion pour le vote de dimanche, si l’on se fie aux sondages, et une campagne éloignée souvent des préoccupations des Français laissent ainsi présager un taux d’abstention de 20 % à 30 % contre 16 % seulement il y a cinq ans. L’Ifop dans sa dernière estimation le prédit même à 29 %, ce qui serait un record sous la Ve République.

Une faible participation pourrait brouiller les cartes au premier tour. Même s’il est a priori difficile de dire quel candidat en pâtirait le plus. Les jeunes et les catégories sociales défavorisées boudent proportionnellement plus les urnes. Les premiers sont un électorat de prédilection pour François Hollande et Jean-Luc Mélenchon. Les deuxièmes constituent un réservoir de voix privilégié pour Marine Le Pen. Mais l’abstention touche aussi traditionnellement le candidat sortant.

5. Quel score obtiendra François Bayrou ?

Crédité de 10 % à 12 % d’intentions de vote, le candidat centriste a fait le deuil de son ambition élyséenne et sait qu’il ne sera pas non plus le « troisième homme » de l’élection comme il le fut en 2007 avec 18,57 % des voix. De son score dépendent donc son avenir politique et la légitimité dont il jouira (ou pas) pour remplir le nouvel objectif qu’il s’est fixé : rassembler les centristes éparpillés entre le Modem, le Nouveau Centre et l’UMP pour présenter des candidats sous une étiquette commune aux législatives de juin.

Courtisé par des dirigeants de l’UMP dans la perspective du second tour, François Bayrou n’a pas l’intention d’appeler à voter pour le président-candidat qu’il pense déjà défait. « L’idée du faiseur de roi n’est pas d’actualité », a-t-il confié mercredi soir, expliquant que, pour le second tour, il ne se sent « guère impliqué dans la préférence ni pour l’un ni pour l’autre » des deux finalistes. François Bayrou se prépare à ne pas donner de consigne de vote pour le 6 mai. « Il disposait de trois mauvaises options, la neutralité est la moins catastrophique », veut croire un proche. Elle ne sera pas unitaire au sein du Modem : le vice-président du mouvement, Jean-Luc Bennahmias, a déjà prévenu qu’il « ne voterait pas Sarkozy et qu’il ne resterait pas silencieux » non plus.

6. Le Pen : la fille devant le père ?

S’installer durablement dans le paysage politique avec un score au moins égal à ceux de son père. Pousser à une recomposition de la droite en étant la plus haute possible. C’est ce que joue Marine Le Pen dimanche. La candidate du FN, qui croit en une « grosse surprise », ne semble plus en mesure d’accéder au second tour, étant créditée dans les sondages de 14 % à 17 % des intentions de vote, soit au mieux 7 points derrière Nicolas Sarkozy.

Mais une certaine dynamique en faveur de la présidente du parti d’extrême droite a été observée cette semaine, avec une hausse de 1 voire 2 points dans les enquêtes. Et il existe encore « des zones d’incertitude non négligeables et compliquées à appréhender », observe Jérôme Fourquet à l’Ifop.

Parmi elles, les indécis d’une droite radicale, hésitant entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, qui, à l’entrée en campagne du président sortant, se tournaient plutôt vers lui et sont en train d’opérer un retour vers elle. Incertitude aussi du côté des indécis tentés par l’abstention. « C’est dans l’électorat proche du FN, protestataire, que se trouvent potentiellement le plus d’abstentionnistes », souligne le sondeur.

Aujourd’hui, Marine Le Pen semble en tout cas dans la position de pouvoir retrouver les niveaux de son père en 1995 (15 %) ou en 2002 (16,86 %). Avec une barre symbolique pour son avenir politique autour des 15 %. Ce qui marquerait, estime Jérôme Fourquet, qu’elle « a réussi son examen d’entrée dans la cour des grands en faisant au moins aussi bien que son père ». Jeudi, Marine Le Pen a assuré que faire moins de 16,86 % serait « un recul » pour le FN. « Mon objectif, c’est d’être au second tour », a-t-elle ajouté.

7. Quel sera l’impact des réseaux sociaux ?

Les Français pourraient bien ne pas avoir à attendre 20 heures -la fermeture des derniers bureaux de vote -pour connaître les premières estimations des résultats. Comme en 2007, des sites étrangers, belges et suisses notamment, ont prévenu qu’ils publieraient les chiffres donnés sous embargo, dès la fin d’après-midi, aux médias et aux politiques.

Mais, cette année, l’affaire menace de prendre une autre dimension avec le poids des réseaux sociaux Twitter et Facebook. S’engouffrant dans la brèche, « Libération » a déjà fait savoir qu’il se réservait « le droit » de publier les estimations dès 18 h 30 sur Internet.

Au risque de peser sur le résultat, même si ce cas de figure existe dans des pays étendus sur plusieurs fuseaux horaires. Que ce serait-il passé, en 2002, si les électeurs avaient eu vent de l’élimination de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen ?

Le Code électoral interdit à toute personne ou médias de diffuser des sondages comme des résultats « partiels ou définitifs » avant 20 heures en France. Nicolas Sarkozy a pourtant affirmé jeudi, sur Europe 1, que la publication anticipée des estimations -une violation de la loi -ne le choquait pas. « On ne va quand même pas faire une frontière numérique entre la France et les autres pays du monde », a-t-il dit, jugeant les règles en vigueur « un peu datées ». François Hollande a jugé, lui, qu’il fallait « être sévère ».

Le parquet de Paris a menacé d’engager des poursuites judiciaires en cas de diffusion. Et la Commission des sondages doit dévoiler vendredi un dispositif de veille, sur Internet et les réseaux sociaux, pour repérer les infractions.

8. Un petit candidat peut-il surprendre ?

C’est un seuil très recherché, franchi en 2007 par le tiers seulement des candidats. Cette fois, cinq sur dix ne semblent pas en mesure de dépasser les 5 % des voix nécessaires au remboursement des frais de campagne. Malgré l’égalité du temps de parole, les « petits » candidats ne sont à aucun moment parvenus à bousculer la campagne.

Tout juste Philippe Poutou, le candidat du NPA, a-t-il fait un buzz médiatique, ces dix derniers jours, grâce à sa décontraction et son ton décalé. Sans toutefois dépasser les 2 % des intentions de vote dans les sondages, alors qu’Olivier Besancenot avait obtenu 4 % en 2007.

Créditée que de 2 % à 3 % des voix, Eva Joly dit, elle, espérer battre le score historique -pour les écologistes -de Noël Mamère en 2002 (5,2 %). Restent Nicolas Dupont-Aignan, Nathalie Arthaud et Jacques Cheminade. Le record du score le plus bas à la présidentielle ne devrait, quoi qu’il en soit, pas tomber. Il est depuis 1974 entre les mains d’un certain Guy Héraud, un candidat fédéraliste européen : 0,08 % des suffrages exprimés.

LES ECHOS, SERVICE FRANCE

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