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Biens mal acquis: Obiang, la classe américaine?

Bientôt visé par un mandat d'arrêt international pour recel de détournement de fonds public, le fils du président équato-guinéen est également ciblé par la justice américaine...qui a demandé la coopération de la France à son enquête.
Bientôt visé par un mandat d’arrêt international pour recel de détournement de fonds public, le fils du président équato-guinéen est également ciblé par la justice américaine…qui a demandé la coopération de la France à son enquête.

Longtemps restée dans l’ombre de son voisin gabonais et de son omniprésent chef d’Etat feu Omar Bongo, la Guinée equatoriale commence à se faire une place sur la scène internationale.

Co-organisateur de la Coupe d’Afrique des Nations avec le Gabon, nouvel el dorado pétrolier, Malabo est devenue en quelques années une destination des plus fréquentées par les grandes entreprises internationales, des hydrocarbures au BTP en passant par les spécialistes de la gestion de l’eau et des déchets.

Ultime consécration le petit pays de 700 000 habitants est même en passe de décrocher le rôle titre dans l’affaire des Biens Mal acquis (BMA), du nom de la procédure judiciaire lancée en France par les associations Sherpa et Transparency International contre les dirigeants africains soupçonnés de détourner l’argent public de leur contrée avant de le blanchir en se constituant un petit patrimoine (et autres) en Occident.

Dans cette ascension fulgurante, la famille Obiang, dont le patriarche règne sans discontinuer depuis 1979, a tenu un rôle clé. En particulier le petit Teodoro Obiang Mbangue, ministre de l’Agriculture de son père (et homonyme), actionnaire principal de la Somagui, principale société forestière du pays et… premier dirigeant africain en passe d’être mis en examen dans le dossier des BMA.

Teodoro, fils prodigue

Rien ne s’oppose à la délivrance du mandat d’arrêt international demandée par les juges Le Loire et Grouman, en charge de l’enquête.

Déjà validée par le parquet, la demande se trouve à présent entre les mains du ministère de la Justice pour une validation «formelle», a précisé à Bakchich un représentant de la Plâce Vendôme. «Nous ne nous penchons pas sur l’opportunité du mandat d’arrêt. Ce n’est qu’une question de jours avant qu’il soit effectif».

La perspective n’effraie pas vraiment les avocats français du petit Obiang – «Nous attendons des nouvelles des juges», a confirmé Me Emmanuel Marsigny-, pas plus que la déferlante médiatio-judiciaire sur les dispendieuses habitudes de l’héritier guinéen.

En septembre dernier, les juges ont procédé à la saisie de 16 voitures de luxe, dont 11 dans le parking du 42 avenue Foch, l’une des adresses parisiennes du ministre.

Une première approche avant la spectaculaire perquisition de février. 10 jours ont été nécessaires aux enquêteurs pour vider l’hôtel particulier de plusieurs milliers de mètres carrés, racheté par l’Etat Guinée en octobre, de ses 500 m3 de babioles.

Dans les camions de déménagement un peu particuliers de l’OCRGDF (1), se sont entassés 18 millions d’oeuvres de collection achetés par M. Fils lors de la vente de la collection, Bergé, des statues de Rodin, du mobilier de luxe, des tableaux de maîtres. Aussi somptueux que raffiné, le butin est venu accréditer les témoignages des employés de maison sur le train de vie de leur patron.

«Alcool, pute et coke»

«Fastueux», se sont bornés à décrire les timides. C’était «alcool pute et coke», résume, moins précieux, l’une de ses petites gens qui se souvient des «valises d’espère en euros et en dollars qui servaient à régler des dépenses somptuaires; notamment chez les grands couturiers de l’avenue Montaigne comme Dior, Saint Laurent LVMH, Dolce Gabanna, Burberry. Ces sociétés étaient réglées en espèces». Le fils prodigue «arrivait avec des valises d’espèces, généralement deux valises pleines. Il les dépensait d’abord à Paris et aux USA. Une fois dépensé, il retournait en Guinée Equatoriale, environ trois fois par an pour venir récupérer deux autres valises. Je peux donner une estimation aux environs de 10 millions de dollars».

A comparer avec les 100 000 dollars annuels d’émoluments du ministre Obiang….ou avec son éminent rôle au sein de la Somagui, société forestière dont on lui attribue le contrôle? L’entreprise a l’habitude de régler les frasques adressées d’Obiang Junior, en particulier l’achat de voitures… Une pratique qui, traduit en termes juridique, s’apparente à de l’abus de biens social.

«Quelles sont les preuves que des valises de billets ont circulé? Et quelles sont les preuves que mon client a commis une infraction, défend Me Marsigny. Rien n’est constitué dans le dossier. Teodoro Obiang n’a reçu aucun virement du trésor guinéen, il n’y a pas de détournement de fonds. Quant à la Somagui, la loi guinéenne n’interdit pas à un ministre d’être actionnaire d’une société.» A voir.

L’article 404 du code pénal guinéen inclinent les enquêteurs à penser que Teodoro Obiang a allègrement piétiné la loi de son pays. Le court texte précise qu’un «dirigeant du gouvernement ou de l’économie ne peut pas participer, directement ou indirectement aux transactions de commerce ou à but lucratif qui tombent dans la limite de sa compétence ou son autorité et qui impliquent des objets n’étant pas le produit de ses propres biens».

«Le ministre n’a jamais été condamné en Guinée», insiste son conseil, «ni ailleurs». Et de promettre à l’instruction française une destinée semblable aux procédures américaines.

Vedette américaine

Outre-Atlantique aussi, Obiang est devenu une coqueluche judiciaire. Sa villa de 35 millions de dollars Malibu a été saisie, son jet privé de 38,5 millions de dollars arraisonné à Washington, sa collection de bien ayant appartenus à Mickael Jackson (1,8 millions de dollars) confisqués après des plaintes à Los Angeles et Washington du ministère américain de la Justice. Ces puritains subodorent qu’un détournement de fonds public a financé les luxueux achats.

«Aucune entreprise américaine n’a fait l’objet de poursuite et de condamnation pour son action en Guinée, soutient Me Marsigny. Le juge de Los Angeles vient de nous donner raison en expliquant aux procureurs qu’ils manquaient de preuve d’une quelconque corruption ou de détournement de fonds».

Certes le 13 avril, le juge Wu a bien menacé d’extinction les poursuites pour manque de preuves, mais il a accordé 60 jours aux procureurs américains afin de compléter et représenter leur dossier. Les représentants du département de la Justice vont mettre à profit ce délai pour voyager. Selon les informations glanées par Bakchich, une délégation va même être reçu début mai par les juges Le Loire et Grouman. Sur leurs bureaux traîne depuis le 17 août 2011, une commission rogatoire internationale délivrée par la justice américaine, «assez lourde», soupèse une source judiciaire.

De leur bonne coopération dépend l’étoile judiciaire d’Obiang, appelée à briller des deux côtés de l’Atlantique.

(1) Office central de répression de la grande délinquance financière

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