Détenant près de 2,5 millions d’hectares de forêts en concession où opèrent 21 unités de transformation du bois qui absorbent plus de 171.000 m3 de produits exportés en 2011, la présence chinoise dans le sector forestier au Gabon attire le regard.
Cette présence se restructura sans perdre son importance avec l’éminination de certains aventuriers due à une compétition féroce et à l’application des mesures des autorités gabonaises et soutenues par des partenaires internationaux pour améliorer la gouvernance en matière de légalité et de traçabilité du bois, démontrent les analyses des plus grands opérateurs chinois qui ont entamé des consultations et des procédures administratives pour la création d’une union des forestiers asiatiques au Gabon.
Leaders parmi des opérateurs d’une vingtaine de nationalités présents dans ce grand producteur du bois de l’Afrique centrale, les opérateurs chinois assument une grande responsabilité économique, sociale et environnementale, affirment des responsables de l’administration gabonaise, des ONG et des membres de la communauté chinoise au Gabon contactés par Xinhua.
INVESTISSEMENT CHINOIS, UN DES MAJORS
Avec moins du quart de l’ensemble de la fillière, la présence chinoise est non négligeable dans le secteur forestier gabonais qui est en pleine mutation.
Pour les forêts de concession, selon les statistiques du ministère des Eaux et Forêts, 14,5 sur 23 millions d’ha de forêts du Gabon sont concédés, dont 2,5 millions d’ha (NDLR : 17%) aux opérateurs asiatiques en tête desquels les intérêts chinois. Les statistiques ne précisent pas la part exacte des opérateurs chinois.
Quant aux unités de transformation, il en existe actuellement au Gabon 114 unités exploitées par des capitaux de 19 nationalités, dont 42 asiatiques, 40 africains et 32 européens, selon le dernier état des lieux du secteur établi par le ministère des Eaux et Forêts dont Xinhua a obtenu copie.
Par nationalité, le Gabon et la France viennent en tête, avec respectivement 26 et 23 unités. Parmi les investissements asiatiques, l’on dénombre 21 chinois (20 du continent chinois plus un de l’île Taiwan), 12 malaisiens, 6 libanais et 3 indiens.
Le total des unités de transformation chinoises (18% du total) pourrait être considéré comme le total des opérateurs chinois présents dans le pays, parce que les anciens simples détenteurs de forêts concédées sont aussi devenus transformateurs suite à l’interdiction des exportations des bois en grumes, déclarent à Xinhua les experts gabonais du ministère des Eaux et Forêts et des opérateurs chinois. S’agissant des exportations, en 2011, le Gabon a exporté 691.401 m3 de produits de bois, dont 290.937 (42%) en Europe, 251.075 (36%) en Asie, 149.389 (22%) en Afrique et autres. Par nationalité, la Chine vient en tête avec 171.048 m3 (25%), suivie de la France avec 143.268 m3 (21%).
DIVERSITE DANS LES PRATIQUES
Groupés sous une identité commune d’investissement chinois, les acteurs chionis présentent une grande diversité dans leurs mentalités et pratiques d’opérations au Gabon.
La majorité des opérateurs chinois suivent de très près les politiques du pays et les tendances mondiales de responsablité sociale et de développement durable, s’y adaptent pour une implantation à long terme dans le pays hôte, confirme à Xinhua Sun Jiwen, ambassadeur de Chine au Gabon.
Il y a aussi « quelques élements de pauvre qualité » qui viennent investir en toute hâte pour un profit immédiat, opérant avec la complicité des fonctionnaires corrompus, et par conséquent se trouveraient dans l’embarras de l’illégalité au moment où les autorités gabonaises prennent des mesures pour améliorer la gouvernance du secteur forestier, avoue le bureau du conseiller économinique de l’ambassade de Chine au Gabon.
Xu Yingbin, directeur de maketing de Sunly IFL Industrie, un opérateur chinois qui dispose de 987.000 ha de forêts concédées, souligne l’importance d’ahérer au contexte local pour la réussite d’un investisseur de n’importe quelle nationalité.
« Nous sommes issus d’une société d’Etat, nous portons l’image de la Chine, les manoeuvres illégales sont inadimissibles et économiquement non viabes », dit-il.
Implanté au Gabon depuis 2004, cet investissement de China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation (COFCO), une des plus grandes sociétés d’Etat en Chine, produit actuellement 2500 m3 du bois transformés par mois.
Pour s’assurer une gestion responsable et une longueur d’avance dans le respect de la légalité et de la traçabilité dans l’exportation, Sunly a fait certifier son usine de transformation par le système FSC (Forest Stewardship Council), un label reconnu à l’échelle mondiale.
Pour Zhuang Bingchuan, directeur de Along Sarl, l’adaptation à la culture du pays hôte est évidente pour le développement d’une compagnie.
« Si tu veux que les ouvriers gabonais travaillent au rythme des commandes, il faut inventer des primes incitatives tout en respectant leurs coutumes en matière de famille ou croyances religieuses », dit-il.
PERMIS A OBTENIR VS BIERE A DONNER
Certains investisseurs privés, frustrés par leurs expériences avec la corruption dans ce pays, ne sont pas aussi convaincus par l’application des meilleures pratiques exigées par les autorités gabonaises et encouragées par l’ambassade de Chine au Gabon.
« J’ai obtenu un permis signé par les autorités et quand le signataire est enlevé du poste, les mêmes autorités disent que mon permis est illégal. Je ne sais plus à quel saint se vouer pour traiter avec l’administration », déplore un opérateur qui souhaite garder l’anonymat.
Pour Jacques Mouloungou, conseiller au ministère des Eaux et Forêts, une seule signature ne justifie pas la légalité des papiers qui se vérifie par le respect de toute une série de procédures. Auparavant, un haut fonctionnaire pouvait facilement accorder une concession de forêt à ses proches, maintenant les papiers illégaux ne sont plus reconnus, les acteurs impliqués subissent alors les conséquences, explique-t-il.
Xu Jie, responsable de Transport Bois Négoce International ( TBNI), préfère trancher le sentiment de « victime de corruption » par la racine : « Si c’est toi qui n’a pas le permis de conduire, comment reprocher au policier qui te demande une bière? »
Ce chinois titulaire d’un MBA d’une grande école française insiste aussi que son investissement au Gabon est en réalité » gabonaise ». « On emploie 400 Gabonais, 20 Chinois et une dizaine de personnes d’autres nationalités. Les départements de l’aménagement des forêts, des finances et de la technologie sont dirigés par des non-Chinois, la langue de travail est le français. Peux-tu dire qu’on est une entreprise purement chinoise? »
En effet, les pratiques « sauvages » de certains opérateurs, de nationalité chinoise et d’autres, vont s’atténuer avec l’amélioration de la gouvernance qui favorisera une compétition saine et une restructuration inévitable du secteur, soutiennent les analyses des opérateurs et des observateurs.
« Il n’y a que les entreprises de grande capacité, bien préparées, respectant la loi, la réglémentation et les normes, qui vont survivre, » conclut Xu Jie.
GRANDES ATTENTES DE TOUS LES COTES
Les grands opérateurs de l’industrie du bois chinoise sont appréciés pour leur potentiel d’investissement et leurs capacités technologiques, affirme Franck Chamberier, responsable de Industrie Bois Négoce du Gabon (IBNG), un opérateur gabonais qui détient des concessions de forêts et des unités de transformation.
« J’ai la conviction en apport de la coopération avec les Chinois. Nous avons besoin de travailler avec eux, sous forme de joint-ventures par exemple, » dit-il.
En ce qui concerne l’amélioration du rendement matière et l’augmentation de la valeur ajoutée du bois avec la 2ème et 3ème transformation, l’administration gabonaise mise sur le transfert de technologies et des partenariats en joint-venture entre les opérateurs locaux et les investisseurs étrangers en général et chinois en particulier, relèvent les experts du ministère des Eaux et Forêts.
Dans le but d’impliquer les opérateurs chinois dans les débats, les concertations relatifs à la gestion durable des forêts, l’administration gabonaise soutenue par World Wildlife Fund (WWF) a fait traduire en langue chinoise un package de documents techniques.
Réciproquement, les opérateurs chinois manifestent un élan d’enthousiasme. Initiée par cinq grandes entreprises, y compris Along Sarl et TBNI, la création d’une association des forestiers asiatiques au Gabon est en cours, avec pour mission « d’assister les autorités gabonaises dans l’implémentation des politiques relatives au sector forestier, d’organiser des formations régulières auprès des membres sur les lois, la réglémentation et les mesures des autorités gabonaises, de promouvoir les échanges avec l’administration et les autres acteurs de la filière », selon un projet de charte dont Xinhua a obtenu copie.