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L’université Omar-Bongo: politique, associations, sectes, églises éveillées et consorts

Le temps tumultueux qu’il fait à l’université Omar-Bongo (UOB) depuis ces derniers mois impose de jeter un regard sur cette institution académique censée être le temple du savoir et de la formation de l’élite nationale, mais à l’intérieur duquel se mêlent intrigues politiques, enrôlements sectaires, associations claniques et autres antagonismes aptes à perturber forcément le fonctionnement de cette structure.

Pour ceux qui ont fréquenté l’UOB, l’un de leur plus lourd souvenir de cet endroit doit certainement être l’une de ces grèves qui émaillent le fonctionnement de cette académie depuis la nuit des temps. Tantôt, ce sont les étudiants qui revendiquent de meilleurs conditions de vie et de travail, tantôt ce sont les enseignants qui, eux-aussi, affichent leur mécontentement face aux promesses jamais tenues sur leurs revendications qui s’articulent également autour du mieux vivre et du travailler dans des conditions idoines.

Des actions qui, de tout temps, ont entravé le fonctionnement de cet établissement. Certaines voix se sont levées pour indexer la ‘’politisation’’ de l’université gabonaise. Du coup, les meneurs et les chefs de files de ces différents mouvements sont souvent qualifiés d’être à la solde de telles ou de telles factions politiques. D’autres par contre refusent cette vision simpliste et indiquent que les problèmes dénoncés sont réels, à l’instar du paiement en retard des allocations d’études, du manque des sanitaires dans les établissements, etc.

Or, une chose est certaine, c’est qu’à l’UOB, tout comme dans les autres grandes écoles du pays, on y retrouve, logiquement, des militants proclamés des partis politiques qui sévissent dans le pays. Combien de fois n’a-t-on pas vu des étudiants se draper des drapeaux rouge de l’Union du peuple gabonais (UPG, opposition), combien de fois n’a-t-on pas vu d’autres étudiants défendre bec et ongle les idéaux du partis démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) au sein des agoras, sous le fameux « arbre à palabres » ? Ce ne sont que quelques exemples. A ce niveau, un enseignant répond : «c’est normal qu’on ait des étudiants qui ont des tendances politiques au niveau des universités. Ce sont eux qui assumeront le relai dans l’administration et conduiront la vie nationale dans quelques années».

Au-delà des partis politiques auxquels sont directement affiliés certains étudiants, on dénombre aussi des associations à caractère villageoises ou claniques, le plus souvent parrainées par les hommes politiques de la localité. Ce sont en fait des «antichambres du contre-poids politique, au cas où la balance pencherait du mauvais côté». Des actions sociales y sont souvent accolées pour voiler les visées politiques. «Notre association est à but non lucratif. Mais nous apportons notre soutien à nos jeunes frères qui sont dans les classes d’examens dans notre village» raconte un membre d’une association des ressortissants d’un village du nord du Gabon. Pourtant, il est de notoriété que les étudiants sont ceux-là même qui tirent le diable par la queue. Alors, où peuvent-ils trouver tout cet argent pour aller effectuer des cours de soutien à l’endroit de leurs frères au village ? La réponse est connue de tous : «Les politiques les sponsorisent et les manipulent à leur guise. C’est donc une arme de réserve», souligne un parent interrogé sur ces associations au sein de l’université. Les étudiants, eux, déclarent que ce sont leurs propres cotisations et les donations de certaines bonnes volontés (?) qui financent leurs projets.

Outre les associations de ce type, la grande vague des églises dites éveillées et les « loges » investissent au pas de course l’université gabonaise. Des étudiants indiquent même que des enseignants recruteraient leurs fidèles au sein des amphis où ils diffusent le savoir. «Des fois, au détour d’une explication, un enseignant vante les mérites de l’église qu’il fréquente ou du culte qu’il pratique et invite subtilement les étudiants à y faire un tour pour voir par eux-mêmes les merveilles qui peuvent s’y réaliser», rapporte un ancien étudiant de la faculté de lettres et sciences humaines.

Le revers de tout cela, relève un étudiant qui a quitté l’UOB pour se lancer dans l’enseignement du secondaire avec un niveau licence, pourtant en attente de soutenance de maîtrise depuis deux ans, «c’est que lorsque vous refusez d’intégrer un groupe du village ou une secte ou église que fréquente un enseignant de votre localité, il peut devenir votre ennemi et vous mener la vie dure». «A défaut, ce sont les camarades qui font des rapports aux hommes politiques de votre localité qui agissent ensuite sur les enseignants qui, eux, finissent par vous laisser tomber parce que vous ne jouez pas leur jeu», explique-t-il.

Voilà pourquoi certains remarquent que la « médiocratie » est la chose la mieux partagée dans le “Grand Portail”. «Il y a trop de ramifications qui aboutissent régulièrement à des notes farfelues pour certains étudiants», fait remarquer un ancien étudiant.

Le choc est même encore plus brutal lorsqu’on apprend que certains enseignants demeureront d’éternels enseignants, sans jamais prétendre à quelque responsabilité du fait de leur refus de s’engager dans un quelconque cercle. «C’est ça la réalité de l’UOB», indique un étudiant, dépité.

L’autre phénomène remarqué et assez répandu, c’est la prostitution. Là aussi, des étudiants, jeunes hommes ou jeunes femmes, engagés par des hommes « d’en haut » souligne-t-on, s’y adonnent à cœur joie et roulent carrosse lorsque les autres broient du noir. Avec un revers à la médaille que personne ne veut regarder en face.

«A chaque temps, ses mœurs. Et notre université en a de toutes les qualités. On a bien dit université non ?», précise et interroge une étudiante avec une pointe d’ironie qui tient à faire remarquer la diversité que présente ce genre de structure.

Au final, l’université gabonaise, dans sa globalité, n’échappe pas aux travers du pays et les concentre dans un espace clos et bouillonnant d’espoirs et d’hormones. Difficile ensuite de prétendre à une élite vertueuse quand certains de ses plus puissants éléments sont issus de ce monde d’intrigues, de commerce sexuel et de corruption. Tout cela constitue un terreau fertile de révoltes qui ne pourra être éradiqué qu’en assainissant sérieusement les dérives de quelques uns et en offrant aux enseignants comme aux étudiants, un environnement propice à l’étude.

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