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Gabon : La Cour constitutionnelle ne modifie jamais les procès-verbaux !

«La Cour constitutionnelle n’organise pas les élections!». Au sortir du contentieux électoral des dernières élections législatives, le président de la Cour constitutionnelle, Madame Marie-Madeleine Mborantsuo, dans un entretien avec la presse, est revenu sur les enseignements à tirer desdites consultations, sur le rôle de la Cour constitutionnelle, ainsi que sur la responsabilité des autres acteurs du processus électoral dans la transparence électorale.

Première Partie, publiée le 22 juin 2012 (Infos Gabon)

Question : Madame le Président, que retenir du contentieux des dernières élections législatives ?

Marie-Madeleine Mborantsuo (MMM): On a terminé effectivement le contentieux des élections partielles. Après les élections du 17 décembre 2011, nous avons reçu plus d’une cinquantaine de recours et on n’avait annulé dans six (6) circonscriptions électorales. Il y a eu une reprise au niveau de ces circonscriptions électorales et malheureusement ou heureusement, c’est selon, entre eux les partis politiques, les résultats, après ce nouveau scrutin étaient quasiment identiques au dernier scrutin. Ce sont presque les mêmes résultats. À deux points près, ou au maximum trois points près, ce sont presque les mêmes résultats qui sont revenus. Et, à l’issue de la reprise sur ces six circonscriptions électorales, nous n’avons encore enregistré trois (3) recours. Après examen de ces recours, nous avons finalement confirmé l’élection de ceux qui étaient annoncés élus par le ministre en charge, le ministre de l’intérieur, après centralisation des résultats par la commission électorale. Ceci pour dire que, le plus souvent, lorsque la Cour constitutionnelle annule les résultats d’une élection, après la reprise du scrutin, après l’organisation des partiels, ce sont souvent les mêmes élus qui reviennent. Ce sont les mêmes qui sont réélus à 90 % des cas. C’est une évidence que nous avons pu vérifier au fil du temps. On se souvient même, il ya à peu près dix ans de cela, madame Maganga Moussavou, pour ne citer qu’elle, dans sa circonscription électorale, était toujours confronté à son adversaire sur le siège. C’était un pédégiste, un haut cadre de la république, décédé. Je me souviens que par deux fois, madame Maganga Moussavou était toujours réélue. Là, je cite un cas, mais je peux en citer bien d’autres. Ainsi donc, à 90 % des cas, ce sont les mêmes qui reviennent.

Question : Alors, pourquoi les acteurs politiques pointent-ils souvent un doigt accusateur vers la Cour constitutionnelle ?

MMM : Je le mentionne pour dire que le plus souvent vous entendez des cries, des critiques. Certains disent que c’est la faute de la Cour constitutionnelle, mais ils oublient que la Cour constitutionnelle ne fait pas l’élection, n’organise pas l’élection. Même si la Cour constitutionnelle annule une élection, si les conditions sur le terrain restent les mêmes, vous pensez que si monsieur X ou Y a choisi délibérément de voter pour le candidat Z, vous pensez qu’il va changer dans sa tête sa préférence pour le candidat Z parce qu’on a annulé ? On peut annuler même cinq fois, cela ne changera pas son choix. Sa conviction est établie. Lorsqu’on dit qu’il y a fraude, quelle est l’étendue de cette fraude dans l’élection d’un tel ou d’un tel ? C’est aussi ce détail que les gens oublient. Admettons qu’on saisisse la Cour pour lui dire, voilà il y a eu fraude dans le bureau de Zamayala, par exemple. Qu’il y a eu fraude parce qu’une personne a voté deux fois ou bien parce qu’il y a des personnes qui n’ont pas signé le registre d’émargement. La Cour va annuler parce qu’il y a eu violation des dispositions du Code électorale. Mais quand on reprend le scrutin, quelle est l’influence de ce bureau de vote où il y a au maximum 500 inscrits et où il y a eu peut-être 170 votants ou au maximum 200 votants? Même si la Cour a annulé et fait reprendre le vote, mais quel est l’impact de ce bureau de vote incriminé sur l’ensemble des résultats de l’élection du candidat ? Ainsi donc, quand on reprend le vote sur le siège en question qui a plusieurs bureaux de vote, il n’est pas surprenant de constater que c’est encore le même candidat qui est réélu. Est-ce que là aussi, il n’y a pas eu des personnes qui ont voté deux fois? Est- ce qu’on a oublié d’estampiller les bulletins de vote des candidats? Il va de soi que le candidat battu va revenir vers la Cour constitutionnelle. Mais quel miracle voulez vous que la Cour fasse dans ces conditions?

Question : Pourtant les critiques persistent ?

MMM : Évidemment, toutes ces critiques résultent de l’ignorance ou de la négligence du candidat battu. La responsabilité de son échec est abusivement déversée sur la Cour constitutionnelle en générale, et sur son président, en particulier. Les uns et les autres crieront qu’elle est pédégiste. Lorsque la Cour constitutionnelle annule une élection, elle remet tout le monde sur le même pied d’égalité. Les élections ne sont pas organisées par la Cour constitutionnelle. Non! Lorsque la Cour annule une élection, ce sont les mêmes candidats qui vont repartir sur le terrain, avec les mêmes électeurs. Et, ce sont les mêmes acteurs qui vont être sur le terrain politique pour gérer réellement les opérations de vote. Parce que les opérations de vote ne sont gérées par la Cour constitutionnelle. Il faut bien le comprendre. Ce n’est pas la Cour constitutionnelle qui gère les opérations électorales.

Question : C’est-à-dire? Et le contentieux sur la liste électorale ?

MMM : Les opérations électorales c’est d’abord, entre autres, l’établissement de la liste électoral. Ce n’est pas la Cour constitutionnelle qui établie la liste électorale. C’est le ministère de l’intérieur avec le concours des commissions électorales et des commissions de révision des listes électorales sur le terrain. Ces commissions là sont mises en place par les Préfets et les Gouverneurs. Cela se fait en dehors de la Cour constitutionnelle. A ce niveau, comment la Cour constitutionnelle peut-elle savoir ce qui s’est réellement passé à cette étape que je considère comme étant la première opération électorale? C’est le point de départ du processus électoral. Comment la Cour constitutionnelle peut-elle savoir ce qui s’est passé au village Moukoko-Mbaka, par exemple? Comment la Cour peut savoir que les personnes désignées par le gouverneur pour présider à la confection de la liste électorale ont été achetés par un acteur politique pour introduire dans la liste électorale des noms fictifs? Sincèrement, comment la Cour peut-elle le savoir ? Mieux, le contentieux de la liste électorale ne dépend pas de la Cour constitutionnelle. Le contentieux de la liste électorale dépend des tribunaux qui se trouvent à Mouila, à Tchibanga, à Oyem, etc. Ce contentieux là, dépend des tribunaux locaux, c’est-à-dire des tribunaux qui sont sur place. Ainsi donc, comment les Conseillers membres de la Cour constitutionnelle qui sont ici à Libreville peuvent-ils savoir que la liste électorale de tel ou tel village a été viciée ? Tout part de la confection de la liste électorale parce que la liste électorale est le point de départ de l’élection. Il s’ensuit que s’ils y a des noms fictifs qui vont entraîner l’établissement automatique des cartes d’électeurs, inévitablement le vote sera vicié d’avance. Dans ces conditions, en quoi la Cour constitutionnelle est-elle responsable à cette étape là?

Question : Mais alors, qui juge du contentieux de la liste électorale ?

MMM : A votre avis combien de Gabonais savent qui juge du contentieux de la liste électorale ? La culture du Gabonais fait en sorte que lorsqu’on lui dit que la liste électorale est affichée, pour ce dernier, c’est une simple formalité qui ne l’intéresse pas, qui ne le concerne même pas. Quelques uns vont quand même regarder leurs noms. Mais le reste ce n’est pas leur problème. Ils ne s’y intéressent pas, alors que lorsqu’on dit justement que la liste électorale est affichée, les électeurs, dans leurs circonscriptions électorales, doivent aller vérifier si tels ou tels noms ne leurs paraissent quand même bizarres. Tout de suite, si les électeurs le souhaitent, ils peuvent saisir l’autorité administrative locale, c’est-à-dire le préfet ou le gouverneur pour lui dire que tels ou tels noms nous semblent surement être des noms de personnes étrangères à notre localité, ou encore semblent être ceux de personnes fictives ou décédées. Si le préfet ou le gouverneur ne vous répondent pas, vous avez encore la possibilité de saisir le tribunal dans la province en question. Malheureusement, pour les Gabonais, le contentieux sur la liste électorale est secondaire, inexistant et inutile. Ils oublient que c’est le point de départ de la transparence électorale qu’ils vont appeler de tous leurs vœux à la fin de tout le processus. Ce contentieux ne commence pas à la Cour constitutionnelle. Ce contentieux concerne le ministère de l’intérieur avec le concours de la Commission électorale nationale autonome et permanente(Cénap) qui est composée des éléments de la Majorité et de l’Opposition. C’est leur travail. Et les vérifications doivent se faire à ce niveau. Malheureusement encore, ils ne le font pas.

Question : Pensez-vous que le ministère de l’intérieur et la Cénap négligent la communication et la sensibilisation les citoyens ?

MMM : Quelque part on peut déplorer une insuffisance de communication au niveau du ministère de l’intérieur et de la Cénap, mais il n’y a pas de négligence car à chaque élection il y a une campagne d’informations des électeurs. Même dans leurs missions, vous verrez dans le code électoral qu’il y a parmi les attributions du ministère de l’intérieur et les attributions de la Commission électorale nationale autonome et permanente, cette mission de sensibilisation. De même, quand on prépare les budgets de ses deux entités, la mission de communication et de sensibilisation est budgétisée. Mais quand vous regardez la loi organique sur la Cour constitutionnelle ou la Constitution, vous ne verrez nulle part, dans les attributions à la Cour constitutionnelle, que la Cour doit informer et sensibiliser les citoyens. Ce n’est pas dans notre compétence. Mais nous essayons, soit avant, soit après les échéances électorales, de sensibiliser un tout petit peu les citoyens parce que la responsabilité à la fin du processus électoral nous incombe. Donc on se sent obligé de faire quelque chose qui n’est pas de notre ressort. Informer ou former, ce n’est pas de notre compétence mais celle du ministère de l’intérieur et de la Cénap.

Question : Qu’en est-il de la deuxième étape ?

MMM : Vous voyez très bien que le point de départ c’est la liste électorale. S’il est faussé, si les villageois ont manqué à leurs obligations de contrôle dans la confection de la liste électorale, s’ils n’ont rien fait, si ces compatriotes ont manqué de vigilance, cette liste viciée va poursuivre son chemin et on va arrive à la mise en place des bureaux de vote.

Question : Nous avons été interpelés par l’intervention de Magnanga Moussavou lors du contentieux issu des élections partielles qui disait que vous avez annulé les actes de naissance à Mimongo parce qu’ils n’étaient pas conformes. Pourquoi sa requête n’a pas prospéré ?

MMM : On n’a pas annulé des actes de naissance. Effectivement, pendant les élections du 17 décembre, cinq jours avant les élections dans une circonscription électorale là bas, il y a eu une légalisation d’actes de naissance suivie d’une distribution de ces actes de naissance. Mais ce n’est pas qu’on le savait avant, nous ne l’avons su que lors du contentieux électoral. En fait, c’est le candidat de monsieur Maganga Moussavou, c’est –à-dire le candidat du PSD, dans cette localité à Mimongo qui à saisi la Cour pour contester l’élection de monsieur Ngoma Madoungou. Parmi les griefs, il nous a dit que cinq jours avant les opérations électorales, le Maire de la Commune de Mimongo qui est aussi, tenez vous bien, du PSD (militant du PSD) a légalisé une cinquantaine d’actes de naissance sans que les titulaires de ces soi-disant actes de naissance se présentent, soit que les titulaires ne fassent la présentation de l’original. Il a légalisé à tour de bras, à la demande semble- t-il, d’un militant du PSD. Voilà les faits. Et, ces actes de naissance ont été distribués dans une localité donnée, dans un village, un regroupement de village. Et, pendant l’enquête, pendant l’instruction, le magistrat rapporteur va auditionner le Maire PSD en question, le Préfet du département en question, le candidat de Maganga Moussavou en question, et convoquer le soi-disant militant du PDG qui avait photocopié ces soi-disant actes de naissance et qui s’était rendu chez le Maire pour les légaliser Quand le candidat de Maganga Moussavou perd l’élection c’est sur papier que le maire PSD va écrire une lettre lui-même au Commandement en chef de brigade de la gendarmerie de Mimongo pour dire : «moi, Maire de la commune de Mimongo, je reconnais avoir signé et légaliser des actes de naissance faux. Je vous demande à vous, Commandant de Brigade d’aller retirer ces actes de naissances». C’est lui-même qui écrit au Commandant de brigade. Nous avons le dossier. Mieux, le candidat battu de Maganga Moussavou joint cette lettre à son dossier parce que pour lui cette lettre constitue une preuve de la manipulation de la liste au profit de son adversaire. Après l’instruction et l’audition des uns et des autres, effectivement on a l’information, on se rend compte que l’information établie que quelques jours avant les élections, il y a eu un monsieur qui s est rendu à la préfecture de Mimongo pour aller retirer le registre des actes de naissance et s est rendu dans un café quelque part a Mimongo et il a photocopié les pages de ce registre là et ce sont ces pages là qu’il a amené chez le Maire pour aller légaliser. Ca c’est ce qu’il va dire. Mais le problème c’est le Maire, quand il légalise, il n’a ni le registre pour vérifier si exactement ces actes de naissances étaient bel et bien les copies conformes du registre. Parce que le monsieur ne présente pas le registre au Maire. Il a pris le registre et il est allé le remettre après a la préfecture. La Cour a estimé que la légalisation de ces actes de naissance là n’était pas faite conformément à la loi. Parce qu’on légalise un acte quand on a en face la preuve de l’existence de l’originale. Or, le registre n’ayant pas été présenté au Maire, le Maire n’ayant même pas en face de lui, les soi-disant bénéficiaires de ces actes qui n’avaient même pas fait leur déclaration de perte de pièce. Quand vous perdez votre pièce, vous devez joindre une déclaration de perte. Il a légalisé les actes de naissance ex-nihilo sur la base de rien ? C’est ainsi que la Cour a estimé que ces actes de naissance légalisés dans ces conditions étaient irréguliers. Mais la cour n’a pas établi qu’ils étaient faux. Et dans sa décision, la Cour a demandé qu’on les retire avant la reprise du scrutin dans cette localité. On a écrit au ministre de l’intérieur et au ministre de la défense qui ont donnés des instructions à leurs adjoints et le travail de la récupération a été effectué avant le deuxième scrutin. Et après le deuxième scrutin, le candidat de Maganga Moussavou a encore été battu pour la deuxième fois. Là encore, il a saisi la Cour constitutionnelle pour vouloir encore se défendre en se positionnant sur les mêmes arguments juridiques de ces actes de naissance. Dans l’instruction, le magistrat rapporteur a vérifié sur la liste électorale et la liste d’émargement qui a servi à la deuxième élection si ces noms étaient portés sur la liste et si ces gens là avaient votés. Cela n’a pas été le cas. Ils n’ont pas voté. Voilà pourquoi le recours du candidat de Maganga Moussavou a été rejeté.

Comme je l’indiquais, la composition du bureau de vote, est la deuxième étape. Le Code électoral que les acteurs politiques ont adopté ensemble à la suite des Accords de Paris, dit que le président du bureau de vote est choisi par le président de la Commission électorale locale sur une liste d’aptitude qui est établie, soit par le Préfet, soit par le Gouverneur. Là aussi, c est la deuxième étape qui est très importante dans la recherche de la transparence. Mais le Préfet ou le Gouverneur au niveau de la Cour constitutionnelle, ne dépendent pas de la Cour. La liste d’aptitude n’est pas soumise au contrôle de la Cour constitutionnelle pour qu’elle puisse savoir si les noms qui sont portés sur ces listes d’aptitudes sont des noms de gens choisis sur des critères objectifs. Le préfet ou le Gouverneur peuvent mettre là dedans les gens qu’ils veulent. Il n’y a pas de contentieux de la liste d’aptitude devant la Cour constitutionnelle. Une fois la liste établie, elle est mise à la disposition du président de la Commission électorale locale qui choisit tel ou tel pour présider un bureau de vote. La seule garantie est que les candidats ou les partis politiques de la Majorité et de l’Opposition désignent à parité, les adjoints du président du bureau de vote, les vices présidents et les assesseurs. C’est ce choix là qui est déterminant. Ce sont ceux là qui font la transparence électorale réellement le jour du vote. Ce sont eux qui ont la responsabilité d’être vigilant. Mais le plus souvent, les acteurs politiques attendent le jour même du scrutin ou la veille dans la nuit pour choisir comme ça au petit bonheur de la chance des gens pour les représenter dans les bureaux de vote. Ceux là n’ont reçu aucune formation. Ils ne savent même pas quelle est la portée de l’acte qu’ils vont poser dans le bureau de vote. Ils ne savent même pas à quoi ils servent dans le bureau de vote. Ils pensent que c’est seulement le fait de recevoir un tel, de lui faire signer ici ou là. Leur rôle là dedans est de vérifier s’il n’y a pas un acte de fraude quelque part. Ils doivent être vigilants à tous les instants. Ils ne sont pas seuls. Il y a aussi les représentants des candidats dans le bureau de vote. Leur rôle est aussi déterminant et primordial parce qu’ils doivent suivre tous les détails et consigner dans le procès verbal du bureau de vote tous ce qui clochent, tous ce qu’ils ont révélé de louches. Le choix des vice-présidents et des assesseurs, le choix des représentants des candidats par le candidat lui-même est le petit détail qui conditionne la transparence électorale dans le bureau de vote.

Deuxième Partie, publiée le 2 juillet 2012 (Infos Gabon)

Au sortir du contentieux électoral des dernières élections législatives, le Président de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, dans un entretien avec la presse, est revenue sur les enseignements à tirer desdites consultations, sur le rôle de la Cour constitutionnelle, ainsi que sur la responsabilité des autres acteurs du processus électoral dans la transparence électorale. Voici la suite de l’interview publiée le 22 juin 2012 :

Question (Q): Vous avez parlé de la composition du bureau. Quelle est son importance dans les opérations électorales ?

Marie-Madeleine Mborantsuo (MMM) : Comme je l’indiquais, la composition du bureau de vote, est la deuxième étape. Le Code électoral que les acteurs politiques ont adopté ensemble à la suite des Accords de Paris, dit que le président du bureau de vote est choisi par le président de la Commission électorale locale sur une liste d’aptitude qui est établie, soit par le Préfet, soit par le Gouverneur. Là aussi, c’est la deuxième étape qui est très importante dans la recherche de la transparence. Mais le Préfet ou le Gouverneur ne dépendent pas de la Cour constitutionnelle. La liste d’aptitude n’est pas soumise à son contrôle pour qu’elle puisse savoir si les noms qui sont portés sur ces listes d’aptitudes sont des noms de gens choisis sur des critères objectifs. Le Préfet ou le Gouverneur peuvent mettre là dedans les gens qu’ils veulent. Il n’y a pas de contentieux de la liste d’aptitude devant la Cour constitutionnelle. Une fois la liste établie, elle est mise à la disposition du président de la Commission électorale locale qui choisit tel ou tel citoyen pour présider un bureau de vote.

La seule garantie est que les candidats ou les partis politiques de la Majorité et de l’Opposition désignent à parité, les adjoints du président du bureau de vote, les vices présidents et les assesseurs. C’est ce choix là qui est déterminant. Ce sont ceux là qui font la transparence électorale réellement le jour du vote. Ce sont eux qui ont la responsabilité d’être vigilant. Mais le plus souvent, les acteurs politiques attendent le jour même du scrutin ou la veille dans la nuit pour choisir comme ça au petit bonheur de la chance des gens pour les représenter dans les bureaux de vote. Ceux là n’ont reçu aucune formation. Ils ne savent même pas quelle est la portée de l’acte qu’ils vont poser dans le bureau de vote. Ils ne savent même pas à quoi ils servent dans le bureau de vote. Ils pensent que c’est seulement le fait de recevoir un tel, de lui faire signer ici ou là qui fait la transparence électorale. Leur rôle là dedans est de vérifier s’il n’y a pas un acte de fraude quelque part depuis l’ouverture du bureau de vote jusqu’à l’acheminement des procès-verbaux du bureau de vote à la Commission électorale locale qui centralise l’ensemble des résultats. Ils doivent être vigilants à tous les instants. Ils ne sont pas seuls. Il y a aussi les représentants des candidats dans le bureau de vote. Leur rôle est aussi déterminant et primordial parce qu’ils doivent suivre tous les détails et consigner dans le procès verbal du bureau de vote tout ce qui cloche, tout ce qu’ils ont relevé de louches. Le choix des vice-présidents et des assesseurs, le choix des représentants des candidats par le candidat lui-même est le petit détail qui peut tout changer lors d’une élection car c’est aussi ce choix qui conditionne la transparence électorale dans les bureaux de vote.

Q : N’y –a-t-il pas également là un problème de culture juridique de certains candidats ?

MMM : Il y a un problème à ce niveau là effectivement. Car, lorsqu’on prend des gens à la va-vite dans une circonscription donnée de 32 bureaux de vote, par exemple. Lorsque vous n’avez pas pris la peine de les former, lorsque vous n’avez pas les moyens de votre action, les moyens de les payer, il est préférable de ne pas s’aventurer dans la compétition électorale. Il y a également un problème lorsque le candidat ne connaît rien sur la transparence électorale, lorsqu’il n’a même pas lu le code électoral. Certains candidats ne savent même pas ce que dit le code électoral. Ils ignorent le rôle de leurs représentants dans les bureaux de vote. Comment voulez-vous que ces derniers fassent correctement le travail qui est le leur dans les bureaux de vote ? Vous voulez qu’ils fassent quoi dans les bureaux de vote ? Bon nombre de ces représentants ne sont dans les bureaux de vote que pour les 10.OOO FCFA qu’on leur donne pour aller manger. Dès qu’on leur donne 10.OOO FCFA pour aller manger, ils sortent du bureau de vote et abandonnent leur poste. La conséquence, est qu’à la clôture, ils ne font aucunes observations au procès-verbal, alors que le code électoral est clair là dessus. Seules les observations qui sont notées dans le procès-verbal servent de recours devant la Cour, après. Heureusement que pour l’instant, la Cour n’est pas rigoureux sur cette disposition. Même s’il manque des observations au procès-verbal, quand la Cour est saisie, elle est obligée d’ouvrir des enquêtes. Alors que la loi, si on s’en tenait seulement à la loi, lorsque vous faites un recours, si vous n’avez pas indiqué les observations sur le procès verbal, comme en France par exemple, on ne regarde même pas votre requête. On la met à la poubelle. Mais, comme je l’indique souvent à mes collègues, nous sommes dans une phase de démarrage. Il n’y a pas encore de culture juridique, nous ne pouvons pas faire comme en France. Parce qu’en France il y a deux critères. Le premier, si vous êtes battus et que la différence des voix est importante, on ne regarde même pas le recours. Il est classé sans suite. C’est pour dire quand quelqu’un saisit la cour, les magistrats sont obligés d’ouvrir les enquêtes alors que si on s’en tenait seulement à la loi en regardant si et seulement dans le procès-verbal du bureau, il ya des observations. En principe, dans les autres pays comme en France, on ne regarde même pas la requête, on la met dans la poubelle. On classe sans suite votre dossier. Par contre, le second critère, si vous n’avez pas fait des observations au procès-verbal, c’est la poubelle, la requête est classée sans suite. Nous, ici, nous disons que nous somme dans une phase débutante dans l’appropriation de la culture juridique. On prend donc tout le temps pour examiner les requêtes. On auditionne, on envoi les émissaires sur le terrain, on fait venir les gens de l’intérieur du pays, tout cela à la charge du budget de la Cour constitutionnelle. Parce qu’il faut payer le transport des justiciables, rembourser leurs frais d’hôtel et les nourrir pour essayer de leur extirper quelques informations permettant à la Cour de faire une religion. On prend tout ce temps pour essayer de reconstituer difficilement les faits. Savez-vous que lorsqu’il y a un contentieux sur les élections, surtout lorsqu’il s’agit des amis, si l’un est élu, les parents du village s’y mêlent avant que le dossier ne soit examiné à la Cour, les parents s’arrangent à l’amiable, parfois on demande à celui qui a perdu de laisser celui qui a déjà été élu, en raison qu’un accord trouvé entre les familles des deux adversaires. Certains font du troc ! C’est ainsi qu’au moment où la Cour examine le dossier, trop souvent on trouve des raisons abracadabrantes, des excuses du genre : « j’étais loin, je pensais que c’était la réalité alors que ce n’est pas comme ça ». En ce moment, la Cour est dans l’impasse. On ne peut plus reconstituer la vérité.

Q : Les partis politiques ont donc une grande responsabilité dans la gestion des bureaux de vote?

MMM : Effectivement! Sur ce point, j’insiste pour dire que les partis politiques ont une grande responsabilité dans la gestion des bureaux de vote. Dans les prochains jours, la Cour va mettre à la disposition des acteurs politiques un opus, un petit ouvrage préparé avec la collaboration du Centre de Recherche de Droit Constitutionnel sur la gestion des bureaux de vote. Il sera mis à leur disposition pour qu’ils sachent comment gérer un bureau de vote et surtout les sensibiliser sur l’importance du bureau de vote. Ceci étant, il importe aussi de noter que là aussi, dans la gestion des bureaux de vote, la Cour n’est pas impliquée.

Q : Et en ce qui concerne la centralisation des résultats ?

MMM : En ce qui concerne la centralisation des résultats dans les commissions électorales d’abord départementales ou communales, là aussi la responsabilité de la Cour n’y est pas. Même dans le transfert des résultats entre le bureau de vote et la commission électorale la plus proche, la Cour n’y est aussi. Et, à ce niveau, on parle aussi très souvent de fraude. C’est aussi entre le transport des procès-verbaux d‘un village à la commission départementale que l’on enregistre souvent aussi des fraudes. Généralement, il se fait que lorsque votre candidat a perdu, les représentants ne sont plus intéressés, ils claquent la porte et partent. Inversement aussi, si votre candidat est élu, vous êtes heureux, vous courrez lui annoncer la bonne nouvelle, en oubliant que vous n’êtes pas à la fin du processus électoral. Tant que les résultats ne sont pas encore arrivés à la commission la plus proche, s’ils ne sont pas centralisés et si le Préfet n’est pas encore venu les annoncer publiquement, il y a toujours un risque de fraude.

Q : L’incinération des bulletins de vote ne pose –t- elle pas aussi problème ?

MMM : Dans les bureaux de vote, on remarque que les bulletins sont généralement incinérés bien après le vote, de sorte qu’ils n’arrivent même pas à la Cour constitutionnelle. Les bulletins de vote incinérés tout de suite après le dépouillement et après le remplissage des procès-verbaux signés par tous. Ce sont eux même qui incinèrent, la responsabilité de la Cour n’est pas là. Il ne reste concrètement que les procès-verbaux qui doivent prendre la route pour arriver à la commission départementale. Là aussi, la loi dit que tous ceux qui étaient dans le bureau de vote, doivent accompagner dans le même véhicule les procès-verbaux jusqu’ ici.

Entre temps, il faut que les représentants des candidats dans les bureaux de vote où les bulletins ont été incinérés, prennent tout de suite une copie du procès-verbal car puisque les bulletins ont été incinérés devant ces derniers. C’est ce procès-verbal qui leur reste et qui est primordial lors du contentieux. Malheureusement là aussi les représentants des candidats ne prennent pas la copie du procès-verbal. Comme on leur a dit qu’après le dépouillement, leur candidat a perdu, ils claquent la porte et sortent sans prendre la copie du procès-verbal. Les représentants courent pour aller dire au candidat de saisir la Cour constitutionnelle mais sans prendre le procès verbal du bureau de vote. A la question de savoir où est le procès-verbal ? Le représentant ne l’a pas pris car il est parti avant. Ceux qui restent après la défection, ont la lourde responsabilité de transporter les procès-verbaux à la commission départementale avec la possibilité d’être visité sur la route ou sur la pirogue, dans un lac… Je me souviens même que la Cour avait annulé par le passé une élection parce que des représentants d’un candidat avaient voulu jeter dans l’eau, alors ils étaient dans une pirogue qui acheminait les résultats vers la Commissions locale, le représentant de leur adversaire parce qu’il s’opposait à une tentative de fraude. Tout récemment encore, la Cour Constitutionnelle a annulé une élection, il y a trois mois, du coté de Mitzic parce que lors du transport du procès-verbal entre le bureau de vote et la commission départementale, en chemin, il parait que la voiture est tombée en panne et qu’une voiture est venue prendre les procès verbaux. Tout cela était faux. La Cour a estimé que ces résultats n’étaient pas fiables car ceux qui devaient accompagner ces résultats disaient que la voiture était tombée en panne et que certains étaient partis ailleurs pour chercher de l’aide. Face à ce tissu de mensonges, la Cour a préféré annuler. Voilà des points très important. Lorsque ces résultats arrivent à la Commission électorale, à partir du moment où ils sont centralisés par la CENAP, qui est composée à parité Majorité/Opposition, il est quasiment difficile de les manipuler. Ils sont annoncés publiquement par le Préfet. Voilà, résumé, les étapes clés qui sont très sensibles. L’élection part de là.

Q : Est-il possible de manipuler les procès-verbaux au niveau de la Cénap ?

MMM : En principe, au niveau de la centralisation, il est difficile qu’on puisse manipuler les procès-verbaux qui arrivent à la CENAP. Là-bas aussi, c’est très difficile de les manipuler. Et quand ils arrivent à la Cour, qu’est-ce que la Cour peut changer à ce niveau ? Ce sont des procès-verbaux qui sont partis du village que nous ne connaissons même pas, qui ont transité par les Commissions départementales et Communales pour atterrir à la Commission provinciale. Ce qui arrive à la Cour, c’est un produit complètement fini. Parce qu’entre temps, la Commission électorale a centralisé tous les résultats et les a annoncés publiquement en appelant le Ministre de l’Intérieur le faire. Maintenant à quel moment la Cour va modifier les procès verbaux ? Quand ces résultats viennent de l’intérieur du pays, ils sont centralisés à la Commission électorale nationale, ils sont annoncés au public et sont publiés dans les journaux, à RFI, AFP, France 24, etc. De sorte qu’on sait tous, par exemple, qu’Ali Bongo Ondimba a été élu, que Jean François Ndongou a aussi été élu. C’est déjà annoncé partout. Comment la Cour peut-elle modifier les procès-verbaux à ce niveau et à cette étape ? Voilà le processus électoral, c’est la simple réalité.

Q : Mais à quel niveau la Cour intervient, et pour quels types d’irrégularités?

MMM : Mais, là où la Cour a un droit de regard, c’est uniquement quand il s’agit du contentieux électoral. Du bureau de vote jusqu’au résultat, la Cour n’intervient pas. Depuis la liste électorale jusqu’à l’annonce des résultats, la Cour n’est pas impliquée. Lors de la proclamation des résultats par le Ministre de l’Intérieur à la télévision, la Cour n’est même pas informée. Elle ne prend connaissance des résultats que par la bouche du Ministre de l’Intérieur, à la télévision comme tout le monde. La Cour n’intervient qu’en cas de contentieux. La Cour envoie ses délégués pour vérifier si les commissions électorales sont en place. Ça s’arrête là. Les commissions sont composées à parité égale aussi bien par les représentants de la majorité que ceux de l’opposition. C’est de cette composition là dont-il s’agit. La Cour vérifie la conformité des bureaux de vote, c’est-à-dire s’il y a un président, des vice-présidents et des accesseurs à parité égale, si les représentants des candidats y sont. Elle n’est pas là pour savoir si telle ou telle personne qui a été choisie comme président est bon ou pas. Jusqu’aux résultats, la Cour n’est responsable de rien. Depuis la liste électorale, jusqu’aux résultats qui nous sont communiqués au même moment, la Cour n’est pas impliquée. C’est uniquement pendant le contentieux électoral que la Cour peut apprécier certaines irrégularités.

La loi a décidé, dans le code électoral, de créer une distinction entre les irrégularités. Il ya des irrégularités qui entrainent obligatoirement l’annulation d’une élection et il y a des irrégularités que la Cour apprécie librement. Surtout si cette irrégularité a eu une influence déterminante pour l’élection de quelqu’un. Lorsqu’on oublie, par exemple, de viser le bulletin de vote des candidats, c’est une irrégularité. Mais cette irrégularité ne fait pas partie des irrégularités qui entrainent obligatoirement l’annulation de l’élection. C’est une irrégularité que la Cour apprécie librement si le fait de n’avoir pas visé les bulletins des candidats a influencé les résultats des élections. Si la Cour estime que non cela n’a pas influencé l’élection parce que tous les bulletins des candidats n’ont pas été visés. Les candidats ont été tous mis sur un même pied d’égalité. A partir du moment où tous ceux qui ont voté ont émargé, à partir du moment où celui qui saisit la Cour sur cette base-là ne remet pas en cause l’authenticité des résultats obtenus dans ce bureau de vote, s’il ne dit pas qu’il a gagné 50 voix mais il se retrouve avec 20 voix, s’ il ne le dit pas, s’il estime que les résultats sont bons dans l’ensemble, mais les bulletins de tous les candidats n’ont pas été visés, à partir de ce moment, la Cour apprécie librement. Car cette irrégularité n’a pas influencé les résultats du scrutin. La Cour utilise souvent une phase : « Quoique blâmable, le fait de n’avoir pas visé tous les bulletins de vote n’a aucune influence déterminante sur les résultats ». Ce qui entraine obligatoirement l’annulation du scrutin, par exemple, c’est le défaut de l’isoloir, parce que le vote doit être secret. Il faut que la personne choisisse librement son candidat dans un coin à part, caché. Si on se rend compte que le vote n’a pas été secret, les électeurs sont venus pour influencer par le regard les autres faute d’isoloir, la Cour annule parce que le défaut de l’isoloir fait parti des irrégularités qui entrainent obligatoirement l’annulation de l’élection, c’est clair. Par exemple, si dans un village un grand homme politique tel que Paul Mba Abessole, se pointe dans un bureau de vote, par sa seule présence, il va inévitablement influencer le comportement des électeurs dans le bureau de vote. Dans ce type de cas, le vote est influencé et le juge ne peut même pas apprécier. La Cour est obligée d’annuler. C’est ce qu’on a fait du coté de BAKOUMA, TCHIBANGA, parce que dans ces localités, il ya eu ces genres d’irrégularités qui ont entrainé obligatoirement l’annulation de l’élection.

J’arrive à la conclusion pour dire que quand la Cour constitutionnelle annule l’élection, le plus souvent à 90 pour cent, ce sont les même qui reviennent. Ce qui signifie que la Cour qui n’est pas au début du processus électoral jusqu’ aux résultats annoncés par la voix du Ministre de l Intérieur, n’intervient à aucun moment. Mais si la Cour constate qu’il y a eu violation d’une disposition importante du code électoral durant ce processus, comme par exemple le défaut d’isoloir, la Cour annule. Mais quant vous repartez dans vos circonscription, c’est toujours devant les mêmes électeurs, vous n’êtes pas élus par la Cour, vous repartez devant ces mêmes électeurs. Si vos représentants sont toujours les mêmes, c’est-à-dire non formés, et s’ils sont là seulement pour prendre de l’argent auprès de vous, franchement vous serrez toujours battu. Ensuite, si vous ne vous entendez pas vraiment avec les électeurs, si vous n’avez pas pendant les cinq dernières années travaillé le terrain et su vous rapprocher de vos électeurs, si ces derniers vous ont tourné le dos, la Cour peut annuler dix fois les elections, vous ne serez jamais élu. Parce que les annulations décidées par la Cour ne vont pas changer les cœurs des électeurs de votre village, qu’elle ne connait d’ailleurs même pas. Moi, ici à la Cour, je ne connais pas les électeurs qui votent pour mon frère Ndémezo là-bas dans son village. Je ne connais personne. Comment pourrais-je alors influencer le vote de Bitam ? Comment pourrais-je influencer un vote à Franceville ? Si le candidat n’a pas mis une seule fois les pieds dans sa circonscription et attend le vote pour s’y rendre, il doit être certain qu’il sera lapidé. Moi, je ne peux rien faire pour lui à la Cour constitutionnelle. Rien du tout !

Revenant sur les élections qui se sont déroulées, sur les partielles et les décisions rendues par la Cour pour dire qu’on a annulé les élections et les même sont revenus. Un jour, dans l’Ogooué –Ivindo, lors d’une élection qui opposait TOUCK -ADI KA et Dr Crépin ATENDE, la Cour a annulé cette élection. Pourquoi ? Comme les gens là bas soutenaient TOUCK-ADI KA dans son village, les gens faisaient exprès pour narguer son adversaire en votant sans isoloir. A deux reprises, la Cour a annulé l’élection. TOUCK-ADIKA a fait observer que : « même si la Cour annulait 20 fois l’élection, je vais toujours gagner car mon adversaire, personne ne le soutient, il ne sera jamais élu». Nous lui avons fait remarquer qu’à cela ne tienne, ce n’est pas la peine de faire travailler inutilement la Cour, de gaspiller l’argent de l’Etat étant donné que chaque élection nécessite un budget et qu’il fallait former ses électeurs pour aller voter dans l’isoloir.

Q : Pour terminer, Madame le Président, quel est votre sentiment par rapport à la contestation de nouveau des résultats de l’élection des membres du Conseil Economique et Social (CES) ?

MMM : Nous avons été saisi par les gens qui contestaient les résultats au Conseil Economique et Social, nous avons annulé cette élection, ils ont repris. Et, là, nous avons encore 16 recours par rapport à la dernière élection. Les dossiers sont instruits par des magistrats rapporteurs. Le Président n’instruit pas le dossier à la Cour. 16 recours sont arrivés et ont été déposés au greffe. Le greffe enregistre les recours, il y a un numéro par ordre d’arrivé qui est attribué à chaque dossier. Le greffier qui a la liste des magistrats membres de la Cour et des magistrats assistants, ventile les dossiers à chaque membre et aux assistants. Les assistants, des magistrats rapporteurs qui sont détachés de la Cour des comptes, du Conseil d Etat et de la Cour de cassation. Ils sont à la Cour constitutionnelle en permanence.

Le greffier qui reçoit la requête, il prend la liste des membres de la cour d’abord, il vérifie si le doyen d’âge a déjà un dossier qu’il est entrain d’examiner à ce moment, puis il passe au suivant. En bas, il regarde la liste des assistants qui n’ont pas des dossiers entre les mains. Il met des noms pour tous les dossiers.

Dernièrement, nous avons été saisis par le président de l’Assemblé Nationale, comme quoi, la Cour ne traite pas seulement les questions électorales. Nous sommes saisis sur nos domaines de compétences. Nous avons des compétences très larges. Nous sommes en salle tous les jours dans l’un des domaines de compétence de la Cour. Le président de l Assemblé Nationale nous a saisis pour un avis, un contrôle de constitutionnalité. Il en est ainsi de toutes les autres institutions. Lorsqu’elles sont coincées sur un point, elles suspendent l’examen du dossier et saisissent la Cour pour avis. Tout dossier qui arrive à la Cour constitutionnelle, fait l’objet d’une instruction par le magistrat rapporteur avec deux assistants. Quand vous déposez un recours, vous devez le faire en 18 exemplaires. Les originaux restent au greffe, les copies sont distribuées à tout le monde à l étude des magistrats. A eux d’instruire le dossier, auditionner les gens et après de rédiger un rapport. Pour ceux qui ne sont pas concernés par les dossiers, on se retrouve ensemble pour une discussion afin de permettre à tous d’être imprégné des dossiers. Il y a un débat afin de permettre à tous d’être au même niveau d’information pour donner son appréciation. Chacun des magistrats membres reçoit tous les dossiers pour participer au débat et l’alimenter. Il est important de bien connaitre les dossiers, savoir si le magistrat instructeur a bien instruit les dossiers, s’il n’a pas favorisé quelqu’un.

J’étais sur les textes de loi sur le Conseil Economique et Social, mais le problème du Conseil économique social part des textes, c’est-à-dire de la loi organique sur le CES. Quand ils ont préparé ce texte, ils n’ont tenu compte du fait qu’il s’agissait d’un organe institutionnel et qu’il fallait prévoir les modalités de désignation de ses membres d’une manière claire. C’est le premier écueil. Le deuxième écueil, c’est que la société civile chez nous, les associations, les syndicats et les ONG, ne sont pas bien organisés. Le texte qui les réglemente au Ministère de l’Intérieur est vieux. Il n’est pas encore réactualisé. Il y a une pléthore d’associations qui se créent à tout bout de champ. Or pour aller au CES, on devait exiger une certaine représentabilité, malheureusement, ce n’est pas le cas. Il y a des associations qui se créent pour les besoins de la cause. Pour certains, lorsqu’il y a une élection qui se pointe à l’horizon au CES, alors on crée sa petite association que l’on peut faire valider avec l’aide de X ou de Y. C’est dommage ! Parmi les recours, on a par exemple le recours de l’ONEP. Voyez-vous, comment des grands secteurs, des grands syndicats comme l’ONEP peuvent se retrouver à l’extérieur du CES qui est une assemblée économique ? Pendant ce temps, on va se retrouver avec ces représentants de petites associations sans représentativité qui sont nées hier, pour certaines, et qui, curieusement, y sont représentés au CES.

Le problème part du fait que le texte qui réglemente les syndicats et associations est largement dépassé. Deuxièmement, la loi organique qui organise le mode de désignation portant organisation et fonctionnement du Conseil Economique et Social a été préparé à la va vite par le Gouvernement sans la soumettre à l’appréciation de la Cour constitutionnelle, en dépit du fait que c’était une loi organique. Ce texte, comporte des lacunes qu’on ne pouvait pas combler par des décrets. Voilà le problème de fond de ces recours récurrents devant la juridiction constitutionnelle qui dans la loi organique sur le CES n’est même pas explicitement désignée. Ils ont utilisé un terme hybride, un terme confus «devant la juridiction compétente ». Demain quand vous entendrez ces gens vociférer, ils diront que la Cour a rejeté notre recours. Mais quand on dit « devant la juridiction », c’est laquelle ? Ce n’est pas par hasard que la Constitution prévoit qu’une loi organique doit être absolument soumise à l’appréciation de la Cour constitutionnelle. Parce que c’est une loi qui prolonge la Constitution. Ils ne l’ont pas soumise au contrôle de la Cour constitutionnelle. Ils l’ont promulgué comme ça. Après l’annulation, ils n’ont eu le temps de corriger cette loi, ils l’ont tout simplement mise en publication. Devant l’urgence et vu que le mandat des conseillers était largement dépassé et hors de ses pouvoirs, on ne pouvait plus combler les lacunes de cette loi en la renvoyant devant le Parlement. On a tout simplement promulgué à nouveau le même texte, quoique lacunaire, pour combler les carences du CES qui était hors mandat. Maintenant, on espère qu’ils prendront vraiment, enfin le temps, de régler ces problèmes du Conseil Economique et Social. Parce que le CES aurait dû avoir en son sein ces associations de poids, qui travaillent réellement sur le terrain. Parmi les recours il y a aussi celui de la SOCIOR qui existe depuis des années, il y a Croissance Saine Environnement qui pose des actes sur le terrain. Voila des gens qui peuvent lors des débats poser vraiment les problèmes et apporter quelque chose. Mais! Bon ce n’est pas la fin du monde. On verra ! Voila le fond des dossiers instruis à la Cour.

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