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Quelle « Françafrique » avec Hollande ?

François Hollande reçoit Alphé Condé, président de la Guinée, à l’Elysée, le 2/7/12 © AFP/MEHDI FEDOUACH
INTERVIEW – La semaine diplomatique du chef de l’Etat est marquée par trois rendez-vous avec des présidents africains. Quel sens veut-il donner à la « Françafrique » ? Les réponses de TF1 News avec Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique.

Alpha Condé (Guinée) lundi, Ali Bongo Ondimba (Gabon) ce jeudi et Macky Sall (Sénégal) vendredi : la semaine de François Hollande, qui avait déjà rencontré Boni Yayi (Bénin et président en exercice de l’Union africaine), Mohammed VI (Maroc) et Mahamadou Issoufou (Niger) depuis le début de son mandat, est marquée par une forte prédominance africaine.

TF1 News profite de l’occasion pour faire le point sur l’avenir de la « Françafrique » avec Antoine Glaser. Journaliste et écrivain, il est l’un des spécialistes les plus reconnus de l’Afrique les plus reconnus.

TF1 News : Dans quel état Sarkozy a-t-il laissé la « Françafrique » ?

Antoine Glaser : En arrivant au pouvoir en 2007, il était arrivé plein de bonnes intentions sur la gestion des relations franco-africaines. Il pensait notamment que l’Afrique n’avait plus autant d’importance économique pour la France que par le passé. Finalement, il a terminé les deux mains dans le cambouis en Afrique par rapport au Proche-Orient. Il s’est donc montré plus interventionniste dans le « village franco-africain » qu’on aurait pu le penser, notamment en Libye où l’action militaire contre Mouammar Kadhafi a des répercussions dramatiques aujourd’hui au Mali.

Sur le plan des relations avec les chefs d’Etat, on a assisté au même changement. En 2007, il avait parlé de les banaliser et de les normaliser en laissant le Quai d’Orsay gérer le dossier franco-africain. Mais, petit à petit, il a mené une relation directe avec eux via les réseaux habituels. Dans le même temps, Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, devenait son « M. Afrique » officieux. Il faut en revanche mettre à son crédit son implication personnelle pour faire avancer plusieurs dossiers judiciaires difficiles, comme l’Angolagate ou l’affaire Borrel à Djibouti, et la normalisation avec le Rwanda.

TF1 News : Que peut-on attendre de la politique africaine de François Hollande ?

A.G. : En ce qui concerne l’homme, il a toujours été très prudent dans ses contacts avec les chefs d’Etats africains, notamment quand il était Premier secrétaire du PS. Il n’a aucune relation personnelle avec des hommes politiques qui ne respectent pas la démocratie, même s’ils font partie de l’Internationale socialiste. C’est ainsi, par exemple, le seul dirigeant socialiste français à avoir pris très vite ses distances avec Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire.

Sur le plan de la politique africaine, il a déjà posé des jalons. Le ministère de la Coopération, qui était surtout un ministère « Afrique », a disparu. Pascal Canfin, le ministre délégué au Développement, s’occupe ainsi du développement durable ou de la Birmanie. Cela montre une volonté institutionnelle de diluer les relations franco-africaines dans le verre d’eau du développement. Le rôle de Pascal Canfin ressemble donc à celui de Jean-Pierre Cot, le ministre de la Coopération de François Mitterrand en 1981, qui était justement chargé de prendre ses distances avec la « Françafrique ». A l’époque, il avait tenu un an.

TF1 News : Cette volonté de François Hollande est-elle applicable dans les faits ?

A.G. : Il est clair que la « Françafrique » est un gros bateau qui ne s’arrête pas du jour au lendemain. Mais elle est néanmoins en fin de parcours puisque la France n’a plus les moyens d’une relation bilatérale privilégiée avec l’Afrique. L’affaire des « biens mal acquis » prouve aussi que l’exécutif français ne peut plus étouffer les affaires gênantes pour les présidents africains. Cette tendance à la « normalisation » des relations franco-africaine devrait donc s’accentuer sous la présidence de François Hollande.

TF1 News : L’affaire des « biens mal acquis » peut-elle tendre les relations ?

A.G. : Le dossier agace les dirigeants concernés (ndlr : Ali Bongo Ondimba, Denis Sassou N’Guesso, le président du Congo, et Teodoro Obiang Nguema, le président de Guinée-Equatoriale, dont le fils Teodorin Obiang est cité). Un chantage de leur part sur la mise en concurrence des intérêts stratégiques, économiques et militaires français dans leur pays respectif face notamment aux pays asiatiques sera néanmoins difficile. D’un autre côté, Hollande, qui n’a pas l’intention d’intervenir sur le travail des juges, devra jouer serrer pour éviter un retour de bâton.

TF1 News : Quid du Mali ?

A.G. : C’est le principal dossier sur la table aujourd’hui (lire notre article : Mali : le cri d’alarme du maire de Gao »). Au-delà du sort des otages français, il se double de la rivalité entre la France et l’Algérie, acteur majeur mais masqué. D’où d’ailleurs la nomination d’un ambassadeur français pour le Sahel qui va bientôt se rendre à Alger. L’Algérie est opposée à une intervention militaire, demandée par la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) aux Etats-Unis et à la France. Pour l’instant, Hollande botte en touche en proposant de renvoyer l’affaire devant le Conseil de sécurité de l’Onu.

Bref, la situation, géopolitiquement complexe, est rendue encore plus sensible par l’intervention du Qatar, qui semble soutenir sur le plan humanitaire Mujao, l’un des groupes islamistes maliens ciblant les intérêts algériens.

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