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Écoutes téléphoniques, France et présidentielle gabonaise de 2009

Elections – Bureau de vote le 30 août 2009
Publiées par Échos du Nord, les écoutes téléphoniques du Silam se rapportant à la période de transition et à la présidentielle anticipée de 2009 au Gabon, apportent un nouvel éclairage sur le rôle de la France dans l’élection d’Ali Bongo à la présidence.

Si l’hebdomadaire Échos du Nord n’est pas le WikiLeaks ou le Mediapart gabonais, il s’en rapproche à biens d’égards. Et si la France de Nicolas sarkozy a toujours nié son implication dans l’élection d’Ali Bongo à la présidence du Gabon en 2009, de plus en plus d’indices viennent confirmer que celui-ci a bénéficié des appuis stratégiques de l’Élysée. L’hebdomadaire gabonais a en effet publié, le 30 juillet denier, la retranscription de certains extraits des écoutes téléphoniques du Silam, le service des écoutes de la présidence du Gabon.

Tout le monde se souvient de ce que Robert Bourgi, conseiller de Nicolas Sarkozy pour les relations avec les pays africains, avait soutenu ouvertement Ali Bongo lors de ladite présidentielle anticipée : «Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra.» Les morceaux choisis des écoutes téléphoniques publiées il y a deux jours indiquent plutôt qu’en coulisses un quarteron de collaborateurs du président français d’alors s’étaient attelés à orienter les événements durant la transition assurée par Rose Francine Rogombé. Notamment, Robert Bourgi, Claude Guéant (ministre de l’Intérieur de Sarkozy), Alain Joyandet (secrétaire d’État à la Coopération et à la Francophonie), Michel Roisin alors ambassadeur de la France au Gabon et Stephane Bellati, alors chef de poste au Gabon de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service de renseignement extérieur de la France. On note également que Frédéric Bongo y est surnommé «le Saint Cyrien» par Robert Bourgi.

Si elles s’avèrent exactes, les écoutes téléphoniques retranscrites laissent comprendre que Ali Bongo comptait conserver le ministère de la Défense jusqu’au scrutin, mais que Rose Rogombé, cédant à la pression de l’opposition et de la rue, avait dû anticiper les choses. Le 14 août 2009, lorsque Ali Bongo est démissionné du ministère de la Défense, Frédéric Bongo explique à Bellati au téléphone «qu’initialement un arrangement avait eu lieu pour assurer en temps voulu l’intérim du ministre de la Défense par un autre ministre, mais il semble que Madame la Présidente ait reçu des pressions qui l’ont amenée à s’exprimer plus tôt que prévu.» Et de poursuivre : «Il n’y a pas de conséquence immédiate sauf que c’est l’évidence qu’elle n’est pas hermétique aux pressions, qu’elle est fragile, influençable, alors que des assurances avaient été données de Paris, par conséquent, il faut en prendre acte car elle même ouvre la boîte de Pandore». Comme quoi, la présidente par intérim avait contredit là des assurances données à Paris. La dame sera désormais littéralement écartée et la nomenklatura gabonaise ne recevra désormais ses ordres que d’Ali Bongo, alors candidat. Ce même 14 août, le parton de la DGSE Gabon informe l’ambassadeur Roisin de ce que «des proches du candidat Bongo, (Frédéric Bongo) lui ont fait remarquer que l’on est sorti du cadre constitutionnel, et cela vaudrait la peine d’en parler demain matin.» Roisin qui venait de suivre RFI pense que la radio française «a traité l’information sur un mode qu’il qualifierait de neutre». Pour lui, «RFI utilise un autre mot» et dit «a été déchargé de ses fonctions avant la campagne, et aucun remplaçant n’aurait été désigné pour le moment ».

L’hebdomadaire note que l’affaire du ministère de la Défense prendra d’autres proportions quelques temps après, notamment le 17 août 2009, à en croire les indiscrétions du Silam. «Ali Bongo veut exposer à Lemboumba (Jean pierre Lemboumba Lepandou, coordinateur des services de la Présidence. NDLR) un autre souci de grande importance. Il a l’impression que Madame Rogombé, sous l’instigation des « généraux » dont Auguste Roger Bibaye Itandas et Ntumpa, voudrait nommer un nouveau ministre de la Défense sans consulter qui que ce soit ! Il ajoute qu’il est de plus en plus significatif que sous la poussée de son entourage, elle souhaite une transition plus longue ! Lemboumba est d’avis d’arrêter ça rapidement, c’est intolérable». Rogombé ne pourra donc plus prolonger la transition en se référant à l’évolution de la situation.

Les écoutes du Silam permettent également de comprendre les déterminismes du procès qui sera fait plus tard au général Ntumpa Lebani. Ayant remarqué que le général Auguste-Roger Bibaye Itandas et le général Jean-Philippe Ntumpa Lebani, alors dirigeant du Conseil national de sécurité, étaient trop proches de Rose Rogombé, Ali Bongo dira à Lemboumba : «Ntumpa est du Haut Ogooué. Il ne peut accepter ça, il faut arrêter ça ! Il devine que le but est de faire partir Ali pour le remplacer par son oncle de Ngouoni.» Idriss Ngari certainement. En réponse à Lemboumba lui faisant remarquer que «Ntumpa c’est l’homme de votre oncle», Ali Bongo marquera son inquiétude : «Ça va commencer à devenir dangereux ! Ils vont devoir faire une intervention brutale auprès d’elle». Et de poursuivre : «Le gros problème qui se présente, c’est que tout le monde va partir sur le terrain et qu’elle va faire ce qu’elle veut.» Jean-Pierre Lemboumba a donc dû rassurer Ali Bongo en prenant l’engagement de parler à Rose Rogombé le lendemain. Et Ali Bongo de suggérer que l’ambassadeur de France aille voir Rogombé pour lui dire clairement, «finissez avec cette transition parce que nous, on va très mal le prendre si vous continuez comme ça !»

On fera ici l’économie des différentes conversations entre Lemboumba et Bourgi, des messages importants que «Le saint Cyrien» négligera de remettre à Ali Bongo, au grand dam de Bourgi et des allers-retours de celui-ci entre la France et le Gabon. On devra cependant noter que Robert Bourgi indiquera à Lemboumba que Nicolas Sarkozy «a décidé d’envoyer, mardi, Alain Joyandet chez le «voisin d’à côté», Obiang Nguema Mbasogo. «Il devra lui donner des consignes très strictes», précisant que : «Ali est notre protégé ; qu’il ne veut pas que le pays traverse une période difficile ; Obiang devra rappeler à l’ordre ses sbires ; Joyandet devra lui expliquer qu’il est préférable qu’il garde l’argent pour le bien de son pays, à lui.»

Un autre appel de Bourgi à Lemboumba précise que «Joyandet part donc mardi matin (25/08) à 6h00, heure locale, arrivera à Bata, à 13h00, sera emmené directement chez Obiang, où ils déjeuneront, en tête à tête, et deux heures après, il redécolle pour Paris». Lemboumba approuve la décision prise par «le boss» mais demande en plus à Bourgi «d’activer Denis Sassou Nguesso ainsi que Paul Biya (…) la personne idéale en ce moment est Biya, et qu’en appoint, il peut utiliser Denis». Bourgi promet de faire répercuter le message le soir même.

Échos du Nord termine son article en rappelant que lors de la visite de Nicolas Sarkozy à Libreville et de sa rencontre avec l’opposition, le 24 février 2010, Zacharie Myboto qui avait rappelé l’immixtion de la France dans la présidentielle de 2009, s’était littéralement fait envoyé paitre et Nicolas Sarkozy avait demandé que des excuses lui soient présentées pour cette accusation. Sans doute les écoutes téléphoniques du Silam sont-elles également une accusation. Sauf que Nicolas Sarkozy n’est plus au pouvoir.

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