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Afrique du Sud: début de l’enquête sur la fusillade de Marikana, le temps des questions

Un mineur (d) blessé raconte les affrontements avec la police au président sud-africain Jacob Zuma (g), le 18 août 2012 à l’hôpital Andrew-Saffy de Marikana (AFP)
Une première enquête a été ouverte samedi sur les responsabilités de la police dans la fusillade qui a fait 34 morts jeudi à la mine de Marikana (nord), alors que l’Afrique du Sud s’interroge sur les causes profondes du malaise social qui a conduit au drame.

Samedi matin, des experts de la police des polices sont arrivés à la mine de platine exploitée par Lonmin, près de Rustenburg (province du Nord-Ouest).

Ils sont chargés de déterminer si la réaction des policiers, qui ont ouvert le feu à balles réelles, faisant 34 morts et 78 blessés, était proportionnelle à la menace des mineurs, comme l’affirme la direction de la police.

Une autre enquête interne à la police est ouverte. Et le président Jacob Zuma a également annoncé vendredi la mise en place prochaine d’une commission d’enquête plus large pour faire la lumière sur les événements.

A quelques centaines de mètres des lieux du massacre, toujours bouclés par les forces de l’ordre, plusieurs centaines de mineurs se sont de nouveau rassemblés samedi. Julius Malema, le jeune leader populiste récemment exclu de l’ANC, est venu leur parler. Les journalistes ont été tenus à l’écart.

Pendant ce temps, de nombreuses familles étaient toujours à la recherche d’un proche. Une liste des morts a finalement été affichée à l’hôpital local samedi. Mais des femmes continuaient de chercher frère ou mari, soient qu’ils soient parmi les 78 blessés, soit qu’ils fassent parti des 259 personnes arrêtées après les violences.

Les autopsies, selon des sources médicales, n’ont pas encore eu lieu, et aucune information n’a été donnée sur la date à laquelle les corps seront restitués aux familles.

Pour la plupart des commentateurs, la responsabilité immédiate du drame était partagée entre la police, mal équipée et mal préparée pour ce type de situation, et les grévistes eux-mêmes, violents et armés d’armes blanches et, selon certains témoignages, d’armes à feu.

« Il y a une semi-militarisation de la police, qui n’est pas entraînée pour faire face aux manifestations d’une façon pacifique. Ils préfèrent utiliser la force, tirer sur les gens », dénonce l’analyste politique Dirk Kotze, de l’Université d’Afrique du Sud (Pretoria).

De fait, les policiers déployés face aux grévistes n’avaient ni boucliers ni protections lourdes, et étaient armés de fusils automatiques.

L’incapacité des syndicats à encadrer et à prévenir le mouvement était également mise en cause. « Les leaders syndicaux ont agi de façon irresponsable, dans une culture de la grève où la violence est un élément permanent », estime le politologue Ebrahim Fakir.

Durant toute la phase de tension qui a précédé le massacre, « les dirigeants syndicaux sont restés invisibles », constate Dirk Kotze. Selon lui, le grand syndicat des mines NUM a perdu son emprise sur les mineurs, « parce qu’il est vu comme un allié du gouvernement, et spécialement du président Jacob Zuma ».

Ce discrédit a laissé une place libre à d’autres syndicats, plus radicaux. A Marikana, c’est le petit syndicat AMCU, une dissidence de NUM, qui est montré du doigt pour avoir échauffé les mineurs en promettant de mirifiques augmentations de salaires.

Avant le drame de jeudi, des affrontements entre partisans de NUM et d’AMCU avaient fait dix morts en quelques jours.

Plus profondément encore, c’est l’incapacité du gouvernement à gérer ce genre de crise, et surtout à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière, 18 ans après la chute de l’apartheid, qui est largement dénoncée.

« Je ne crois pas qu’ils se rendent compte à quel point notre société est devenue volatile », dit à l’AFP l’analyste Adam Habib, de l’Université de Johannesburg, « cent ans après le début des mines en Afrique du Sud, les gens vivent toujours dans les mêmes conditions qu’au début du 20e siècle ».

Pessimiste, M. Fakir prédit que ce type de catastrophe risque de devenir récurrent en Afrique du Sud: « Ca va exploser de nouveau dans trois ans, parce que le gouvernement ne fait rien pour résorber les inégalités, les différences de salaires, les conditions de travail, la santé et la sécurité dans les mines, alors que ce sont les données de bases du problème ».

Plus optimiste, son collègue Adam Habib espère que le drame de Marikana va provoquer « une crise existentielle en Afrique du Sud: qui sommes-nous, et qui devenons-nous? ».

« Si cela arrive, je pense que ce sera une bonne chose pour l’Afrique du Sud », dit-il.

Aux Etats-Unis, un porte-parole de la Maison blanche a déclaré que les Américains étaient « attristés par ces décès tragiques (…) mais nous avons confiance dans le fait que le gouvernement sud-africain enquêtera sur les circonstances de cette affaire ».

A Londres, le gouvernement s’est dit « choqué », mais a salué « l’annonce d’une commission d’enquête par le président (Jacob) Zuma ».

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